CRM, marketing digital et e-commerce : mais que font les éditeurs d’ERP ?

La notion de canal de vente n’a plus de réalité. Les clients achètent indifféremment par un commercial, une boutique, un site web ou une appli mobile. Bienvenue à l’époque de l’omni canal ! Mais si l’on liste les ERP qui gèrent ces commandes, surprise, il n’y a aucun point commun avec les logiciels de CRM utilisés par les commerciaux !

 Et il n’y a aucun point commun avec les logiciels de e-commerce non plus ! Les ERP ne sont-ils pas censés faire (presque) tout ?

A l’origine il y a l’ERP

L’ERP c’est un peu le père de tous les progiciels, celui qui doit concentrer un maximum de fonctions dans un endroit central et unique. C’est celui qui promet efficacité et productivité parce qu’il détient la source de l’information et qu’il la partage avec le plus grand nombre, sans duplication ni délai.
Chaque ERP a commencé par un domaine d’activité de prédilection: la finance pour Oracle, les RH pour Peoplesoft, la production pour Baan etc. mais tous ont petit à petit construit une offre modulaire :
  • gestion commerciale,
  • finance,
  • supply chain,
  • production,
  • ressources humaines,
  • point de vente,
  • etc.
Aujourd’hui malgré la présence écrasante de SAP et les nombreux rachats, le paysage compte toujours plusieurs éditeurs, eux même souvent avec plusieurs offres :
  • SAP ERP, SAP Business ByDesign,
  • Oracle E-Business Suite, JD Edwards, Peoplesoft,
  • Microsoft AX (ex Axapta), NAV (ex Navision), GP (ex Great plains), SL (ex Solomon),
  • Lawson M3 (ex Movex),
  • Sage i7 (ex Sage 100), Sage ERP X3 (ex Adonix)
  • OpenBravo (open source)
  • Generix,
  • etc.

Place au CRM

Au début des années 2000 Siebel puis surtout Salesforce ont créé une nouvelle activité : la gestion de la relation client. Il s’agit bien des mêmes clients que ceux qui passent les commandes et qui sont dans la comptabilité (et pour cause !) mais AUCUN des éditeurs précités n’a développé sérieusement ces fonctionnalités dans son ERP.
Pourtant le segment est une star : Salesforce caracole avec 92 000 entreprises conquises en 15 ans. Du coup les acteurs en place déploient une énergie renouvelée pour développer les fonctionnalités réclamées par le marketing et répondre aux nouveautés hardware comme les tablettes.
Voilà un petit panorama des principaux acteurs de CRM :
  • SAP CRM,
  • Oracle CRM, Siebel,
  • SalesForce.com,
  • Selligent,
  • Microsoft CRM,
  • SugarCRM (open source),
  • Sage CRM.com,
  • Update,
  • Zoho
  • etc.
Gardons l’exemple de SAP. Malgré la monstrueuse richesse en données de son ERP (pensez, 50 000 tables !) SAP a développé un produit entièrement séparé avec SAP CRM. Aux services informatiques et consultants de se débrouiller avec les interfaces et autres mappings cornéliens qui en découlent inévitablement.
SalesForce de son côté, lancé en mode SAS (Software as A Service) à une époque ou toutes les applications étaient déployées en interne, s’est graduellement positionné comme plateforme pouvant héberger des applications complémentaires. Aujourd’hui son App Exchange compte plus de 2000 offres payantes et gratuites pour gérer les commandes, le marketing mais peut-être pas un entrepôt.
La situation est identique pour TOUS les acteurs cités plus haut. Chaque fois les produits sont différents de l’ERP (base de données séparée, cycle de versions distinct, ergonomie à part, utilisateurs en double) ce qui conduit immanquablement à des ‘plats de nouilles’ (les interfaces) complexes et coûteux.
Quand Microsoft a racheté Axapta et Navision en 2002, ils avaient promis une intégration en un seul produit capable de lutter contre SAP et Oracle, c’était le projet Green. Las, Microsoft a conservé les offres distinctes et ajouté sa contribution sous la forme de Microsoft Dynamics CRM, à part. Et les clients ont une nouvelle base de données à gérer, de nouvelles interfaces… et pas de boutique web.

Le marketing digital

Pour communiquer avec ces prospects et clients, le plus souvent par e-mail, une génération de nouveaux outils ou services a vu le jour :
  • SmartFocus (ex Emailvision),
  • DoList,
  • Sarbacane,
  • 1000mercis,
  • Splio,
  • MailChimp,
  • MailJet,
  • etc.
Dans les organisations importantes il est apparu que l’outil d’emailing ne devait pas exister tout seul, et que des liens étroits le liaient au CRM, déclenchant une série de rachats :
  • Eloqua par Oracle,
  • Exact Target par SalesForce,
  • Néolane par Adobe,
  • Optizen par Selligent,
  • Marketing Pilot par Microsoft.
Suivant cette logique, de nouveaux produits comme Engage offrent nativement les deux activités alors que Salesforce, Selligent, Microsoft et Oracle construisent encore des interfaces. Rien de tout cela n’est intégré dans les ERP.

Au tour de l’e-commerce maintenant

L’avènement d’internet a suscité la naissance d’une autre catégorie d’applications au dynamisme incroyable pour bien entendu les mêmes clients et les mêmes produits que ceux de l’ERP. Prestashop revendique 150 000 boutiques et Magento 200 000 !

Qui sont les principaux acteurs de ce domaine encore jeune ?

  • Magento (open source),
  • Prestashop (open source),
  • Drupal Commerce (open source),
  • Intershop,
  • Hybris,
  • etc.
Pas un seul de ces produits n’est disponible dans un ERP ! Pas un seul ERP ne propose de boutique web native digne de concurrencer ces références non plus. Seul hybris a été racheté par SAP, mais pas intégré.
Si l’on ajoute à cette liste centrée sur le marché français quelques acteurs plus présents aux USA : Commerce Server, IBM WebSphere Commerce, NetSuite et Oracle ATG Web Commerce, seul NetSuite propose une véritable intégration gage de simplicité et d’économie, mais il n’est pas présent en France. OpenERP propose aussi cette intégration, mais pour des entreprises de petite taille.
Notons que Magento et Prestashop proposent grâce à leur écosystème très dynamique des modules (plus de 3 000 adds-on chacun) capables d’apporter des fonctionnalités d’e-mailing et de CRM par exemple. En revanche, ils n’incluent pas de vraies fonctionnalités d’ERP (comptabilité…)
Enfin l’ubiquité des smartphones rend souvent indispensable le développement d’applications e-commerce Android, iOS ou Windows 8. Les offres des grands éditeurs sont encore balbutiantes sur ce terrain. La nouvelle plateforme SalesForce1 dédiée aux mobiles est un début, naturellement hors ERP.

Et demain ?

En raison des acquisitions passées et futures, les acteurs du CRM et du marketing digital ont un travail d’intégration considérable à effectuer. Imaginez la feuille de route d’Adobe qui construit son Marketing Cloud en fusionnant Néolane, Omniture et Day Software.
Cela ne va pas suffire. Si l’e-mail est personnalisé et synchronisé avec le CRM, la boutique web doit l’être aussi dans sa page d’accueil et ses préconisations. C’est ce que fait si bien Amazon mais avec son progiciel développé en interne. De plus, dans chaque canal il faut recueillir le comportement du consommateur pour personnaliser l’interaction dans le prochain point de contact qu’il utilisera.
C’est dans l’optique de cette universalité que l’ERP pourrait reprendre sa place.

Après avoir vigoureusement plaidé pour la centralisation des informations dans une seule base de données (cf. le livre Softwar de Matthew Symonds paru en 2003) Oracle s’est renié et propose une invraisemblable panoplie d’applications aux fonctions qui se recoupent plus ou moins. Par exemple les préconisations d’Oracle ATG sont préparées par Oracle Endeca mais pas liées à Oracle E-Business Suite. Il n’y a pas de modèle idéal à rechercher de ce côté.

Conclusion

Ce qui est sûr c’est que nos clients n’ont pas attendu pour jongler avec les canaux, et ils trouvent de plus en plus incompréhensible qu’une marque ou une enseigne ne soit pas cohérente sur tous les supports, à chaque point de contact.
  • La solution gagnante viendra-t-elle d’un éditeur de CRM comme SalesForce qui érige son produit en plateforme et l’enrichit de modules tiers regroupés dans un app-store ?
  • D’un éco-système open-source comme Prestashop ou Magento démultiplié par les plug-ins développés par la communauté ?
  • D’un progiciel web privé comme Intershop complété par chaque client à partir du framework intégré ?
  • D’un éditeur d’ERP comme NetSuite qui saura proposer tous les modules métier ET intégrer les modules CRM, marketing digital, e-commerce et suivants ?
Les offres actuelles sont trop incomplètes en standard pour faire vivre l’omni canal. Du coup une mise en œuvre complète est trop chère à installer et trop complexe à maintenir.