Un député britannique demande des sanctions bien réelles pour le vol d’objets virtuels

Après les Pays-Bas, c’est au tour du Royaume-Uni de s’interroger sur un possible encadrement du vol d’objets virtuels dans les jeux vidéo en ligne. Explications...


Le 21 juillet 2014, le parlementaire britannique Mike Weatherley, du parti conservateur, a interrogé le secrétaire d'Etat à la Justice quant à une éventuelle proposition de loi visant à garantir que les vols d’objets virtuels dans des jeux vidéo en ligne soient sanctionnés par les mêmes peines que pour un vol dans le monde réel. Dans une interview accordée à BuzzFeed, le député explique que certaines personnes minimisent la gravité d'un vol en ligne par rapport au monde réel. Selon lui, « si vous avez dépensé 500 livres dans le développement de votre équipement virtuel et que quelqu'un vous les vole, je suppose que vous vous sentirez mal et que vous voudrez récupérer votre argent ». 


Présents dans de véritables jeux vidéo en ligne ou dans des mondes persistants tels que World of Warcraft ou SecondLife, les objets virtuels ont acquis ces dernières années une véritable valeur monétaire dans le monde réel, en raison notamment des transferts d'avatars et de biens virtuels entre utilisateurs, et de la convertibilité des monnaies utilisées dans certains de ces univers. Selon l’étude du cabinet américain Superdata Research, le marché mondial des biens virtuels a dépassé les 15 milliards de dollars en 2012 et devrait atteindre les 20 milliards de dollars en 2015.


Qu’il s’agisse de mascottes, d’armes, de vêtements, de terrains ou de bijoux, les objets virtuels présentent en effet un intérêt fondamental en ce qu’ils constituent la majeure partie du monde virtuel et participent à l’évolution de l’avatar dans son environnement, ainsi qu’à son statut social : une fois portés par l’avatar, les objets rares permettent à l’utilisateur de montrer toute sa puissance aux autres. Les utilisateurs déploient en effet des compétences, du temps et de l’argent pour obtenir ou même fabriquer des objets virtuels, qui voient dès lors leur valeur augmenter.


Face à la convoitise des autres joueurs, la nécessité de protéger les utilisateurs contre le vol d’objets virtuels semble de plus en plus nécessaire. En France, seul l’article 323-3 du Code pénal punit de de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende l’introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé ou la suppression et la modification frauduleuse de ces données. Mais dans un jeu en ligne, au cas où l’éditeur refuserait de réactiver les comptes ou objets virtuels volés ou supprimés par un hacker, l’utilisateur n’aurait que de très faibles chances de voir une éventuelle plainte acceptée par les services de police judiciaire, en raison des faibles montants en jeu et dès lors que le vol d’objet virtuel en lui-même n’est pas à ce jour considéré comme un délit en Europe, à l’exception des Pays-Bas.


Le souhait du député britannique Mike Weatherley s’inscrit en effet dans la position adoptée récemment par la Cour Suprême néerlandaise quant à la possibilité de qualifier pénalement le vol virtuel. Deux adolescents de 14 et 15 ans avaient obligé un camarade de classe à transférer des objets virtuels, en l’espèce un masque et une amulette particulièrement rares, de son compte Runescape sur le leur, en le menaçant – dans la vraie vie - avec un couteau. En première instance, les deux jeunes gens furent condamnés à des travaux d'intérêt général et à une peine d'emprisonnement avec sursis, le tribunal ayant qualifié le transfert des objets virtuels de « vol » en prenant en compte la violence physique employée. Ce jugement fut confirmé en appel. La défense des deux adolescents demanda néanmoins à la Cour Suprême de déterminer si le vol de biens virtuels constituait ou non une infraction au sens du Code pénal néerlandais. Par une décision du 31 janvier 2012, la Cour Suprême néerlandaise a ainsi confirmé que les objets virtuels sont des biens comportant une certaine valeur en raison du temps et de l’énergie investie par le joueur, et qu’ils sont susceptibles d’être volés au sens du Code pénal néerlandais (1).


En France, on appréciera toutefois la bonne volonté d’un agent de police judiciaire qui a accepté en mars 2011 d’enregistrer la plainte d’un joueur du monde virtuel Dofus, ce dernier ayant constaté la disparition sur son compte d’une « dragodinde turquoise de niveau 100 et d’un enclos » et estimant la perte à « six millions de Kamas », la monnaie virtuelle utilisée dans cet univers. Face à la politique de l’autruche de l'éditeur, il semblerait bien que cet utilisateur en ait eu assez d’être le dindon de la farce.



(1)
   Dutch Suprem Court, J. 10/00101, Criminal Chamber, January 31, 2012

 

(Crédits photos : SobControllers / Flickr)