De la difficulté de revendiquer la protection d'un logiciel par le droit d'auteur

La protection du logiciel par le droit d'auteur n'allait pas de soi lorsqu'en 1985, la loi en a décidé ainsi. La protection par le brevet pouvait, à bien des égards, apparaître plus logique.

Dans cette affaire, un éditeur de logiciel de recouvrement de créances se plaignait de l'utilisation de ce programme par un huissier de justice sans avoir réglé les redevances de licence correspondantes.
Ayant assigné l'officier ministériel en justice pour contrefaçon de ce logiciel, l'éditeur a toutefois été débouté de ses demandes, faute pour lui de parvenir à démontrer l'originalité du programme. 

Il est exact que, comme toute œuvre de l'esprit, le logiciel n'est protégeable par le droit d'auteur qu'à la condition qu'il soit original, c'est-à-dire qu'il porte l'empreinte de la personnalité de son auteur. Mais ce qui vaut pour un tableau ou une sculpture l'est plus difficilement pour un programme informatique.
La jurisprudence nous enseigne à ce sujet qu'il convient de se référer à l'ergonomie générale du logiciel, non à ses fonctionnalités.

En l'espèce, la Cour de cassation a précisément refusé d'accorder la protection du droit d'auteur à ce logiciel de gestion de recouvrement de créances en cassant un premier arrêt d'appel qui avait jugé le logiciel original au motif qu'il apportait "une solution particulière à la gestion des études d'huissiers de justice". Une telle formulation était évidemment insuffisante à démontrer l'originalité d'un logiciel.
Et, statuant sur renvoi après cassation, la Cour de Montpellier a rappelé "qu'un logiciel est original si les choix opérés par son auteur révèlent un apport intellectuel propre et un effort personnalisé".
Dans cette affaire, la Cour a relevé qu'aucun document ne démontrait d'effort créatif au niveau du code source ni des choix techniques opérés. En outre, la Cour a refusé de considérer que la prétendue richesse des fonctionnalités du logiciel, l'optimisation de la gestion des dossiers et l'architecture de type "client léger" seraient suffisantes pour rapporter la preuve de l'originalité.
De manière intéressante, l'arrêt rappelle "que les fonctionnalités et le choix de langage de programmation ne sont pas protégés par le droit d'auteur et que le caractère prétendument innovant du logiciel n'est pas en soi suffisant à caractériser la notion d'originalité". Une telle affirmation est exacte : les fonctionnalités relèvent du domaine des idées (non protégeables par définition), tandis qu'un choix de langage ne révèle pas un effort créatif. Enfin, l'innovation alléguée d'un logiciel traduit une confusion entre droit d'auteur et droit des brevets.
En conclusion, l'éditeur du logiciel ne pouvait ici valablement invoquer des actes de contrefaçon.
L'erreur a probablement été d'agir sur le fondement du droit d'auteur alors que d'autres fondements juridiques auraient pu être envisagés (éventuellement un fondement contractuel, même si la complexité des faits et la succession d'ayants droit auraient rendu la tâche ardue).