La "She Economy" en Chine : portrait de la consommatrice chinoise 4.0

L’économie chinoise, en plein boom et pionnière en matière de digitalisation depuis plus d’une décennie, a vu émerger un marché féminin plus que lucratif.

La Chine est le plus grand marché du e-commerce au monde, avec bientôt 75% d’achats sur mobile (eMarketer). Les Chinois passent d’ailleurs en moyenne trois heures par jour sur leur smartphone, sur les réseaux sociaux ou les plateformes de m-commerce, notamment sur WeChat, le wallet au milliard d’adeptes. Avec l’amélioration du niveau de vie et le boom du e-commerce, les consommateurs, autrefois focalisés uniquement sur le facteur prix, ont plus de choix et peuvent prendre en compte plus de critères dans leurs achats. Ils sont de plus en attirés par les marques, en n’hésitant plus à se faire plaisir en un clic.

La shoppeuse chinoise "se lâche"

Dans une société traditionnellement patriarcale, la Chine voit les femmes s’épanouir au niveau professionnel, devenir indépendantes, féministes, ce qui se traduit par une consommation frénétique ! Elles consomment à outrance, cliquent, likent, "smile to pay" plus vite que leur ombre sur leur smartphone, dans un pays "cashless" où le portefeuille disparaît. C’est particulièrement vrai dans les grandes villes comme Pékin, Shanghaï ou Canton, où les femmes sont plus éduquées et travaillent à 70%. Ces femmes, devenues indépendantes financièrement en l’espace d’une génération, y sont la cible privilégiée des marques. La She Economy est en plein essor et devrait générer 744 milliards de dollars cette année.

Une consommation très " sociale"

En Chine plus qu’ailleurs, l’e-réputation des marques est primordiale. Dans cette société où le groupe prime, ce qui plait au groupe a tendance à plaire à l’individu. On vérifie les avis sur les réseaux sociaux avant d’acheter une marque ou un produit inconnu : un marché de 300 millions d’e-shoppers et 900 millions d’addicts aux réseaux sociaux (source : Hootsuite). Le cœur du réacteur : la shoppeuse urbaine de 18 à 35 ans, ultra digitale. Les Kols, les influenceuses, sont des icônes pour les chinoises. Elles ont une base de fans importante sur Internet, sont adulées des jeunes femmes qui achètent ce que conseillent leurs modèles dans d’innombrables vidéos.

Le "retailtainment" au féminin

La shoppeuse chinoise est le véritable moteur d’une croissance vertigineuse du retail en Chine, qui est essentiellement sociale, ludique et largement digitale. Dans un pays où la consommation est vue par les femmes comme un moyen de s’épanouir, de socialiser, un loisir à part entière, des plateformes comme Wish ou Taobao fleurissent. Le concept de Pinduoduo, nouvelle forme de "e-commerce social" très appréciée de ces dames, se base sur les achats en groupe qui permettent de faire baisser les prix. Lors des flash-sales, le but du jeu est de partager le produit que vous souhaitez acheter parmi vos contacts afin de faire diminuer le prix du produit. Plus le nombre de participants est important, plus l’objectif fixé a des chances être atteint. Très addictif !

Acheter est un jeu. Peu importe le produit, pourvu qu’on s’amuse et qu’on interagisse avec ses amis. D’où le succès du "retailtainmenté, qui mêle shopping et divertissement. Alibaba ou Tmall l’ont bien compris, avec des promotions très court terme, comme le Singles' Day qui a mieux marché que le Black Friday en 2018, générant 27% de ventes additionnelles.

En France : la voie de la raison ?

Chez nous, la réalité est bien différente. Même si on n’ose plus mentionner "la ménagère de moins de cinquante ans", ce sont bien souvent toujours les femmes qui sont décisionnaires quand il s’agit de remplir le panier. D’après une étude KR Media de 2017, 93% des Françaises se disent toujours responsables des achats de leur foyer. Moins flambeuses que les chinoises, elles chassent les bons plans : "promovores" et accrocs aux programmes de fidélité, elles possédent 19 cartes de fidélité en moyenne (versus 14 en moyenne France) et ce sont elles qui cliquent à 70% sur les pub digitales (données Stocard 2019).

Leurs achats sont de plus en plus raisonnés en raison d’une baisse du pouvoir d’achat et de l’émergence d’une conscience écologique. La croissance du e-commerce sert cette cause, le digital favorisant la comparaison des prix, la préparation des achats en amont, et les plateformes d’économie solidaire et circulaire.

A l’inverse de la shoppeuse chinoise, en pleine frénésie de surconsommation, les occidentales entrent dans une phase de "slow-consommation" mature, raisonnée, dans un souci de consommer moins, mais sain, durable et "anti-gaspi". Elles assument de faire du le troc, de s’équiper sur Leboncoin, de fabriquer leurs savons et de faire leur potager. Une tendance anti-crise, régressive, bobo, ou tout simplement un durable retour à la raison ?