L'iPhone 6 ne fera pas décoller seul le paiement mobile

L’échec de la Google Wallet l’a montré : remplacer la carte bancaire par un mobile pour le paiement en magasin n’a de sens qu’en proposant des services au-delà du paiement qui rendent le mobile plus attractif.

Ce sont les applications proposant des avantages au consommateur, comme celles de fidélisation ou de couponing, qui leur donneront le réflexe de sortir leur smartphone à leur passage en caisse.
A l’évidence, l’arrivée du NFC sur l’iPhone 6 est une avancée importante pour démocratiser le paiement mobile, mais cet événement est loin d’être son Alpha et son Omega. Remarquons tout d’abord que le paiement mobile n’a pas attendu le NFC pour se développer. Par exemple, sans même évoquer les achats depuis les mobiles sur les sites d’e-commerce, Uber réalise plus d’un million de courses par semaine payées depuis son application et l’application Starbucks atteint 6 millions de transactions par semaine pour 1,5 milliard $ de chiffre d’affaire annuel.
Le NFC permet un bond en avant parce qu’il permet d’entrer complètement dans le monde du commerce physique, en rendant le paiement en caisse avec le mobile aussi simple que le paiement par carte bancaire sans changer les infrastructures existantes . C’est pourquoi il est considéré, à tort ou à raison, comme la rupture technologique nécessaire pour faire basculer sur le mobile l’ensemble des achats qui représentent aujourd’hui encore plus de 90 % du commerce.

Plusieurs obstacles au paiement mobile sont tombés

Jusqu’à aujourd’hui, son essor a été entravé par de multiples obstacles. Le premier d’entre eux, l’absence d’un parc significatif de téléphones compatibles, a commencé à s’effacer avec la multiplication des smartphones Android NFC sur le marché.  Avec 6,3 millions de terminaux mobiles équipés en NFC en France, selon l’Association Française du Sans Contact Mobile, 400 millions vendus dans le monde (Source : BI Intelligence, août 2014) et l’arrivée de l’iPhone 6, on peut parier que tous les smartphones, qui se renouvellent en moyenne en moins de deux ans, seront équipés de NFC dans peu d’années. 

Un deuxième obstacle majeur était le manque de terminaux de paiement compatibles NFC

Sur ce plan, les choses ont aussi beaucoup bougé. Aujourd’hui, Ingenico, le leader du marché, a rendu compatible NFC tous ses terminaux de paiement commercialisés en France et, dans le monde, la moitié des terminaux qu’il vend sont compatibles NFC. L’introduction du standard de sécurité des paiements par carte EMV aux Etats-Unis va obliger les commerçants à s’équiper enfin de terminaux de paiement modernes dont on peut espérer qu’ils seront équipés NFC. Ce second obstacle est donc sur le point d’être passé.

Le troisième obstacle est autant technique que stratégique

Pour pouvoir réaliser un paiement, il faut disposer d’une fonction de sécurité sur le smartphone, le « Secure Element ». Jusqu’à présent, la carte SIM de l’opérateur était utilisée, nécessitant des négociations sans fin sur le partage de la valeur entre opérateurs mobiles, réseau carte bancaire, banques et prestataires de paiement qui ont littéralement gelé l’essor des paiements mobiles. Ce problème est en train de trouver sa solution avec la fonction d’émulation de carte HCE (Host Card Emulation) introduite sur Android et progressivement acceptée par les banques, qui permet de déporter cette fonction logicielle en dehors du contrôle des opérateurs, facilitant le déploiement des systèmes de paiement.

Le plus dur reste à faire : intégrer la technologie dans les applications

Pour autant tout n’est pas encore résolu. D’une part, les applications exploitant ces nouvelles fonctions restent à développer. Dans ce domaine comme dans d’autres, les développeurs sont tributaires des « briques » mises à disposition par les deux grands systèmes d’exploitation sur le mobile, à savoir Android (Google) et iOS (Apple). Si le premier est relativement ouvert, tel n’est pas le cas d’Apple, qui a une longue pratique de protection de ses innovations pour ses propres applications, du moins dans un premier temps. Gageons donc que les fonctions de paiement mobile nouvellement introduites sur l’iPhone resteront chasse gardée de la firme à la pomme, qui ne les ouvrira aux tiers que lorsque bon lui semblera.
Ainsi, ce n’est pas encore aujourd’hui qu’on pourra coupler librement sur une application iPhone des mécaniques de fidélisation ou de couponing avec un paiement NFC. En tout état de cause, l’intégration d’une solution universelle de paiement NFC est une opération complexe qui nécessite une intermédiation avec les banques, et dont on ne sait aujourd’hui qui, sur le marché, parmi les opérateurs télécoms, les réseaux de cartes bancaires, les fournisseurs de terminaux de paiement ou les « pure players », pourra la prendre en charge efficacement.   

Le smartphone doit faire mieux, beaucoup mieux que la carte bancaire

Même en supposant cette question résolue, le plus important restera de prouver aux consommateurs pourquoi payer avec un mobile est plus simple et plus utile que de le faire avec leur carte bancaire, un moyen sûr, universel et ancré dans les habitudes. Le smartphone n’a encore rien prouvé en la matière. Maintenant que les éléments relatifs à la transaction se mettent en  place, il faut travailler sur les solutions qui vont accompagner le paiement mobile et le rendre réellement plus performant.

Programmes de fidélisation et coupons de réduction augmentent l’intérêt du paiement mobile

L’exemple de l’application mobile de Starbucks, déjà citée, peut nous éclairer. Cette application, qui n’a rien à voir avec le NFC, permet de payer ses achats en générant un code barre sur l’écran de son mobile, lequel est scanné par la caisse. Le succès que connaît cette application ne vient pas de sa simplicité, mais du programme de fidélité mis en place par Starbucks que l’application permet de gérer facilement. C’est avec ce genre de bénéfices utilisateurs que les paiements NFC vont réellement pouvoir décoller.
Si les programmes de fidélisation peuvent accompagner le paiement mobile, c’est aussi le cas des coupons de réduction. En France, ces moyens promotionnels, indispensables à l’animation des ventes en magasin, représentent 4 milliards d’euros de dépenses annuelles des annonceurs dont l’immense majorité sur des supports traditionnels comme les catalogues ou les brochures. Grâce à son omniprésence et à la puissance de la géolocalisation, le mobile est appelé à s’imposer comme un moyen incontournable de promotion : média temps réel, il permet de lancer des campagnes immédiatement, sans les contraintes de production des imprimeurs et de la diffusion, garantit  un ciblage précis qui permet d’envoyer l’offre à la bonne personne, au bon endroit et au bon moment et  permet de mesurer exactement les performances. Nous travaillons à développer ces services depuis longtemps et attendons du couplage avec le paiement mobile une accélération de la conversion des annonceurs sur ce nouveau media. Tout le monde est en effet gagnant : le consommateur qui profitera d’offres pertinentes, l’enseigne qui trouvera un moyen innovant d’attirer de nouveaux clients ou récompenser ses clients fidèles, ce que la carte bancaire ne peut lui apporter.
Par ce nouveau lien, le paiement mobile permet au magasin de mieux connaître le consommateur et d’appliquer au commerce physique les recettes qui font le succès de l’e-commerce . Avec l’accord du client, il pourra être possible à l’enseigne de conserver la trace de l’ensemble de ses transactions et d’en déduire les produits et les services qui lui seront utiles, à l’image des « recommandations » faites par Amazon ou par Netflix en fonction de l’historique de des achats.
Le paradoxe est là : Alors que les annonceurs français sous-estiment encore très largement le media mobile, la technologie avance à pas de géant et les consommateurs ont massivement adopté le smartphone, y compris pour faire leurs achats sur le web. Pour les enseignes, c’est maintenant un impératif de réfléchir à l’expérience client qu’elles veulent offrir aux utilisateurs de smartphone par la créativité et n’oubliant pas que toute technologie, aussi innovante soit-elle, n’est rien si elle n’est pas adoptée par les usages.