E-commerce et magasins physiques : quelles synergies pour mieux recruter et fidéliser les consommateurs ?

Les modifications du comportement des consommateurs devenant hyper connectés, cross canaux et à la recherche d’immédiateté, associées à l’essor, sous différentes formes, du commerce digital, transforment en profondeur le rôle que doit jouer le point de vente physique aujourd’hui.

Comment un réseau peut-il désormais s’y adapter pour vendre, se différentier et fidéliser toujours plus de clients grâce à la proximité et la relation humaine qu’il offre quotidiennement en magasin ?

L’appel du digital face à l’efficacité du canal traditionnel

De plus en plus d’enseignes se tournent actuellement vers le commerce digital en ouvrant des boutiques sur Internet ou encore en créant de nouvelles applications de vente sur Smartphone. Si cette diversification marketing fait sens d’un point de vue client (9 personnes sur 10  souhaitent que les magasins traditionnels se dotent d’un site e-commerce – Ifop 2013), elle reste néanmoins perfectible en termes de synergies créées avec le réseau de magasins existants qui, rappelons-le, représentent toujours 90% des achats (Observatoire du Research Online, Purchase Offline- ROPO 2012) et transforment encore 20 fois plus que le commerce digital (Xerfi 2013). Les nouveaux enjeux des distributeurs s’orientent donc vers la mise en œuvre d’une stratégie digitale autour du magasin qui puisse à la fois s’adapter aux nouveaux parcours d’achat mais aussi permettre de répondre aux attentes spécifiques des cibles visées. Les comportements et technologies évoluent mais la raison d’être d’un réseau reste la même: conquérir et fidéliser en restant au plus près des chalands et de leurs besoins au quotidien.

Le e-commerce complète les dispositifs dits traditionnels, principalement au travers de trois promesses : améliorer qualitativement et quantitativement le trafic en surface de vente ; ré-enchanter la relation entre les clients et les vendeurs et ré-inventer la manière de fidéliser la clientèle.

« Digital-to-Store » où comment  rediriger un trafic qualifié en magasin

Parmi les consommateurs connectés, plus de 7 sur 10 déclarent avoir déjà utilisé Internet ou leur Smartphone pour savoir si un magasin existe près de chez eux, pour consulter les horaires d’ouverture ou pour affiner une intention d’achat (Ifop 2012). Ces usages appelés « digital-to-store » sont relativement classiques mais représentent tout de même 12% du volume d’affaires global de la distribution, soit trois fois plus que celui généré par le commerce digital aujourd’hui (Google 2012).
Ces leviers  « must have » comme le référencement sur les « store locators » doivent de ce fait être parfaitement maitrisés par le réseau  et ce dans le but d’éviter que cette manne financière aille directement dans les caisses des concurrents situés juste dans la rue d’en face. Bien sûr d’autres leviers existent: application mobile du magasin, localisation des produits en stock, click & collect, couponing géo-localisé … et chaque jour de nouvelle approches innovantes sont expérimentées en France mais le retard est encore important au regard de ce qui est mis en œuvre ailleurs en Europe et surtout outre-Atlantique.
 
L’enseigne américaine Walmart a créé dans cette optique une application Facebook, nommée « My Local Walmart », pour accélérer la digitalisation de ses hypermarchés (permettant à ses gérants de communiquer sur leurs produits, de diffuser leurs coupons, d’échanger avec leurs propres clients et de relayer des campagnes auprès de prospects identifiés parmi les 26 millions de fans de l’enseigne (ciblés par localisation, sexe, âge, canal utilisé et centres d’intérêts). Ce dispositif web social a aussi été développé pour faciliter les remontées d’idées et de suggestions des clients afin d’améliorer l’agencement des rayons, de fluidifier les parcours ou encore de créer de nouveaux services in situ (caisse automatique, dépannage de pneu sur le parking etc.). Une mine d’informations très intéressantes pour que l’enseigne réponde encore mieux à leurs attentes et attire toujours plus de clients dans ses rayons. Enfin, l’application permet de fédérer une communauté de clients en local grâce à l’organisation de « rencontres culinaires en magasin »  et au travers de débats créés et animés chaque jour par le community manager.
Ce cas d’usage nous donne un aperçu concret du potentiel qu’offre le digital aujourd’hui pour créer de la proximité relationnelle avec ses clients, leur donner envie de venir et revenir pousser les portes de son propre magasin.
La mise en œuvre d’un tel dispositif doit s’inscrire dans une réflexion globale centrée sur les enjeux du réseau (développer le panier moyen, réduire les coûts de communication …), les priorités en magasin (réduire l’attente, vendre plus aux heures creuses …), les besoins des salariés et bien évidemment les attentes profondes des clients. Les facteurs propres au digital que sont  l’échange et l’animation du contenu sont aussi des éléments déterminants qu’il faut savoir dimensionner pour définir l’organisation, les ressources et moyens qui seront nécessaires. Le respect de ces prérequis doit pouvoir permettre d’imaginer et de mettre en place une stratégie « digital-to-store » efficace localement et rentable à long terme plus globalement.

Un vendeur mieux informé prodiguant des conseils personnalisés grâce au digital

De nos jours, les chalands ne sont plus de simples prospects en ballade du dimanche mais de véritables investigateurs chevronnés souhaitant effectuer le meilleur achat possible. En effet, ils prennent de plus en plus l’habitude de réaliser des comparaisons sur les marketplaces, de consulter des avis clients sur les forums ou encore d’échanger avec leurs amis « serial shoppers » sur les réseaux sociaux et ceci dans le but d’avoir toutes les cartes en main avant d’acheter sur un site Internet ou dans un magasin situé à deux pas de leur domicile. L’émergence de ces nouveaux profils de clients oblige désormais les vendeurs à développer une expertise plus profonde des produits qu’ils commercialisent et d’apporter encore plus d’objectivité aux conseils qu’ils prodiguent chaque jour en magasin. Seulement, la question est de savoir « comment »… dans un contexte où les produits évoluent rapidement, où les clients passent d’un canal de vente à un autre et où les vendeurs ne restent plus indéfiniment dans leur fonction. La solution la plus envisageable consiste à mettre des outils simple d’utilisation à leur disposition (tablettes, Smartphones, écrans connectés …) relayant des données pertinentes sur les clients (profils, historique d’achats, centres d’intérêts, derniers produits mis en panier…) et intégrant un moteur de suggestions leur permettant d’apporter un conseil plus personnalisé en magasin.
L’enjeu est bel et bien de réussir à se structurer technologiquement et fonctionnellement autour d’une vision unifiée des données clients/produits et ceci dans l’optique de renforcer la légitimité et la valeur ajoutée globale du vendeur.

Des enseignes aux États-Unis ont flairé l’opportunité et commencent à proposer aux clients de sélectionner des produits via le digital puis de venir les expérimenter au côté d’un conseiller-vendeur en magasin (Lululemon, Neiman Marcus entre autres). L’accès aux profils et besoins des clients permet ainsi aux conseillers de préparer leurs arguments de vente, d’ajouter des produits complémentaires à la sélection et de les recommander in fine aux clients lors de leur passage. Cette nouvelle synergie créée entre le magasin et le commerce digital permet non seulement de développer le panier moyen mais redonne aussi au vendeur son rôle premier de conseiller à forte valeur ajoutée (attente importante chez 60% des vendeurs qui estiment pouvoir mieux servir les clients avec des outils connectés - Media Center Motorola 2012). Un dispositif de ce type contribue en outre au développement d’une nouvelle expérience client.  Un avantage non négligeable dans le contexte actuel pour se différentier des pure-players qui axent depuis longtemps leur relation client sur l’ultra-personnalisation.

La création de nouveaux outils relationnels en magasin doit pouvoir s’insérer dans un projet plus large autour du développement des compétences de la force de vente, du positionnement marketing digital de l’enseigne et de la capacité du Système d’Information existant à proposer une vue unifiée du parcours client (web, mobile, réseaux sociaux, magasin …). L’analyse des données et son exploitation pour élaborer des suggestions concrètes sont aussi des facteurs importants pour améliorer l’efficacité globale des vendeurs. Considérer tous ces  aspects de façon pragmatique est le meilleur moyen de fédérer autour du projet et de garantir l’efficacité relationnelle du dispositif en point de vente.

Des programmes de fidélité dématérialisés et adaptés aux usages des Smartphones.

Gagner et conserver des « clients fidèles » représente depuis toujours un véritable enjeu marketing et financier pour les commerçants. Parce qu’ils dépensent plus (en moyenne 300€ par mois en magasin contre 50€ pour des clients occasionnels), sont plus rentables avec le temps, achètent davantage de produits à forte valeur ajoutée et sont aussi de très bons prescripteurs au sein de leur entourage. Mais les retenir en nombre dans le contexte concurrentiel actuel devient de plus en plus difficile. Pour preuve deux adhérents à une carte de fidélité sur trois oublient chaque jour de l’utiliser en caisse (Init Marketing 2012). Pis un adhérent sur deux ne se sent plus privilégié par ce type de programme. Un tel investissement n’atteint donc plus vraiment son objectif.
En cause, la généralisation tous azimuts de ce genre d’approches relationnelles et le manque de différenciation entre les gratifications offertes par les enseignes.
Pour les distributeurs le challenge est désormais d’identifier les mécaniques innovantes et efficaces qui vont permettre de redonner du « peps » et surtout de la valeur à long terme à leur programme. En jeu, les clients souhaitant cumuler leurs avantages quel que soit le canal d’achat (Yuseo 2013) et ce fameux tiers de clients précieux qui font chaque mois leurs achats dans le même magasin parce qu’ils trouvent son approche marketing innovante, reçoivent des récompenses et peuvent y bénéficier d’offres exclusives (étude Web acheteurs PWC – 2012). 

Des expérimentations en cours chez certains distributeurs français vont dans ce sens et montrent l’intérêt croissant des directions marketing pour la dématérialisation des programmes de fidélité (considérée comme plus attractif par 75% des consommateurs français – Init Marketing 2012) et l’usage du Smartphone; un canal relationnel plébiscité par un client sur deux le jugeant beaucoup plus moderne que la traditionnelle carte de fidélité.
Actuellement ces dispositifs vont de la simple carte de fidélité dématérialisée (Fidall, Fidme …)  au couponing reçu à proximité des magasins (Passbook, Auchan …) et depuis peu jusqu’aux approches plus complexes autour du shopping géo-localisé permettant d’accéder au catalogue et à la localisation des produits (Plyce, Unibail Rodamco…). Des programmes nouvelles générations offrant des promotions spécifiques en fonction des canaux mais qui ne font pas encore changer la posture relationnelle globale de l’enseigne envers ses clients. Le potentiel offert par le digital et une vision différente de la fidélisation doivent désormais permettre d’installer une nouvelle dynamique avec les clients en leur laissant la place de s’exprimer en situation d’achat et en considérant tous leurs contacts avec l’enseigne.

Une promesse en partie tenue par Shopkick, la plus importante plateforme de shopping géo-localisé « indoor » aux Etats-Unis (avec plus de 4 millions d’utilisateurs aujourd’hui), qui permet d’interagir de manière pertinente avec ses clients au moment même où ils achètent. Avec ce service mobile innovant, les distributeurs font gagner des points à leurs clients (convertibles ensuite en bons d’achat) dès qu’ils entrent en magasin, donnent leur avis sur l’accueil, proposent des améliorations et manipulent les produits qui leur ont été personnellement suggérés tout au long de leur parcours.
Ce type d’approche en magasin permet non seulement de revaloriser l’engagement des clients mais facilite aussi la reconnaissance des authentiques comportements fidèles.
Un très bon exemple à suivre pour espérer retenir les six clients sur dix déclarant rester « fidèles aux magasins qu’ils aiment » (Init Marketing 2012). Mais déployer un programme relationnel si ambitieux requiert aussi et surtout un important recentrage de l’entreprise autour du client. Il ne s’agit plus de raisonner marketing, logistique, ventes… mais de se structurer concrètement pour interagir de façon globale et pertinente avec les clients au bon moment dans leur parcours, sur le bon canal (magasin, à domicile, en voiture …) et surtout lorsqu’ils en ont envie !
Le commerce digital ne devrait plus être considéré comme une menace par les réseaux de distribution traditionnelle mais à l’inverse comme une véritable opportunité d’enrichir et de ré-enchanter globalement la relation qu’ils entretiennent chaque jour avec leurs clients « en dehors » et « au sein même » de leurs propres magasins. En effet il ne s’agit plus de s’en défendre mais plutôt de créer des synergies simples et efficaces avec les magasins existants pour vendre plus et fidéliser davantage de clients à long terme. Le point de vente physique ne fait donc plus qu’un avec le commerce digital pour proposer des expériences de consommations plus innovantes et plus personnalisées aux clients.
Des opportunités à saisir dès cette année pour se différentier des concurrents situés juste dans la rue d’en face et pour passer expérimentations après expérimentations à l’ère du véritable « magasin connecté » encore plus près que jadis des chalands et de leurs besoins au quotidien.