E-commerce : Eldorado, couteaux, ciseaux… os !

Marc Schillaci m’a fait dans une récente chronique, l’honneur d’esquisser un contrepied à mes propos de garçon boucher (JDN 31 août 2012). L’amateur de rugby que je suis ne pouvait, après ce cadrage débordement, laisser passer l’occasion d’un rebond, si capricieux soit-il.

Petit préambule :
Contrairement à ce que l’on pourrait croire de prime abord, outre la passion de l’entreprise et du e-commerce, Marc et moi avons en commun, la passion de la pêche et non celle de la boucherie ! C'est dit.
Enfin, pour énoncer dès à présent LE vrai point de désaccord, je ne suis une “sorte” de rien, et surtout pas de “sommité”.
Marc est trop gentil.
C’est le genre de qualificatif qui vous tombe dessus généralement sur le tard, or j’ai encore un tas de choses à faire… Laissez-moi vivre.
Quant à savoir si j’ai un “avis autorisé”… je m’autorise parfois à le donner, plus particulièrement quand on me le demande, et en cela, Marc a raison, de manière “excessive” le plus souvent possible !
Pourvu que ça dure…

Mais revenons-en à nos gigots…
En fait, après avoir relu dans le détail, avec la plus grande attention, la chronique de Marc dans Le Journal du Net – (re)prêtez-vous à l’expérience - le paradoxe est qu’il est, à ma plus grande surprise, en phase avec toutes mes positions !
Une fois qu’on a retiré l’introduction et les paragraphes, très drôles par ailleurs, sur la santé du marché de la boucherie, Marc n’exprime aucune contradiction notable à mes propos…
Il voit lui aussi la crise décimer les e-marchands fragiles :

Rien de véritablement nouveau sous le soleil, la crise va probablement décimer les e-marchands fragiles”.
Comme moi il imagine les petits résister mieux que les autres et avoue partager mon point de vue là-dessus :

“les commerçants faisant moins de 1 million d'euro de revenus annuels, du fait du peu de charges qui leur incombe, se défendront bien. Là, je partage son point de vue”.
Il ne contredit pas le fait que selon moi la crise est là aussi pour le e-commerce :

“C'est vrai, du fait de l'avance qu'ont pris les acteurs "historiques" et également du fait de la crise qui commence à toucher aussi le e-commerce.”
Et il constate, comme je le fais, que le e-commerce a encore une belle croissance devant lui.
Quand je dis : “Cela n'empêchera pas l'e-commerce de continuer à se développer et croître...”
Lui répond :

“parce que s'il a raison de souligner que tout n'est pas rose, le e-commerce continue de représenter une véritable opportunité.”

En réalité le “point de friction” tient plus à l’endroit ou lui et moi nous trouvons respectivement.
Marc a raison, le e-commerce demeure un vrai gisement de croissance et d’emploi pour nombre de TPME.
Son angle de vue est tout simplement décalé par rapport au mien : quand lui regarde la croissance du e-commerce, je regarde celle des e-commerçants…
Quand je regarde mes confrères et concurrents, Marc voit ses clients.
Si j’étais Tintinophile, je dirais : un peu comme, dans le désert, Haddock voit une bouteille en regardant Tintin dans “Le Crabe aux Pinces d’Or”.
De plus, Marc a de bonnes raisons de se montrer très optimiste.
Avec 2 à 3 nouveaux sites chaque heure, son marché à lui progresse vraiment. Exactement au rythme sur lequel le notre se complique ;-)

Donc, constater que le e-commerce se porte bien ne signifie pas que les e-commerçants se portent bien. Et inversement…

Il y a (au moins) deux manières de lire la "croissance à 2 chiffres” due-commerce au 2° trimestre 2012.
Au global (le secteur) 21 % avec 23% de sites en plus !
Ou à périmètre constant (croissance moyenne des e-commerçants ice40 présents l’année dernière à la même époque) soit 6%. Lu comme ça, les 2 chiffres ne sont plus là… Et je pense, comme Gauthier Picquart (et d’autres), que les 3e et 4e trimestres seront bien plus difficiles encore.
Certes, de nombreux sites dans cette grille de lecture sont en réalité bien au-dessus des 6%. Et d’autres en dessous. Tout comme de nombreux nouveaux arrivants sont restés coincés à zéro !
Marc nous dit que “Des os à ronger, le e-commerce en réserve encore”.
Je suis d’accord… A sang pour sang !
En sachant, pour rester dans la métaphore bouchère, que quand on ronge les os, c’est qu’il ne reste guère de gras sur la bête…

Nous étions déjà l’an dernier au Q2, 89 800 convives pour un rôti de 8,9 kg, nous invitons cette année 20 000 affamés de plus pour un gigot de 10,8 kg. Les portions individuelles seront donc mathématiquement, de moins en moins copieuses.

Mais non, je ne suis pas pessimiste.
La pièce de viande va continuer à grossir, à bon rythme. Sortez vos couteaux (et votre argent) et commencez à manger ! Y en aura pas pour tout le monde et personne ne se resservira. Certains vont se viander… c’est sûr, et d’autres auront encore faim en sortant de table.
Mais oui, il reste de très beaux morceaux pour ceux qui auront le courage, les moyens, et la lucidité pour y accéder et ainsi ne pas demeurer dans le “ventre mou” de tous les dangers, contraints de se limiter à défendre leur bifteck !

L'excellent Michel de Guilhermier ne dit d'ailleurs pas autre chose dans l'exxxxcellent billet publié samedi sur son blog : "Le mot qui s'associe le mieux à l'e-commerce des Pure Players : ciseaux !"
Plus qu’une boucherie il annonce un atelier découpe…
L’esprit reste le même… Tranchant !
A la lecture de son billet je me suis dit que “Aguirre la colère de dieu” et “Fitzcarraldo”, les films d’Herzog, devraient être projetés en préalable obligatoire à tout nouveau contrat de vente à distance !

Marc et moi, nous serons dès demain au salon du e-commerce 2012 pour en parler, autour d’un jus de tomate (bien rouge) et d’une tranche de truite comme il me l’a proposé sur Twitter.
Emplis d’optimisme et en toute amitié !