Publicité mobile : à quand le mobile first ?

Alors que les usages mobiles dépassent désormais officiellement les usages desktop, la publicité mobile reste pourtant en retrait des investissements sur ordinateur. Cette situation n'est-elle que temporaire ? La publicité sera-t-elle bientôt "mobile first" ? Et comment appréhender ce nouvel écran ?

Selon une récente étude de Statcounter, les écrans mobiles captent désormais plus d'audience (52%) que les écrans d'ordinateurs (48%) à l'échelle mondiale. Pourtant, la publicité mobile reste en retrait avec environ 15% des investissements publicitaires contre 18% des investissements digitaux sur desktop, selon une étude de l'agence média Zénith. Entre intégration plus forte et discrète des publicités en natif et nouveaux formats plus riches, personnalisés et interactifs, la publicité mobile dispose pourtant de la capacité de devenir le principal canal de communication digital.Pour discuter de son potentiel, la Mobile Marketing Association France a profité de son Forum annuel, organisé le 1er décembre dernier à Paris, pour organiser une table ronde sur la publicité mobile réunissant plusieurs spécialistes du sujet.

Des spécialistes de la publicité et du mobile  

Directeur marketing chez BMW, un constructeur automobile (BMW, Mini, Rolls Royce) qui se définit désormais comme un "fournisseur de solutions de mobilité personnelle", Pierre Jalady a expliqué que près de 40% de ses investissements se faisaient désormais sur le digital, dont un tiers sur les écrans mobiles. "Sur le segment premium, la part du desktop est encore importante mais le mobile progresse très vite et sera sans doute majoritaire en 2017." a-t-il expliqué.

 

Directrice média pour l'Europe de l'Ouest chez Mondelēz International, un groupe agroalimentaire réunissant 100 000 collaborateurs et réalisant plus de 30 milliards de dollars de chiffre d'affaires, Dominique Kirmann-Demoux a ainsi expliqué consacrer 30% de ses investissements au digital dont 60% sur mobile. "Nous sommes en avance sur nos concurrents mais en cohérence avec les usages des consommateurs, d'autant que nous touchons plus de 95% des Français." a t-elle pointé.

 

Directeur du développement chez Happn, un service de rencontre dont l'application compte déjà plus de 24 millions d'utilisateurs dans 40 pays dans le monde, Morad Adjaoud a estimé ses investissements digitaux à 80% mais essentiellement investis sur l'écran mobile. "Nous investissons plusieurs centaines de milliers d'euros chaque mois pour générer des téléchargements de notre application mais surtout obtenir des utilisateurs actifs." a-t-il indiqué.

 

Directrice marketing chez Klépierre, un groupe gérant plus de 150 centres commerciaux et accueillant plus de 1,2 milliards de visiteurs par an, Elise Masurel a indiqué que le digital représentait 40% de ses investissements dont 80% désormais dépensés sur le mobile. "Nous sommes en ligne avec les usages de nos consommateurs, qui se connectent à 70% depuis un mobile, souvent lorsqu'ils se rendent dans nos centres commerciaux." a-t-elle expliqué.

 

Vice-Président du groupe Mozoo (Surikate, Numbate), un pure player de la publicité mobile ayant réalisé plus de 5000 campagnes mobiles cette année dans 5 pays du monde, Mathieu Rostamkolaeï a pointé le retard du marché français. "En France les investissements digitaux sont en retard sur les usages, sans doute pour des raisons culturelles, mais la situation est différente dans d'autres régions du monde. En Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, la publicité mobile représente déjà plus de 40% des investissements, et dans d'autres régions du monde comme la Chine, le mobile est désormais clairement majoritaire." a-t-il pointé.


Le mobile, un couteau suisse pour les annonceurs  

En passe de devenir majoritaire dans le mix digital, le mobile met néanmoins une grand variété de formats et de stratégies à disposition des annonceurs. Branding, performance, drive-to-store : quelles sont les bonnes pratiques ? 

 

"Nous utilisons le mobile aussi bien pour faire de la notoriété, notamment en vidéo, ou générer des visites chez les 160 concessionnaires BMW en France. Mais le mobile est également un enjeu de reach puisqu'il nous permet de toucher une frange de la population qui utilise désormais exclusivement le mobile, et que nous ne pourrions plus toucher via les autres écrans." explique Pierre Jalady de BMW.

 

"Notoriété, interactivité, achat, expérience, partage : le mobile intervient désormais à toutes les étape du parcours du consommateur et il ne faut pas opposer ces leviers. Nous avons par ailleurs réalisé de belles campagnes vidéo dans SnapChat, où 2,5 millions de consommateurs se sont filmés avec des biscuits Oreo en guise de lunettes, mais également avec le jeu Milka Biscuit, téléchargé plus de 1,5 millions de fois. Pour nous, c'est une grande satisfaction de voir le consommateur devenir acteur de notre marque, et c'est une réponse intelligente à l'AdBlocking." indique Dominique Kirmann-Demoux de Mondelēz.

 

"La dichotomie entre branding et performance est dépassée et on peut effectivement parler de "brandformance" puisque nos initiatives visant à générer des téléchargements ou des inscriptions vont également nourrir la notoriété de la marque. Pour atteindre notre objectif d'un million de nouveaux utilisateurs par mois, nous testons tous les formats : bannières statistiques, native ads, vidéos, vidéos verticales. Nous essayons d'opter pour des formats qui ne perturbent pas l'expérience utilisateur des mobinautes, notamment en travaillant avec de grandes plates-formes comme Google ou Facebook." ajoute  Morad Adjaoud de Happn.

 

"Pour nous, l'enjeu, c'est de générer du trafic qualifié dans nos centres commerciaux et chez nos commerçants. Il ne faut plus opposer branding et business ou online et offline. Grâce à des boîtiers qui détectent l'identifiant du téléphone, nous sommes capables de reconnaître les mobinautes qui ont été exposés à nos campagnes. Et ce qui fonctionne le mieux, c'est une approche multicanale, où un événement offline comme les "reines du shopping", va être relayé et amplifié par une publicité mobile géolocalisée." complète Elise Masurel de Klépierre.

 

"Effectivement, il ne faut plus opposer branding et performance mais il faut également veiller à respecter l'expérience utilisateur. Les Anglais parlent d'ailleurs de 'user friendly performance' car ils ont compris que l'efficacité d'une campagne reposait désormais en grande partie sur son adoption par les consommateurs", explique Mathieu Rostamkolaeï de Mozoo.


Quel retour sur investissement pour le mobile ?  

Capable de couvrir toutes les problématiques des annonceurs, le mobile est-il pour autant rentable ? Et quelle doit-être sa place dans un mix marketing global, notamment par rapport à l'autre écran roi : celui de la télévision ?

 

"Pour BMW, le mobile est clairement un élément du mix marketing, et nous cherchons à trouver l'équilibre entre puissance et impact. Le mobile est désormais le seul moyen de toucher certaines populations, qui se sont détournées de l'écran d'ordinateur ou de la télévision. Cet écran devient donc indispensable en amplification du global." indique Pierre Jalady de BMW.

 

"Nous estimons que l'écran mobile est très rentable et nous allons poursuivre nos investissements en misant notamment sur l'originalité de nos créations. Mais pour que le mobile remplace la télévision, il faut encore travailler sur l'effet halo, qui permet à Milka Biscuit de profiter d'une publicité pour Milka Chocolat par exemple. Sur le mobile, nous n'avons pas encore constaté cet effet."  indique Dominique Kirmann-Demoux de Mondelēz.

 

"Il n'y a plus besoin de justifier la rentabilité du mobile. Pour nous, l'important c'est désormais l'engagement utilisateur, au travers de formats respectueux de son expérience, mais également la cohabitation avec d'autres écrans, notamment offline." ajoute  Morad Adjaoud de Happn.

 

"Pour Klépierre, le mobile remplace le tract traditionnel en nous permettant une publicité plus ciblée et moins chère avec un coût à la visite de l'ordre de 1,2 euros ce qui est très raisonnable. Nous sommes par ailleurs en mesure de faire des opérations plus complexes en ciblant les consommateurs voire en les reciblant avec du push, tout en étant en mesure de tracker leurs visites dans nos centres commerciaux. Aucun autre média n'est capable d'en faire autant." complète Elise Masurel de Klépierre.

 

"Le mobile est un média très efficace mais il me semble encore sous-estimé. C'est souvent sur mobile qu'on commence à comparer les prix avant d'acheter sur desktop, sur mobile qu'on trouve son chemin pour aller dans un magasin, sur mobile qu' on compare les prix ou les produits dans un magasin. Le cross canal est encore mal évalué et 65% des transactions réalisées sur mobile sont invisibles aux yeux des annonceurs. Mais cet écran est incontournable, c'est un prolongement de notre cerveau, une véritable extension du corps humain." s'enthousiasme Mathieu Rostamkolaeï de Mozoo.

 

Un écran que les annonceurs devraient continuer de s'approprier. Selon Zenith, le mobile devrait capter 160 milliards de dollars d'investissements publicitaires à l'horizon 2019 soit 26,7% des dépenses publicitaires globales. Un tel niveau placerait le mobile au second rang des dépenses, devant le desktop (14,7%) et juste derrière la télévision (32,7%), championne de la publicité depuis près d'un demi-siècle, mais qui devrait perdre sa couronne dès le début de la prochaine décennie.