Hadopi  : la riposte graduée porterait-elle enfin ses fruits ?

Selon une étude publiée en juillet 2014, les efforts de la HADOPI visant à détourner les internautes des pratiques illégales de partage d’œuvres audiovisuelles sur les réseaux P2P donneraient de bons résultats.

Cependant, une autre étude, publiée par l'Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle (ALPA) démontre que le piratage n'a jamais été aussi massif en France du fait du développement du streaming illégal.
Alors que la HADOPI ne sait toujours pas ce qu'il doit advenir d'elle et de ses équipes (poursuite sous une forme indépendante ou intégration au sein du Conseil supérieur de l'audiovisuel), sa Commission de protection des droits a récemment publié une étude visant à légitimer son action au regard des résultats affichés. L'objectif de la HADOPI consiste en effet à démontrer, chiffres à l'appui, que le système de la riposte graduée fonctionnerait et permettrait de réduire sensiblement les cas de piratage d'œuvres protégées sur internet.
Pour mémoire, la riposte graduée consiste à envoyer une série de mises en demeure, d'abord par e-mail puis par lettre recommandée, à des abonnés à internet dont l'accès est utilisé pour mettre à disposition des œuvres protégées sur les réseaux P2P. Si le titulaire de l'abonnement n'obtempère pas, le dossier est transmis au parquet, qui peut alors décider de poursuites pénales.
A cet égard, en presque quatre ans depuis la mise en place de la HADOPI, ce ne sont pas moins de 8,9 % des titulaires d'un abonnement à internet qui ont reçu un premier e-mail de "recommandation", ce qui est considérable. Ce chiffre donne une idée de l'étendue des pratiques contrefaisantes sur internet en France. Car si près de 10 % d'utilisateurs "pirates" ont été détectés, on imagine quelles sont les proportions de contrevenants réels sévissant sur des réseaux non surveillés ou partageant des œuvres non identifiées.
Selon la HADOPI, les contacts pris avec les personnes dont l'abonnement a été utilisé pour télécharger illégalement des œuvres protégées auraient un effet dissuasif. Sur quelque 3 249 481 premiers e-mails de recommandation envoyés, seuls 116 dossiers ont été transmis au parquet, ce qui signifie que l'essentiel des utilisateurs ont pris des mesures pour sécuriser leur accès à internet ou se sont engagés à cesser leurs pratiques. 35 % des destinataires d'une recommandation auraient reconnu spontanément les faits portés à leur connaissance dans l’avertissement qu’ils ont reçu et plus de 25 % auraient accepté de réagir.
Par ailleurs, selon un sondage réalisé par l'institut CSA, 70 % des destinataires d'un premier e-mail de recommandation auraient déclaré avoir diminué leur consommation illicite de biens culturels dématérialisés, ce chiffre s'élevant à 88 % pour les destinataires d'un second e-mail de recommandation.
Naturellement, ces résultats sont sujets à caution. Il est notamment difficile de savoir avec certitude si le fait d'avoir reçu un ou plusieurs e-mails de recommandation détourne définitivement les destinataires des pratiques illicites. Ces derniers peuvent choisir, par exemple, de passer du téléchargement sur les réseaux P2P, illégal et surveillé par la HADOPI, au streaming, lui aussi illégal mais ne relevant pas du champ d'intervention de la HADOPI.
Or ce que ne dit pas l'étude de la Haute Autorité, c'est que les pratiques de piratage ont évolué et que les utilisateurs se détournent massivement du téléchargement pour choisir les solutions de streaming. Ainsi, selon une étude publiée par l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA), le nombre de pirates en France aurait atteint un record depuis 2009, avec près d'un tiers des internautes qui aurait consulté au moins une fois par mois un site de piratage de séries ou de films en 2013.
De son côté, la HADOPI insiste sur les effets pédagogiques de sa communication, 45 % des Français n'ayant pas reçu d'e-mail de recommandation ayant prétendument diminué leur consommation illicite.
Il n'en demeure pas moins que, si ce chiffre est exact, le niveau du piratage d'œuvres audiovisuelles en France reste massif et que rien ne semble, pour le moment, pouvoir y mettre fin. L'arrivée de Netflix en septembre, avec son offre de streaming légal et illimité, y changera-t-elle quelque chose ?