Que va devenir la HADOPI ?

Pour la première fois depuis la mise en place de la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet (la fameuse "HADOPI"), un internaute a été condamné par la justice à la suite du téléchargement illégal d'œuvres protégées.

La décision, rendue par le Tribunal de police de Belfort le 13 septembre 2012, n'aura guère valeur de dissuasion pour les plus irréductibles des internautes adeptes du téléchargement illicite : la peine prononcée s'élève à une simple amende de 150 euros. On est loin des 300.000 euros et 3 ans d'emprisonnement qui menacent théoriquement tout individu coupable de contrefaçon !
Si la HADOPI peut se féliciter de ce jugement, il semble toutefois que la condamnation résulte avant tout des aveux du prévenu, qui a reconnu les faits alors qu'il avait la possibilité de garder le silence. Pour mémoire, ce n'est pas le téléchargement en soi qui est sanctionné en vertu des dispositions de la loi HADOPI, mais le fait de ne pas avoir sécurisé son accès à internet par le biais d'un mot de passe. Or le défaut de sécurisation ne peut que difficilement être démontré.
Cette condamnation inédite démontre que la procédure mise en place par la loi HADOPI fonctionne correctement, de l'envoi des e-mails d'avertissement, en passant par les mises en demeure par lettre recommandée, jusqu'aux poursuites devant le tribunal de police. La chaîne HADOPI a donc, en l'espèce, abouti au résultat escompté.
Il n'en demeure pas moins que le sort réservé à la HADOPI n'est pas garanti. Lors de la campagne présidentielle de mai 2012, le candidat François Hollande avait, un temps, expliqué qu'il supprimerait cette institution. Il ne semble plus que cela soit à l'ordre du jour aujourd'hui, mais tant le fonctionnement (coûteux) de la HADOPI que les résultats de ses efforts de prévention et de sa démarche de répression continuent de semer le doute sur son devenir.
La réponse pourrait provenir de Pierre Lescure, l'ancien dirigeant de Canal Plus, qui a été chargé le 18 juillet 2012 par la nouvelle Ministre de la culture, Aurélie Filipetti, d'une mission "de concertation sur les contenus numériques et la politique culturelle à l'heure du numérique". Intitulée "L'Acte II de l'exception culturelle", cette mission porte essentiellement sur les moyens de poursuivre le soutien à l'activité culturelle en France à l'heure du numérique.
Il est notamment demandé à Pierre Lescure de formuler de nouvelles propositions en vue de lutter contre la "contrefaçon commerciale". Est-ce que cela concerne la contrefaçon réalisée à l'échelle des particuliers ? Rien n'est moins sûr. Mais l'on voit mal la Commission Lescure ne pas aborder la délicate question du sort de la HADOPI, dans un contexte difficile pour la Haute Autorité.

Il semble en effet, d'après les statistiques récentes, que le piratage n'a pas faibli de manière sensible. Si la HADOPI note une tendance au recul sur les réseaux peer to peer, les échanges restent énormes (entre 3 et 4 millions de visiteurs uniques par mois sur les principaux réseaux de téléchargement) et les internautes semblent se tourner de plus en plus vers des outils qui ne sont pas surveillés par les ayants droit.
Selon certaines déclarations récentes, Pierre Lescure ne proposerait pas la suppression de la HADOPI. Sa disparition entraînerait sans doute un fort mécontentement au sein de l'ensemble des professions culturelles. Cela étant, si l'on met en parallèle la maigre condamnation du Tribunal de police de Belfort aux résultats obtenus par le FBI dans l'affaire Megaupload, il est possible de s'interroger sur la pertinence du système mis en place par la loi française…