Software-Defined Networks ou la "vraie" convergence informatique/télécoms

25 ans après les premières avancées sur la convergence entre télécoms et informatique, et beaucoup de chimères, les SDN sont peut-être la voie concrète de cette convergence.

Si la 4G, le Dual Carrier ou  le HSPA  sont sous les feux de l'actualité depuis déjà un moment, il reste que plusieurs évolutions, voire révolutions concernant le réseau ont lieu "en coulisses".
Les architectures réseau comme les Software-Defined Networks (ou SDN) sont un bon exemple.
Les SDN constituent d'ailleurs une véritable rupture, ce sens qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle technologie mais d'une nouvelle façon de concevoir un réseau de télécommunications en découplant transport et contrôle réseau.

Ces SDN reposent sur un standard ou quasi-standard nommé OpenFlow issu de l'informatique et utilise dans les data-centers, et permettent "d'insérer" une couche software additionnelle entre le hardware télécoms (Infrastructure réseau) et le software contrôlant ce dernier. Ainsi le réseau télécom se rapproche des technologies informatiques en ce sens qu'il devient "programmable" du fait de cette surcouche logicielle.
Certes ce concept n'est pas nouveau, mais la différence réside dans le fait que désormais les switches et routeurs télécoms peuvent être gérés, et programmés à distance en évitant la complexité de infrastructure télécoms.
Les SDN constituent ainsi le dernier épisode de la convergence au sens historique du terme, celle de l'informatique et des télécoms : ils permettent d'appliquer les principes du cloud computing au réseau télécoms. Ces SDN reposent sur les techniques de virtualisation utilisées dans les data-centers.
L'idée est de rendre le réseau flexible et plus agnostique et donc interopérable en termes de solutions constructeurs.

Traditionnellement chaque élément du réseau (un switch ou un routeur par exemple) permet d'établir des routages en fonction des éléments qui lui sont adjacents. Une fois que la connexion réseau est établie, les paquets (voix, data, vidéo…) suivent la même "route". Dans les réseaux traditionnels il n'y a pas d'entité centrale en charge de gérer le routage à un niveau global, et d'optimiser ce routage. Les  SDN permettent de gérer et centraliser ce routage (contrôle réseau) en laissant les éléments réseau se charger du seul transport, laissant le champ libre à un ou plusieurs contrôleurs réseaux centraux.

L'intérêt  est double pour un opérateur télécoms dans la gestion de son cœur de métier, c’est-à-dire le réseau : il est possible de remplacer des équipements télécoms obsolètes en termes de technologie ou en fin de vie matériel (La téléphonie RTC par exemple). A l'inverse les SDN permettent d'allouer de la capacité réseau en temps réel mais aussi informatique à des services qui sont très gourmands en termes d'infrastructure, comme les services vidéos en facilitant l'optimisation télécoms par le biais d'applications programmables au cœur même du réseau.

En conséquence les Software-Defined Networks ont des avantages significatifs pour l'opérateur :
  • Réduction de coûts. Les SDN permettent de mieux utiliser la capacité des serveurs de l'opérateur et dans une certaine mesure la capacité réseau, avec pour effet un RoI plus important ou accéléré de l'infrastructure,
  • Un lancement de nouveaux services à valeur ajoutée facilité. Les SDN permettent un go-to-market des SVA plus rapide, les nouvelles fonctionnalités pouvant être mise en œuvre dans la couche logicielle dédiée.
  • Une meilleure adéquation entre l'investissement réseau et le revenu associé, avec une efficacité améliorée du réseau déployé, ce dernier pouvant mieux répondre aux besoins business et marketing en contournant les complexités et lourdeurs du réseau, notamment en termes de provisioning.
  • Un choix accru en termes d'équipementiers télécoms, les SDN permettent de choisir plusieurs équipementiers pour le réseau, la couche software permettant de passer outre les difficultés d'interopérabilité, ou de déploiement d'éléments réseaux.
Toutefois si les SDN ont beaucoup d'avantages, leur mise en œuvre n'est pas si aisée qu'il n'y parait, et les opérateurs font face à des difficultés notables dans leur mise en œuvre.
Tout d’abord, la migration vers les SDN est complexe, l'introduction d'un élément de contrôle supplémentaire au cœur du réseau rend la phase projet délicate. Ensuite, un tel projet peut susciter des craintes quant à la sécurité réseau. Les réseaux traditionnels sont conçus afin d'être surs et compartimentés, l'introduction d'un élément logiciel externe, qui plus est à des fins de contrôle/gestion est un élément  qui par nature même augmente l'ouverture du réseau et le rend plus vulnérable.
Par ailleurs, les SDN ne bénéficient pas encore d'un standard complètement mur, certes OpenFlow est un standard clé, mais son utilisation dans le monde télécoms n'est pas encore normée, et paradoxalement des problèmes d'interopérabilité peuvent se poser. Enfin, une trop grande variété d'équipementier peut constituer un problème en ce qui concerne le rapport de force entre client et fournisseurs, mais aussi en termes de références à gérer par le SDN.
Les SDN sont à la croisée des univers télécoms et informatique et permettent d'envisager une plus grande flexibilité et une meilleure efficacité du réseau en permettant un fonctionnement similaire à des infrastructures ou des plateformes de type cloud. Le réseau peut évoluer plus rapidement et devient "programmable" et in fine plus évolutif. C'est pourquoi des opérateurs majeurs tels que AT&T, Telefonica, Deutsche Telecom, Vodafone, Orange ou Verizon Wireless, ainsi que des constructeurs tels qu'Alcatel-Lucent, Cisco, Huawei, IBM, Juniper Networks et Nokia ont ainsi mis en place une initiative afin de normer les SDN dans les télécoms et les intégrer au cœur de leurs futurs réseaux.

Jean-Michel Huet, Directeur Associé, BearingPoint et Tariq Ashraf, manager BearingPoint