Lettre ouverte en réponse à "Non, la marketplace n’est pas l’avenir du e-commerce"

Voici une réponse à la chronique publiée le 19 juillet 2017 qui nuance la critique des places de marché.

Cher Monsieur Crenn, j’ai lu avec attention votre chronique sur le JDN "Non la marketplace n'est pas l'avenir du e-commerce". J’ai été ravi de constater que nous partagions le même point de vu, en ce sens où les places de marché ne sont pas l’avenir du e-commerce.  Cependant, je ne partage pas cet avis pour les mêmes raisons que vous et j’arrive à des conclusions quelque peu différentes. Voilà pourquoi je prends le temps de vous répondre par cette lettre ouverte pour spécifier mon propos. 

Je suis convaincu que le modèle marketplace est en effet arrivé à bout de souffle. En premier lieu, comme vous l’avez très bien spécifié, les marchands sont souvent asservis à ces sites qui profitent de leur position dominante pour imposer des conditions drastiques.  Sauf qu’aujourd’hui, seul Amazon est capable d’offrir une qualité de service irréprochable pour le client final, au mépris encore une fois des offreurs. Si on lit les commentaires sur les autres marketplaces, on voit souvent que celles-ci cherchent à entretenir le flou sur qui vend, comment gérer le SAV ou renvoient vers les marchands qui sont souvent débordés par le nombre de requêtes des utilisateurs provenant de différentes marketplaces. De ce fait, le service clients est souvent insuffisant et les acheteurs fuient vers le concurrent américain. On peut aussi faire le parallèle avec les restaurateurs, excédés par le nombre de nouvelles applications qui permettent de vendre en ligne comme Foodora, Deliveroo, Lunchr etc… qui sont autant de plateformes à surveiller et à gérer en plus des commandes en direct par téléphone ou en magasin. 

D’autre part, il est selon-moi illusoire de penser qu’un entrepreneur peut aujourd’hui lancer un site e-commerce généraliste ou sans positionnement marketing et commercial ultra-novateur, ce qui nécessite souvent des moyens conséquents. De ce fait, tout nouveau venu cherchant à mettre en oeuvre le Xième site de coques pour smartphones importées de Chine va très probablement se casser les dents au bout de quelques semaines. Je prends l’exemple de ce marché que je connais parfaitement puisque j’en suis issu, il est symptomatique de ce qu’il se passe sur le e-commerce au niveau mondial. Au début des années 2010, il y avait très peu de concurrence et le secteur était peu globalisé. Puis les Chinois sont venus inonder les places de marché (dont notamment eBay et la montée d’Aliexpress), rendant toute concurrence des sites français impossible - à moins que l’utilisateur soit pressé de recevoir son bien. L’expérience utilisateur prône donc sur le choix ou le prix du produit

Vers une nouvelle forme de marketplace

Pour moi, la concurrence sur le e-commerce est en train de mourir et le salut viendra justement d’une nouvelle forme de place de marché. La raison est toute simple : Google cherche à favoriser les meilleurs contenus et désindexe les sites les moins importants à ses yeux. L’objectif : faire grimper les coûts d’acquisition pour s’enrichir, rendant impossible pour les petits de suivre ! Deux choses comptent alors : la qualité du contenu et sa quantité. Il n’y a donc pas d’autre choix que de se regrouper pour lutter face aux concurrents tel qu’Amazon pour créer plusieurs leaders français et européens notamment, axés sur des thématiques dédiées avec une expérience client ultra-personnalisée et un service optimisé. 

Le e-commerce va fatalement se recentrer sur quelques acteurs et les vendeurs seront désormais considérés comme des plateformes de stockage 2.0 réparties sur les territoires pour assurer une livraison rapide plutôt que de véritables opérateurs de sites en eux-mêmes. Ils doivent bien sûr pouvoir être rémunérés à une juste hauteur pour se développer et assurer un service de qualité sereinement. 

C’est pourquoi je me bats pour promouvoir une nouvelle forme de place de marché où les vendeurs choisissent les produits et les « markettent » à leur convenance, où la décision de l’expéditeur est faite de manière automatique par un algorithme en fonction de ce qui est le mieux pour le client final, où l’information est centralisée tout comme le service clients, où le vendeur est responsabilisé sur les produits choisis contre une garantie de la qualité de l’offreur et où il y a un partage de marge et non une commission prélevée arbitrairement pour rétablir un équilibre entre offreur et vendeur.  Il faut supprimer des intermédiaires et redonner de la marge aux opérateurs de marketplace 2.0 en leur connectant directement des fabricants/grossistes pour proposer des tarifs plus agressifs et des services plus complets. 

En conclusion, Monsieur Crenn, oui pour dire que les marketplaces dans leur forme actuelle ne sont pas l’avenir du e-commerce, mais le modèle du drop shipping est selon-moi bien le futur du commerce connecté.