Les services à la personne doivent tirer les leçons de l’ubérisation de l’hôtellerie

Le secteur des services à la personne va-t-il, comme l’hôtellerie, devoir abandonner une part substantielle de son chiffre d’affaires aux grands acteurs du numérique ? La question mérite d’être posée tant les deux secteurs affichent des similarités.

Le secteur des services à la personne et celui de l’hôtellerie sont tout deux fragmentés entre de très nombreuses PME et TPE, bien réparties sur le territoire et jouant un rôle d’animation du tissu économique local. Comme les petits hébergeurs, les entreprises de services à la personne souffrent souvent d’un manque de visibilité à l’heure où le commerce migre massivement vers internet. 

On sait ce qu’il est advenu de ces petits hébergeurs (hôtels, gîtes, chambres d’hôtes…) : pour parvenir sur le radar du client-internaute, ils ont été contraints de "faire allégeance" aux grandes agences de tourisme en ligne (Booking.com, Expedia, TripAdvisor…) et aux plateformes de types Airbnb, quitte à abandonner 15 à 25 % de leur chiffre d’affaires pour être référencés. Le succès des agences en ligne repose, il est vrai, sur une révolution du service : fini les emails à répétition avec le propriétaire du gîte ou les appels téléphoniques pour connaître les disponibilités, la réservation est désormais immédiate et en ligne. Le client est aidé dans son choix par les commentaires des autres internautes. Bref, l’expérience client s'est transformée. L’immédiateté est devenue la règle.

Captation de la chaîne de valeur

Aujourd’hui, de nombreux hébergeurs, comprenant l’aspect déséquilibré de la relation, cherchent à orienter les voyageurs vers leur propre site de réservation. Mais le mal est fait : les géants de la réservation ont pris le marché – 70 % des ventes de nuitées réservées en ligne en Europe passent par une agence en ligne - et capté une part substantielle de la chaîne de valeur.

Quels enseignements en tirer pour le secteur des services à la personne, composé en France de 34 900 entreprises et associations, et qui fait vivre 1,4 million de professionnels ? En premier lieu, la nécessité d’anticiper la transition numérique qui apparaît inévitable. Aussi étonnant que celui puisse paraître, aucune entreprise de services à la personne n’offre aujourd’hui la possibilité de commander immédiatement des services en ligne ! Le client qui, le soir chez lui, souhaite réserver les services d’un jardinier ou d’une femme de ménage, doit encore envoyer une demande de devis ou réclamer qu’on le rappelle… le lendemain forcément.

Pendant ce temps, la menace se profile. Certains nouveaux entrants ne cachent pas leur volonté "d’ubériser" le secteur tels l’Allemand Helpling. Ce dernier, qui a levé 45 millions de dollars, commercialise via sa plateforme collaborative des services de ménages dispensés par des autoentrepreneurs. Le modèle rencontre un certain succès même s’il reste limité pour le moment sur le seul ménage et sur les grandes agglomérations. Mais la clientèle peut enfin acheter les services en ligne.

Arrivée prochaine d’Amazon et Google

Les géants américains du numérique, comme Amazon et Google, aiguisent également leurs armes. En mars 2015, Amazon a lancé les premiers essais d’Amazon Home Services, une place de marché où les entreprises de services à la personne sont en compétition pour prendre les commandes en ligne des particuliers. L’interface est disponible désormais dans plus de 40 états américains. Les prix sont fixés à l’avance et Amazon prélève une commission de 10 à 20 %. Google, de son côté, a acheté en juillet 2015 la technologie de Homejoy, une plateforme de ménage en faillite. L’objectif : mettre au point une technologie pour permettre aux utilisateurs finaux de trouver des professionnels de services locaux (peintres, plombiers, employés de ménage, électriciens…) via la barre de recherche Google.

L’offensive des Gafas en Europe est inéluctable. Pour riposter, les entreprises de services à la personne doivent apprendre du secteur hôtelier. L’objectif premier est d’enrichir l’expérience client en entrant dans l’ère du e-commerce et de l’immédiateté. Le client souhaite pouvoir réserver, commander et payer en ligne son service, à tout moment de la journée. Il veut aussi pouvoir lire les commentaires des autres consommateurs avant de faire son choix. Les entreprises doivent donc reprendre les recettes du succès des Gafas – fiabilité, sécurité, notations et retours d’expérience – et mettre au point une stratégie digitale poussée pour être au plus proches de leurs clients. Les solutions technologiques existent. Il s’agit à présent de les mettre en œuvre. Si les entreprises réussissent cette transition, il n’y a pas de raison que le consommateur choisisse de passer par un intermédiaire.