Quel est le juge compétent pour ordonner une saisie en cas de contrefaçon sur internet ?

Il existe parfois une incertitude sur l'identité du juge territorialement compétent pour ordonner une saisie-contrefaçon de marque, en particulier si la contrefaçon peut être constatée sur internet mais que la saisie doit être effectuée dans des locaux physiques...

Un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 4 novembre 2015 vient trancher un débat sur la compétence du juge en matière de saisie-contrefaçon de marque. La solution devrait toutefois s'appliquer quel que soit le type de saisie-contrefaçon, donc également en matière de droit d'auteur, de dessins et modèles ou de brevet

Dans cette affaire, le contrefacteur était une coopérative agricole de vinification basée dans les Bouches du Rhône. Des bouteilles de vin produites par cette coopérative portaient une marque qui avait été jugée contrefaisante quelques années plus tôt. Et ces mêmes bouteilles étaient encore vendues sur un site internet marchand, ce qui laissait entendre que l'interdiction d'exploiter la marque n'avait pas été respectée. Afin de matérialiser la preuve de la contrefaçon, le titulaire de la marque contrefaite avait souhaité diligenter une saisie-contrefaçon dans les locaux du contrefacteur. 

Conformément aux dispositions du Code de la propriété intellectuelle, les opérations de saisie-contrefaçon doivent être préalablement ordonnées par un magistrat, le président du tribunal de grande instance, afin de pouvoir être réalisées. Lorsque la contrefaçon existe sur internet mais qu'une saisie doit être menée dans les locaux du fabricant des produits, quel est le juge territorialement compétent ? Le juge parisien, puisque le site est accessible à Paris, ou le juge du lieu du siège social du futur saisi ?

Dans notre affaire, le titulaire de la marque contrefaite avait sollicité l'autorisation du Président du Tribunal de grande instance de Paris afin de pouvoir procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la coopérative. C'est ainsi qu'après la saisie, la coopérative avait demandé la rétractation de l'ordonnance autorisant les mesures, au motif que, selon elle, seul le Président du Tribunal de grande instance de Marseille, dans le ressort duquel est établi son siège social, aurait pu ordonner la saisie.

Cependant, la Cour d'appel de Paris a refusé de faire droit à cette argumentation. Selon l'arrêt, fondé sur une combinaison d'articles du Code de la propriété intellectuelle et du Code de procédure civile, la saisie peut être ordonnée par le président du tribunal de grande instance du lieu où demeure le défendeur, du lieu du fait dommageable ou du lieu où le dommage a été subi. Or, s'agissant d'un cas de contrefaçon sur internet, le site étant accessible notamment à Paris, le juge parisien était bien compétent pour ordonner la mesure de saisie, puisque le fait dommageable a eu lieu dans son ressort, même si la saisie devait être réalisée dans un autre ressort.

Cette règle peut surprendre car elle signifie que, potentiellement, tous les présidents des tribunaux de grande instance de France seraient compétents pour ordonner des mesures de saisie-contrefaçon dans n'importe quel lieu situé sur le territoire national, dès lors que la contrefaçon existe sur internet. Mais en pratique, il est plus probable que c'est le Président du Tribunal de grande instance de Paris qui ordonnera des saisies-contrefaçon dans la plupart des cas de contrefaçon sur internet désormais.