WeChat : conquérir la Chine et au-delà

WeChat est la 5e application de messagerie au monde, avec plus d’1 milliard d’utilisateurs actifs. Née en 2011, il ne lui aura fallu que 433 jours atteindre les 100 millions d’utilisateurs – presque 4 fois plus rapidement que Facebook.

8 ans plus tard, les chiffres donnent le vertige : en Chine, WeChat détient 83% des parts de marché et capture plus du tiers du temps passé sur internet (mobile). C’est indéniable : WeChat dépasse les GAFA sur le papier ; mais va-t-elle les combattre sur leurs propres terres ? 

 Neymar et Messi comme égéries
Dès 2013, alors que WeChat n’a que 2 ans, la super app chinoise rêve déjà de s’exporter. L’entreprise Tencent, qui édite l’application, courtise les plus grandes stars – dont Neymar et Messi – pour mener une campagne de communication dans 15 pays. Mais celle-ci n’aura pas l’effet escompté : la super app n’arrive pas à trouver son public en Occident pour au moins trois raisons. 

Premièrement, WeChat arrive tard dans la course aux applications de messagerie. Déjà en 2013, Facebook règne en maître avec 1,2 milliards d’utilisateurs mensuels. Quand on a tous ses amis sur une application, difficile d’en changer… Ensuite, son écosystème de services locaux – véritable accélérateur pour la conquête du marché chinois – reste coquille vide à l’étranger, faute de partenaires.

Enfin, WeChat est conçue par des développeurs chinois pour des utilisateurs chinois. Himanshu Gupta, directeur marketing et stratégie de WeChat India (2012- 2015) l’admet lui-même : « Le produit (...) avait des caractéristiques particulières qui fonctionnaient bien sur le marché chinois mais qui ne fonctionnaient pas bien pour les utilisateurs indiens ». Par exemple, à son lancement, la version américaine proposait de nombreux stickers sur le nouvel an chinois et les dragons, mais aucun sur le baseball...
Un saut de puce en Malaisie

En revanche, WeChat s’est bien installée dans les pays culturellement proches de la Chine en leur permettant d’effectuer un leapfrog (saut de puce). L’application y compense le manque d’infrastructures bancaires et technologiques. Pour cela, WeChat applique la même recette qu’en Chine : lancement d’une application de messagerie B2C, conquête des marchands, puis connexion des deux via sa brique de paiement WeChat Pay. En Malaisie, WeChat détient 93 % des parts de marché.

WeChat a compris que séduire les utilisateurs étrangers serait difficile. Elle se concentre donc ailleurs : plutôt que de convertir de nouveaux utilisateurs, elle veut conquérir de nouvelles parts d’usage.  

156 millions d’ambassadeurs chinois

Plutôt que de convertir des utilisateurs étrangers pour conquérir le monde, WeChat mise sur un phénomène en pleine expansion : le tourisme chinois. En 2018, les touristes chinois étaient 156 millions, soit 16 % de la base de WeChat… et 3 fois plus que la diaspora chinoise ! Tencent signe donc partout dans le monde des partenariats avec des acteurs financiers (banques, intégrateurs…), des enseignes importantes comme les Galeries Lafayette et des lieux touristiques (musées, RATP par exemple). Le but : rendre WeChat Pay – et donc WeChat – accessible aux utilisateurs chinois partout où ils voyagent pour leur faciliter la vie.  1 milliard d’utilisateurs, dont 90 % en Chine : un nombre amplement suffisant, surtout lorsqu’on les accompagne jusqu’en vacances. Le contrat est simple, et gagnant pour les 3 parties. Les Chinois consommeront davantage et sans friction, payant depuis leur mobile directement en yuan. Les commerçants, eux, peuvent profiter de cette clientèle au fort pouvoir d’achat – qui dépensera 315 milliards de dollars en 2020. L’ensemble génère des commissions pour WeChat sur les transactions à l’étranger. Si WeChat n’est présente que dans quelques pays en tant que messagerie, WeChat Pay est quant à lui implanté dans 49 pays, et compatible avec 18 devises. Cette stratégie du cheval de Troie permet à WeChat de créer de nouveaux usages sur tous les continents pour, qui sait, adresser bientôt les utilisateurs locaux ?