Transformation numérique : il n'y pas qu'une mais deux variantes !

L'expression "transformation numérique” est devenue si courante que nous avons tendance à ne pas nous rendre compte qu'il existe deux types de transformation numérique.

Il y a deux variantes de transformation numérique. L'une est plus tactique et axée sur une meilleure expérience utilisateur. L’autre est plus stratégique et vise à améliorer les process internes. Les grandes entreprises des secteurs de la technologie, du commerce de détail, du luxe et des médias sont souvent engagées dans ces deux transformations, mais avec des objectifs, une portée, des technologies, des fournisseurs et des compétences différentes.

Transformation numérique du marketing versus transformation numérique des métiers
La transformation numérique du marketing a commencé avec l'apparition des premiers navigateurs Web au milieu des années 90 et a atteint son apogée avec l'apparition de la première offre d'analyse de données (data analytics) au milieu des années 2010. Cette transformation tactique consistait à créer des écosystèmes numériques pour le commerce électronique (sites Web, applications mobiles, médias sociaux) avec des analyses statistiques pour suivre le comportement des utilisateurs, principalement anonymes. Ce type de transformation numérique a donné ensuite naissance à des produits d’automatisation (adtech et martech) sophistiqués, dont le trio de tête est constitué des puissantes plates-formes de Google, Facebook et Twitter.
Profitant de leur leadership dans le secteur de la communication, les agences publicitaires ont été à l'origine de la transformation numérique du marketing. Elles étaient à l'origine des sites Web personnalisés qui faisaient correspondre le contenu aux audiences, en identifiant et en classant les préférences des internautes, permettant ainsi aux annonceurs la personnalisation de leur marketing sur tous les supports numériques.

La transformation des métiers est bien différente. Elle est plus profondément ancrée dans les process métier de l'entreprise. Cette deuxième variante de la transformation numérique a donné naissance aux technologies avancées d’exploration de données (data mining) et d’apprentissage automatique (machine learning). La plupart de ces technologies avancées sont disponibles sur des plates-formes open source que Google et Facebook utilisent en interne pour le moteur de recherche, l'affichage des annonces et les recommandations de produits.

Contrairement à la transformation numérique du marketing, le jeu est toujours ouvert entre les agences publicitaires d'un côté et les intégrateurs de systèmes d'autre part. Les premiers souhaitent tirer parti de leur expérience et de leurs relations avec les directions marketing. Les seconds souhaitent tirer parti de leur expérience en matière de mise en œuvre de systèmes d'information et de leurs relations avec les directions informatiques. Pour ces derniers, la transformation numérique dans les entreprises est une continuation du mouvement de réingénierie des process qui a débuté au milieu des années 90.

À l’heure actuelle, les intégrateurs de systèmes semblent disposer d’un avantage, car la transformation numérique des métiers exige des compétences informatiques plus lourdes que celle de la transformation numérique du marketing. En effet, les projets de transformation numérique des métiers sont très complexes, utilisent des technologies multiples et nécessitent une gestion du changement avant d'être totalement opérationnels. L'implication de la direction informatique est un facteur important. Alors qu'elle était principalement consultée dans la transformation numérique du marketing, la direction informatique est fortement impliquée dans la transformation numérique des métiers.

Comment sont-elles différentes ?
Un projet de transformation numérique du marketing dure des mois de la spécification à la production. En revanche, un projet de transformation numérique des métiers peut durer des années. C'est pourquoi nous ne devons pas confondre les deux types de transformation numérique. L’une concerne davantage la refonte des points de contact numériques afin d’attirer plus d’utilisateurs, l’autre consiste à transformer les opérations internes. La première repose sur des cookies collectés sur des points de contact ou achetés à des partenaires. La seconde s'appuie sur les données des départements marketing, ventes, service et gestion de la relation client.

Qu’ont-elles en commun ?
Des projets pilotes ont été menés pour rassembler les données anonymes et des données clients dans ce que l’on appelle des «lacs de données» (data lake), mais ces projets n’ont pas apporté des résultats probants pour différentes raisons, les principales étant les suivantes :
  • Les données anonymes ne sont pas structurées et sont stockées dans des fichiers plats, tandis que les données clients sont structurées et stockées dans des bases de données relationnelles
  • La durée de vie d'un cookie se mesure en jours alors que celle d'une donnée client se mesure en années
  • Les analyses des données sont différentes : analyse principalement descriptive pour les données anonymes (nombre de visiteurs, divisé par région, période, appareil...), analyse prédictive pour les données client (calcul de la valeur des clients, prévision des ventes...)

Bien que le concept de lac de données soit toujours d'actualité chez les fournisseurs de bases de données, une intégration complète de toutes les données de l'entreprise dans un seul entrepôt de données ne semble pas réalisable dans un proche avenir, ni pertinente pour les entreprises. Mais la manière de mener une transformation numérique du marketing de 6 mois ou un projet de transformation numérique des métiers de dix-huit mois est la même :
  • Analyser la situation en l’état, évaluer ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et les améliorations ou modifications à apporter
  • Évaluer la vision à venir, les process, l'utilisation et les fonctionnalités nécessaires
  • Développer une stratégie de migration pour passer de la situation actuelle à la situation nouvelle
  • Mettre en œuvre la solution en conséquence et en utilisant la méthode et les outils les plus appropriés
Dans les deux cas, la méthode Scrum ou une variante, utilisée avec les outils Confluence et Jira sont les standards, largement utilisés durant les transformations digitales. Malgré le battage publicitaire entourant les analyses de données volumineuses, chaque projet de transformation n’est pas plus qu’un projet de développement logiciel, et le big data ou l’apprentissage automatique n’est qu’une pièce à intégrer à d’autres pièces du puzzle (bases de données, stockage, interface utilisateur, etc.) pour livrer le projet. En d'autres termes, qu'il s'agisse de projets de transformation numérique de marketing ou de transformation numérique de métiers, les projets commencent tous par les exigences de l'entreprise et se terminent par un logiciel en cours d'exécution.

Dans le futur
La transformation numérique a commencé par une refonte des points de contact avec les utilisateurs, puis par une refonte des process internes. Comme on peut l’imaginer, elle ne s’arrêtera pas au marketing, aux ventes et à la gestion de la relation client, mais continuera à inclure d’autres activités, notamment la finance, les ressources humaines et la gestion de la chaîne logistique. Cette troisième transformation a déjà commencé (fin des années 2010) et va bientôt accélérer avec des objectifs, un champ d’applications, des acteurs et des technologies différents. Quel que soit son nom, une chose est sûre : la cybersécurité sera clé de cette troisième variante de transformation numérique. Dans un monde où presque toutes les entreprises sont numérisées et connectées, la cybersécurité aura le même niveau d'urgence que les données, sinon plus. Alors, attendez-vous à lire sur des projets pilotes et des applications en production dans les industries lourdes telles que le pétrole et le gaz, l'électricité, l'automobile et les transports.

Conclusion
Il n'y a pas qu'une mais deux variantes de transformation numérique. L'une est plus tactique et axée sur une meilleure expérience utilisateur. L’autre est plus stratégique et vise à améliorer les process internes. Bien sûr, les entreprises des secteurs de la technologie, du commerce de détail, du luxe et des médias sont souvent engagées dans ces deux transformations, mais avec des objectifs, une portée, des technologies, des fournisseurs et des compétences différentes. Et, comme c'est toujours le cas des technologies disruptives, nous verrons très bientôt une troisième variante destinée à numériser les process de back-office.

Avis aux lecteurs
La vision ultime de la numérisation est que les activités d'une entreprise ne devraient plus être conçues comme des tâches distinctes, mais bien comme des process reliés les uns aux autres. Mais la mise en œuvre est plus complexe que l’énoncé de cette vision ultime. En effet, même si les questions de gestion de marque, de publicité, de marketing, de vente et de gestion de la relation client relèvent d'un seul dirigeant, elles sont gérées par différents départements dotés de bases de données, de fournisseurs et de technologies différents. Cela est logique d’un point de vue pragmatique car le travail, les objectifs, les budgets et les calendriers ne sont pas les mêmes. En tant que tel, mon document n'est pas une prescription de ce qui devrait être fait, mais une description de ce qui est fait.