Les applications sont-elles la nouvelle étape de l'Internet mobile ?

Le Web est-il en cela dépassé par le succès des "apps" ?

Près du quart de la population mondiale est connecté à l’Internet mobile, et pour une grand majorité via un smartphone. Ces smartphones permettent tous d'installer des applications mobiles, dont le téléchargement atteint des sommets : ainsi début mars, Apple a franchi la barre des 25 milliards d’applications téléchargées depuis son App store. De son côté, l'Android Market de Google (rebaptisé Google Play) a annoncé en décembre 2011 avoir atteint les 10 milliards de téléchargements.
En douze mois, les Mobile Application Stores (MAS) sont passés d'un effet de mode, à un pan structurel de l'écosystème mobile : Apple a créé de la valeur (et ce en monnaie sonnante et trébuchante) ainsi que de la stickyness à son iPhone…
A l’origine, Android favorisait le Web, le premier souhait de Google étant de promouvoir l’émergence de « web apps », autrement dit des sites web mobiles. En effet, le business model reposait sur le web et les publicités affichées lors du passage sur le site.
Google a dû toutefois changer son fusil d'épaule devant le succès des applications mobiles. En effet, ces dernières contournent son système en ce sens qu'elle donne accès directement à ce que recherche l'utilisateur en l'enfermant dans un silo, qui l'isole de Google et de sa régie publicitaire. Google s'est donc tourné vers les applications mobiles afin de ne pas sortir du marché.
Il reste toutefois que les approches d’Apple et de Google sont radicalement différentes : Apple sélectionne certaines contributions au détriment d'autres alors que Google prône une posture d'ouverture en termes de contenus mobiles. Afin de contrer Apple qui maitrise la chaine de valeur hardware/software, Android a su séduire les principaux fabricants de terminaux. Google leur a proposé de diminuer drastiquement leurs coûts de développement d’OS afin de minimiser les adaptations nécessaires entre les différents modèles de terminal Android, en proposant des apps incorporant des technologies de type web.
Ceci a créé une sorte de "schisme" entre les partisans d'applications de type web fonctionnant comme un navigateur web, et ceux partisans d'apps qui se comportent comme des logiciels pour smartphones, même s'ils se connectent à Internet.
La différence peut paraitre ténue, mais trois éléments sont distinctifs. Tout d’abord, l’intégration avec le terminal. Dans la partie software, la sécurité des données et les protections des contenus (gestion des DRM) ne peuvent être garanties aujourd’hui que par les apps natives. Un besoin qui se renforce avec le développement des tablettes et autres smart TV. De plus, l’intégration avec d’autres applications peut être un facteur de préférence pour l’app. Par exemple, l’app de navigation « Velib » s’appuiera sur l’app Google Maps « native » du terminal.
Pour le hardware, les fonctionnalités des smartphones telles que le GPS (pour la navigation), le processeur (notamment pour les jeux), la caméra,… sont particulièrement sollicitées sur les apps et ne sont pas accessibles pas les web apps.
Ensuite, la fluidité : les apps développées étant adaptées spécifiquement en fonction des OS et des terminaux, les apps natives exploitent tout le potentiel d'un smartphone, alors qu'une web app a pour vocation première au contraire de fonctionner sur moult versions de terminaux.
Enfin, dernière différence majeure, l’app peut fonctionner hors connexion et il est souvent possible de « synchroniser » ses données puis les consulter offline. Il apparait donc que selon le service considéré (par exemple jeux et vidéos d'un côté, ou news de l'autre), l’utilisateur peut opter pour une application native ou une web app.
Une nouvelle norme pourrait modifier ce fragile équilibre, le HTML5. Celle-ci permet d'intégrer au navigateur web de nombreuses fonctions (glisser-déposer, audio-vidéo, géolocalisation,...). Grâce à cela, les web apps peuvent rivaliser avec les apps natives au niveau de l’intégration avec le terminal et des possibilités graphiques. Ainsi le Financial Times a fait le choix de retirer son application de l'App Store (afin de ne plus reverser 30% à Apple) et de proposer une web app en HTML5.  Cette dernière génère déjà plus de trafic que l'ancienne app native. De son côté, Mozilla a lancé une boutique d'applications HTML 5 baptisée Mozilla Marketplace. Celle-ci suscite un vif intérêt de l'opérateur qui y voit un moyen de ne plus dépendre des deux géants californiens Google et Apple.
Il reste que la guerre des apps et de l'internet mobile n'est plus désormais une bataille de formats qu'ils soient web ou non, mais plutôt une problématique de distribution de contenu mobiles. Les Mobile Application Stores (MAS) sont devenus le standard de distribution, pour des clients recherchent ainsi en premier lieu une offre d'applications de qualité, facile d'accès. Ces MAS sont en train d'évoluer vers une offre plus fine et segmentée afin de créer de la valeur pour l'utilisateur: Il s'agit de proposer un éventail de contenu non pas de technologie, avec une posture éditoriale privilégiant un choix assumé.  C'est bien ce que proposent Apple mais aussi Amazon avec son Market Place Android avec des fonctions de recherche et de recommandation alliées à un système de facturation centralisé fluide qui sont à la base de leur succès. 

Jean-Michel Huet, Directeur Associé, Tariq Ashraf, Manager, Jérôme Dewavrin, Consultant et Guenièvre Lasalarié, Consultante, BearingPoint.