Fin du contrôle américain de l'Internet ? Pas pour tout de suite !
Les US ne vont pas relâcher leur contrôle de la racine de l'Internet au 30 septembre 2015, comme initialement prévu. D'un part parce que le plan de transition n'est pas prêt. Mais aussi parce que le congrès américain l'a interdit !
Lorsque, en mars 2014, Lawrence E. "Larry" Strickling avait dévoilé la volonté de son gouvernement de relâcher le contrôle de la racine de l'Internet, il s'agissait d'un vrai coup politique.
Critiqué depuis des années, notamment dans le cadre des Nations Unies, pour sa position privilégiée sur une ressource certes développée aux USA mais depuis devenue mondiale, l'administration américaine avait ainsi pris ses détracteurs de court. "Le contrôle de la racine devra être transféré à un organisme non gouvernemental," avait dit le secrétaire d'état au numérique Larry Strickling, soulignant l'engagement de son pays en faveur d'une gouvernance multi-acteurs de l'Internet.Ce modèle permet à tous de participer. Il est celui de l'ICANN, l'actuel régulateur technique de l'Internet. Il est très loin du modèle pratiqué aux Nations Unies, où seules les gouvernements ont voix au chapitre. En favorisant la prise en compte d'intérêts commerciaux et techniques en plus de ceux, légitimes, de gouvernements en charge de la défense de l'intérêt public, la gouvernance multi-acteurs a sans aucun doute favorisée l'essor du Net.
Mission impossible ?
Presque un an après, ce modèle ne s'est pourtant pas montré
à la hauteur de la mission que lui avait confié Larry Strickling : développer
une alternative viable à au contrôle américain.
Pourtant, deux groupes de travail se sont immédiatement
constitués après l'annonce de mars 2014. Le premier traite du transfert
technique de la "fonction IANA", le nom donné à la gestion de la
racine de l'Internet.
Le deuxième travaille sur la notion plus abstraite de
"responsabilité". Celle de l'entité qui sera sélectionnée pour
remplacer le gouvernement américain. Responsabilité envers tous ceux qui utilisent
l'Internet au quotidien, et veulent voir le réseau rester libre, ouvert et
fonctionnel.
Sachant que l'actuel contrat accordé par le gouvernement
américain à l'ICANN pour gérer la racine de l'Internet se termine au 30
septembre 2015, ces deux groupes devaient avoir terminé leur travail à temps
pour rendre la transition possible à cette date. Or ce n'est pas le cas.
Il faut dire que leur mission est ardue. Mais ceux qui
n'apprécient pas la position privilégiée des USA sur le Net doivent le
reconnaître, le réseau a jusqu'à présent parfaitement fonctionné. Il est aussi
devenu un outil d'émancipation et de démocratisation commerciale, tout en
favorisant la liberté d'expression.
La mission n'est donc pour l'instant pas remplie. Non
seulement le groupe œuvrant sur les aspects de responsabilité est
particulièrement en retard, mais en plus les solutions proposées par les deux
groupes posent pour l'instant question pour le gouvernement américain.
Veto du congrès américain
Ce dernier a de toute façon un autre problème : son propre
congrès.
Les processus politiques outre Atlantique sont tout aussi
complexes que les nôtres. Alors sans rentrer dans le détail, disons simplement que
le congrès a coupé les vivres du ministère de Strickling sur la question de la
racine de l'Internet. Le département du commerce, ministère de tutelle sur
l'Internet, a ainsi reçu une interdiction pure et simple de dépenser le moindre
dollar sur l'exercice actuel pour transférer le contrôle américain de
l'Internet.
"Nous prenons cette décision très au sérieux," a
affirmé Larry Strickling le 27 janvier dernier. "Nous n'utiliserons donc
pas l'argent public pour mettre fin au contrat avec l'ICANN avant la date du 30
septembre 2015. Cette date était perçue par beaucoup comme une date limite, puisque
c'est là que l'actuel contrat prend fin. Mais il n'y a pas d'obligation. Nous
avons la possibilité de prolonger ce contrat pendant les 4 prochaines années..."
S'il paraît donc acquis que l'Amérique va lâcher la racine
du Net, ce n'est peut-être pas pour demain…