Mettre de l'eau dans son .vin pour une meilleure gouvernance de l'ICANN

Quelques heures après l'intervention d'Axelle Lemaire au 50e Congrès de l'ICANN et en attendant la réponse de Fadi Chehade, Président de l'ICANN, prévue pour ce jeudi, revenons sur un sujet qui dépasse largement les seuls intérêts de producteurs de vin européens : celle de l'extension des noms de domaines .vin et .wine.

À l'heure où des questions essentielles pour l'avenir de la Gouvernance de l'Internet se posent, plusieurs acteurs gouvernementaux (dont la France, par la voix d'Axelle Lemaire, Secrétaire d'Etat chargée du numérique) ont rappelé lundi matin au Board de l'ICANN qu'il n'était plus envisageable que ce dernier ne tienne pas compte des requêtes successives des pays membres du Governmental Advisory Committee (GAC) de l'ICANN. Un message se fait unanime parmi les gouvernements, les acteurs de la gouvernance Internet et la société civile* : celui d'une radicale évolution des règles de gouvernance de l'ICANN :
  

  • vers plus de transparence dans les processus de décision ;
  • 
vers plus « d’accountability » (devoir de responsabilité) du Board vers ses membres et "stakeholders" (parties prenantes) ;

  • vers plus de démocratie dans les processus de décision ;

  • vers la mise en place d'une Assemblée générale permettant d'évoluer vers un processus de vote des membres pour les décisions clés.

Alors que le Wall Street Journal présente le sujet comme une volonté des producteurs de vin de "mettre un bouchon sur le .vin et le .wine", assorti d'un jeu de mot lourd de sens (To whine = pleurnicher), on pourrait répondre que le Board de l'ICANN a poussé le bouchon un peu loin, en refusant systématiquement de prendre en compte les demandes concertées, constructives et applicables de la France - épaulée de nombreux autres pays -  et de l'Union européenne.
Il aurait été formidable que cette "nouvelle extension", comme d'autres**, se nourrisse des règles que des organisations ont pu construire dans la durée pour le bénéfice - reconnu - du plus grand nombre, en particulier du consommateur. Pour faire simple, la création d'un .vin aurait pu s'assortir de mesures protégeant les appellations d'origine contrôlée s’inspirant d’accords bilatéraux existants, tout en favorisant l'ouverture et la créativité des futurs réservataires.
Cela n'a malheureusement pas été le choix des 3 candidats à la gestion de l'extension. Et c'est là que la situation se complique : la candidature pour la gestion d'une extension n'est pas supposée évoluer une fois soumise. Or, aucune des 3 candidatures .vin et .wine ne propose de régulation s'appuyant sur la protection des appellations, il serait donc en pratique quasi impossible de faire évoluer les règles du .vin pour l'amener à répondre aux demandes des uns ou des autres.
Ce n'est pas une raison pour jeter les questions d'évolution de l'internet avec l'eau du .vin… 


Lundi matin, Axelle Lemaire concluait son intervention par l'idée d'un "GAC 2.0 équilibré et représentatif". Réjouissons-nous que, pour la première fois un ministre français se soit rendu à une réunion de l'ICANN pour y apporter des propositions constructives.

Réjouissons-nous de la richesse des contributions de nombreux acteurs

Elles vont permettre, c’est certain d'envisager le renforcement des piliers démocratiques de cette organisation qui a permis le développement de ce qu'est devenu l’Internet d'aujourd'hui. À l'heure où certains seraient prêts à imposer un nouvel organisme en lieu et place de l'ICANN, faisons en sorte que cette dynamique participative permette d'atteindre rapidement le consensus qui a fait l'histoire de cette organisation. Cet objectif est possible, il est même réalisable.



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* Renaissance Numérique publiait 4 propositions pour une évolution plus démocratique de l'ICANN

** A titre d'exemple, le .archi, dont je suis actionnaire a été conçu en étroite collaboration avec l'Union Internationale des Architectes. Il est réservé aux seuls architectes. Le titulaire d'un .bio devra s'engager à respecter les principes de l'agriculture biologique définis par l'IFOAM, son organisation mondiale, elle aussi partenaire de l'extension.