Comment garantir la propriété intellectuelle des oeuvres numériques géographiques
Les GeoDRM, au cœur du développement vertueux de l’ère de la cartographie
Les services cartographiques payants, accessibles en ligne, sont
de plus en plus nombreux à pénétrer, de
façon insidieuse, l’ensemble des secteurs d’activité. Les modèles économiques
qui les gèrent tentent inexorablement d’imposer une vision partisane du
commerce. Une vision qui se tisse sur la toile au fil des ans avec des règles
de plus en plus sophistiquées sensées garantir revenu et propriété intellectuelle aux ayants droit. Le GeoDRM
fait partie de ces pierres angulaires qui consolident cette vision. Moins
bruyants que leurs cousins issus des secteurs de la musique ou de la vidéo en
ligne, et au-delà, de tout ce qui a trait à l’industrie culturelle, les GeoDRM
sont aussi plus jeunes. Ils sont en effet nés avec l’arrivée dans le domaine
public, via des services web, d’une importante manne de données géographiques,
sous l’impulsion de la directive européenne INSPIRE ; à ce titre, ils pourraient bien être la clé de voute d’un
marché florissant, uniquement limité par la créativité des professionnels et
des particuliers qui les exploiteront. L’ère de l’omniprésence de la
cartographie débute, et les GeoDRM en sont un élément moteur.
Pour faire simple, le GeoDRM, un GéoGDN en francais, se calque sur les
DRM (Digital Rights Management), la
gestion des droits numériques utilisés dans le domaine des multimédias pour
garantir la propriété intellectuelle, les redevances d’utilisation, et
augmenter la protection sur les œuvres numériques. Des œuvres numériques
géographiques dans le cas des GeoDRM, dont nous verrons les principaux acteurs
et tenterons d’anticiper sur les réalisations. Concrètement, donc, le GeoDRM
est une application informatique qui autorise l’usage et/ou le développement
ad-hoc d’une œuvre numérique.
Des droits, des devoirs et des possibilités
Le GeoDRM permet ainsi de gérer les droits suivants :
* le droit commercial pour accéder à des
ressources géographiques pour une période définie ;
* Le droit de location des ressources ;
* le droit de publier des œuvres dérivées ;
* le droit de mettre en
place un ou des intermédiaires entre le propriétaire de la ressource et l’utilisateur…
La question est aujourd’hui d’identifier et d’encourager les
applications qui intègrent un GeoDRM. À
l’heure actuelle en France, le Geoportail, le portail de l’information géographique français de l’IGN, est aujourd’hui l’exemple de référence national
et le plus grand fournisseur de données cartographiques.
Le GeoDRM au sein du
portail géographique permet la gestion et la protection de la propriété
intellectuelle des données, rappelons le, accessibles via des services web
(donc extrêmement flexibles):
* la protection des
producteurs de données ;
* la protection de l’utilisateur (vie privée) ;
* la vérification via la
licence d’utilisation des droits et contraintes de la ressource mise à disposition
des données (voir, imprimer, copier…).
L’intérêt de l’apparition de ces GeoDRM et de la disponibilité des données géographiques réside dans ce qu’elle favorise l’émergence d’un marché vertueux, ou du moins, largement moins controversé que celui des œuvres culturelles. Un passage en revue des trois principales catégories qui devraient en bénéficier nous permet d’anticiper un florilège de nouveaux services.
Les acteurs publics d’abord, ministères, collectivités territoriales
ou autres, bénéficiaires des données à titre gracieux (mais néanmoins géré),
travaillent actuellement à l’intégration de ces données dans leurs panels
d’outils à disposition des agents ou des administrés, en concentrant leurs
développement autour de la gestion urbaine, des réseaux d’énergie, de
l’évolution des équipements ou encore, de leur politique de POI (Point of Interest) : services
locaux (par exemple, « routage » vers les pharmacies de garde), zones
de travaux, informations sur les espaces écologiques, la qualité des plages
etc.).
De leur côté, les professionnels, industriels ou sociétés de
services, semblent se concentrer vers des usages plus pragmatiques des données
géographiques, en les intégrant dans leurs systèmes pour optimiser leur
productivité. Tous les acteurs de terrain sont potentiellement concernés, opérateurs
télécoms ou énergétiques pour leurs études d’implantations et de couvertures,
transporteurs pour leurs tournées, promoteurs, urbanistes, ou architectes
peuvent avoir recours en permanence ou ponctuellement à des données protégés,
avec la garantie d’opérer en tout conformité avec les lois relatives aux droits
d’auteurs. Une façon élégante de faire émerger de bonnes pratiques.
Enfin, le grand public peut également accéder à ces données et,
moyennant une modique contribution, imaginer des usages pertinents dans le
cadre des hobbies ou des activités familiales. Ici, le plus gros reste à faire,
mais nul doute que l’émergence d’outils informatiques intuitifs, couplés aux
réseaux sociaux ou à l’émergence de la télévision connectée, pourraient
contribuer à débrider les esprits.
Un modèle économique
calibré
Les vertus de l’écosystème engendré par la naissance des
GeoDRM ne s’arrêtent pas avec les usages. Le système de gouvernance,
caractérisé par des licences associées au GeoDRM, qui précisent les droits à
utiliser une ressource numérique géographique, concernant une zone définie pour
une temporalité déterminée, participe aussi au développement du marché.
Ainsi, le GeoDRM permet le développement d’un modèle économique
qui prend en compte un ou plusieurs intermédiaires entre le propriétaire de la
ressource mise à disposition et son utilisateur. Ainsi que la ventilation, le
partage des droits et des devoirs de ces intermédiaires (part des redevances,
contrôle des licences…). Autant d’acteurs qui verront leur rôle et leurs
activités renforcées, notamment avec la validation de la norme ISO 191153
visant les processus de sécurisation des transactions dans ce domaine ; le
GeoDRM est donc indirectement garant de la qualité des transactions entre
l’utilisateur et le propriétaire de la donnée géographique.
Si le DRM, en général,
dans le secteur des multimédias pour le grand public, a pu être perçu
comme un outil de contrôle parfois liberticide, il se pourrait que dans le
monde professionnel de la géomatique, il se positionne comme le gardien du
temple d’une industrie en cours de maturation, et comme une opportunité
supplémentaire de démocratiser les données géographiques de façon sécurisée et
créative.