La monétisation des données personnelles, une illusion perdue ?

Le nombre d’entreprises engagées dans la promotion et la monétisation de la donnée personnelle ne cesse de croître. Leurs modèles : réconcilier contrôle de la vie privée, transparence et partage de la valeur des données.

Estampillée de nouvelle classe d’actifs par le Forum Économique de Davos fin 2011, la donnée personnelle n’est pas encore perçue comme un bien dont on souhaite tirer profit.  Une situation qui risque toutefois de ne pas perdurer.
Ce n’est nouveau pour personne : face à des consommateurs hyper-connectés, les entreprises investissent massivement dans des projets ambitieux visant à récupérer de la donnée à caractère personnelle pour identifier notre profil, nos comportements, notre environnement, nos envies.
Leur intention est louable : mieux nous séduire pour mieux nous servir. Selon le Boston Consulting Group, en Europe, les flux de données ne cessent de croître et devraient atteindre mille milliards d’euros en 2020.

L’émergence des PIMS

L’idée que chaque individu est capable de monétiser ses données personnelles n’est pas nouvelle. En 2005, des projets comme Attention Trust en Grande Bretagne, ambitionnaient déjà d’en redonner le plein contrôle à leurs propriétaires, en promettant des gains en retour. Le projet n’a pas abouti. Depuis 2011, le regard sur cette activité s’est transformé avec la frénésie autour du Big et de l’Open Data. De ce fait, les questions liées au respect de la vie privée et l’intrusion prochaine des objets connectés dans notre quotidien ont été de plus en plus pressantes. Si le sujet de la donnée personnelle était déjà sensible, il y a 10 ans, il devient carrément obsessionnel en 2014, révélant un besoin à combler.

Ces perspectives ont fait émerger un nouveau marché, celui des PIMS (Personal Information Management Services). Un nouvel acteur se lance chaque semaine Outre-Manche, selon le cabinet Crtl-Shift. Les services proposés ayant tous un objectif commun : aider les particuliers à recueillir, gérer et contrôler leurs données personnelles afin d’améliorer leur quotidien. Certaines start-ups comme datacoup.com, ctrlio.com, allfiled.com, reputation.com, handshake.uk.com, citizenme.com, yes-profile.com ou loyol.net n’y vont pas par 4 chemins pour recruter à l’aide de slogans alléchants : « vendez vos données, redevenez propriétaire de votre profil. Si Facebook fait de l’argent sur vos données, pourquoi pas vous ? ».

Pourquoi ça ne décolle pas ?

Comme à la belle époque de la ruée vers l’or, nos explorateurs sont nombreux, ambitieux et transparents. Le minerai est là, mais aucun ne décolle. Certains acteurs ont même disparu, comme le prometteur Enliken. Comment expliquer ce désintérêt pour une offre de services visant à protéger, aider et rémunérer les individus, tout en rendant les marchés plus efficients ? 3 explications possibles.

  • Le stock : tant que le fonds de commerce d’un PIMS n’atteint pas une taille critique exploitable (quelques centaines de milliers de profils), elle n’apparaît pas dans le radar des marketeurs.
  • La qualité : pour que les marketeurs s’intéressent à un stock, il faut leur démontrer sa qualité, sa fraîcheur et sa pertinence. En clair, montrer le processus d’analyses, de collectes, de sélections, de gestions et de contrôles afin qu’ils voient quel retour sur investissement ils peuvent espérer. C’est la condition requise pour tirer son épingle du jeu.
  • Le système : tous les acteurs traditionnels impliqués dans la chaîne de collecte et de traitement des données personnelles ont tout intérêt de faire capoter ces initiatives qui menacent leurs modèles de revenus. L’inertie actuelle leur va très bien. Le temps peut-être de réfléchir à leur positionnement et au renouvellement de leurs offres, voire à la réalisation de leurs propres PIMS.

L’avenir du PIMS est-il compromis ?

Au vue de ce statu quo, on est en droit de se demander si l’avenir des PIMS est compromis. Le nombre d’acteurs sur ce marché ne cessant de croître, on peut se dire que ce n’est qu’une question de temps. Plus nous digitalisons notre environnement, plus la donnée devient un bien précieux. Plus elle devient stratégique, plus elle est l’objet de spéculations économiques et de tensions politiques.
Il y a 20 ans, les secteurs de l’énergie, des télécoms et de la finance connaissaient ces mêmes agitations. L’émergence de modèles alternatifs ont fini par casser les modèles établis au profit du consommateur. Aujourd’hui, la donnée personnelle est dans la même situation. Pour passer du concept à une réalité marché, le PIMS doit être mis entre les mains d’acteurs mieux armés. Les sociétés de gestion sont de très loin les mieux équipées pour accélérer ce processus et promouvoir de tels services. Avec les perspectives de croissance annoncées, on peut imaginer qu’un jour, certaines entreprises plus audacieuses partiront à l’assaut de ce gisement de performances… pour le bien du consommateur et du marché !