Les plans nationaux haut-débit des pays émergents

Les plans nationaux haut-débit (PNHD) dans les pays émergents sont les feuilles de route des prochaines années pour ces pays en termes de télécoms et d'Internet. Ils sont des éléments particuliers et structurant du développement économique de ces pays.

La plupart des pays émergents africains, sud-américains et asiatiques sont en train de mener leur « PNHD » acronyme pour Plan National Haut Débit (voire Très Haut) avec parfois le soutien des bailleurs internationaux. Bien qu’ayant des points communs standards, Ils diffèrent de ceux des pays développés car ils sont associés à un contexte différent.
Les PNHD des pays émergents s’inscrivent dans un contexte où derrière l’extraordinaire succès du déploiement de la téléphonie mobile 2G voire 3G dans certains pays, le développement des télécoms est encore loin d’être abouti dans ces pays. Les dimensions  réglementaires et de politique économiques se croisent. Tout d’abord, le PNHD s’inscrit souvent dans une logique de refonte de l’environnement de la régulation. Le cas le plus simple sera lié à l’attribution, conjointe au PNHD, de nouvelles licences notamment de 3G (UMTS,  HSPA) ou 4G (LTE). Une refonte plus large des autorités de régulation pourra être possible quand une défaillance de celles-ci devient trop criante par rapport au poids des télécommunications dans l’économie.
C’est ici l’occasion de renforcer le périmètre d’intervention de l’autorité voire ses outils mis à disposition notamment sur les aspects de suivi des coûts qui est un levier clé de régulation (de gros comme de détail). Les questions liés à l’ouverture de certains accès (les points IXP) ou à certaines technologies (VoIP par exemple) est aussi au cœur du débat dans plusieurs pays. La question du service universel peut être alors posée notamment sur la couverture géographique ou l’itinérance nationale sur la mobilité.
Deux sujets d’ordres politiques peuvent aussi s’ajouter dans le débat. D’une part, celui des taxes avec des recherches d’idées pour ponctionner les acteurs du haut débit (équipementier, opérateurs ou fournisseur de services). D’autre part, la question de la couverture géographique du haut débit.
Le point est encore plus complexe que dans les pays développés  car la densité urbaine est plus faible, les zones à faible densité sont parfois nombreuses (désert, forêt) et, dans ces pays, plus difficile d’accès encore. Si 70 % des africains habitent en zone couverte par la téléphonie seuls 30 % des villages du continent ont des accès par route bitumée ! Sans parler des question d’électricité.
En dehors de ces enjeux politico-réglementaires, importants, les PNHD des pays émergents doivent aussi proposer concrètement des feuilles de routes permettant de corriger les imperfections du déploiement 2G et de maximiser les avantages du Haut débit. Certaines questions classiques remontent bien sûr.
Le choix technologiques avec dans ces pays la question de toute faire en haut débit mobile en termes d’infrastructures (LTE) ou de jouer une complémentarité sur les accès wifi outdoor, les réseaux câblés et la fibre optique. Si l’histoire récente des télécoms va dans le sens du haut débit mobile, les bailleurs internationaux ayant, au cours de la décennie écoulée, financés de lourds projets de câbles sous-marins la question reste ouverte. Le long des côtes, pour les interlands souvent en lien avec des projets de développement de smart cities ou d’infrastructures de transport multimodal liées à des exploitations de matières premières (pétrole, gaz, métaux) ou agricoles, le haut débit fixe peut jouer un rôle nouveau. La question de la couverture géographique des infrastructures haut débit est aussi importante.
Il y a va d’enjeu de développement local et donc de lien politique entre capitale versus province ou de lien entre région des états à dominante fédérale …  les deux tiers des pays fédéraux étant des pays émergents. De même, la géopolitique peut entrer en jeu avec  le « poids » des frontières qui plus fort qu’en Europe de l’Ouest. Dans ce cas, le PNHD peut être facteur d’ouverture –souvent poussée par l’économie – ou de repli – le courant géopolitique
D’autres questions, sont plus marquées encore par la spécificité des pays émergents. Le PNHD peut être l’occasion d’une refonte plus large des acteurs en présence. D’une part une réorganisation du secteur des télécoms peut être réalisée à cette occasion. Il peut s’agir de l’attribution de nouvelle licences opérateurs, du lancement de modèles de MVNO data, voire de la consolidation d’opérateurs existants mais défaillants ou en danger, souvent des opérateurs historiques. 
Dans des cas plus mature, c’est la mise en place d’un véritable écosystème du haut-débit qui peut être embarquée dans les PNHD. Cet écosystème,  souvent à créer, inclu aussi bien des services grand public, notamment la création de contenu culturels locaux accessibles par haut débit, ou de vraies offres de services B2B. Dans les cas plus avancés les sujets type data center, cloud, big data peuvent aussi  être proposés.
Enfin, les PNHD des pays émergents insistent sur la dimension « développement » : en quoi le haut débit va-t-il contribuer à faire passer le pays d’un niveau d’émergence à l’autre  en créant des emplois notamment. A la différence des emplois de la vague « GSM » - à 95% dans le secteur de la distribution donc peu qualifié -  les emplois évoqués ici sont plus liés à l’implantation d’entreprises dans les pays  donc au développement de profils formés. On arrive ici à l’enjeu essentiel des PNHD des pays émergents : la clé pour les faire entrer dans la compétition internationale au niveau des entreprises.
Le PNHD est donc en cela aussi une feuille de route de la concurrence entre Etats.