Vincent Champain (General Electric Digital) "GE traite 50 millions de data collectées sur 10 millions de capteurs industriels"

Vincent Champain, directeur général de la Digital Foundry que le groupe a installé à Paris, explique comment ses équipes aident les industriels à tirer de la valeur de leurs données IoT.

JDN. La fonderie numérique de GE Digital a officiellement ouvert ses portes à Paris en juin. A quoi sert cet espace ?

Vincent Champain, directeur général de la Digital Foundry de General Electric Digital. © General Electric

Vincent Champain. General Electric a créé la "Digital Foundry" pour développer des applications d'IoT industriel. Le but est de permettre à nos clients de trouver l'aiguille de valeur dans leurs bottes de données industrielles émises par les milliers de capteurs qu'ils installent sur leurs équipements. Nous avons besoin de compétences pointues pour créer ces nouveaux outils et elles sont présentes dans l'Hexagone. Nous avons tissé un réseau avec des partenaires académiques comme l'école d'informatique Epitech et travaillons également avec le Numa et l'Usine.IO, deux incubateurs qui regroupent de nombreuses start-up liées au traitement de données issues des objets connectés.

Combien de personnes allez-vous embaucher dans ce centre de développement d'outils digitaux ?

Aujourd'hui, la fonderie numérique compte 75 salariés. Ils seront plus de 250 en 2020.

Quels profils recherchez-vous ?

Je veux créer une équipe composée de 40% de développeurs, de 40% de data scientists et de 20% de spécialistes du design. Ces derniers ont pour but de développer des outils "user friendly" comme ceux qu'Apple propose au grand public. Avec cette contrainte qu'ils doivent être utilisés dans des environnements complexes. Comme, par exemple, par des ingénieurs qui sont perchés à 150 mètres de hauteur sur une grue installée sur une plateforme offshore.

"Aujourd'hui, la fonderie numérique compte 75 salariés, ils seront plus de 250 en 2020"

General Electric a un ADN industriel. Les data scientists industriels que je recrute ont des connaissances pointues en physique, car ils travaillent sur des données émises par des machines qui vibrent, qui chauffent dans un environnement palpable. Ils doivent être capables de comprendre et de traiter ces informations concrètes pour leur donner du sens et permettre à un opérateur humain de prendre la meilleure décision dans une situation X ou Y. Ils sont aussi plus rompus aux mathématiques que les data scientists qui travaillent dans l'analyse de données marketing par exemple, car ils doivent traiter de plus grandes quantités d'informations, souvent complexes.

Quel est le poids de l'activité IoT industriel chez General Electric ?

Dès 2012, avant que l'Internet des objets ne devienne une expression à la mode, le PDG du groupe Jeffrey Immelt a décidé d'investir 1 milliard de dollars dans le secteur sur quatre ans. Le groupe a même fait évoluer sa structure interne : en septembre 2015, nous avons regroupé nos activités logicielles et de traitement des données industrielles dans une nouvelle filiale baptisée GE Digital, dédiée au développement de solutions IoT. Cette branche a réalisé 6 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2015 et vise les 15 milliards pour 2020. (Le conglomérat dans son ensemble a généré près de 97 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2015, ndlr).

Concrètement, quelle valeur ajoutée apportez-vous à vos clients ?

Nous avons officialisé en juillet un deal avec Schindler, qui équipe un million de ses ascenseurs de capteurs. Dans tous les élévateurs, il y a un bouton rouge sur lequel l'utilisateur appuie lorsqu'il est coincé par une panne. Grâce à nos applications IoT, ces boutons rouges n'auront plus de raison d'être chez Schindler.

"GE Digital a réalisé 6 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2015 et vise les 15 milliards pour 2020"

Nous analysons les données collectées par les capteurs, sur la vibration anormale de telle ou telle pièce par exemple, et prévenons l'entreprise pour qu'elle envoie un technicien avant la casse. Notre système permet également au groupe d'affiner l'organisation de sa maintenance régulière. Au lieu de passer à l'aveugle une fois tous les deux ans par exemple, les techniciens viennent lorsque le niveau d'usure de certains appareils l'exige.

Quel est aujourd'hui le stade de maturité du marché des applications d'IoT industriel ? Vos solutions sont-elles seulement testées par vos clients ou les ont-ils déployées massivement ?

Nos solutions sont installées à grande échelle chez nombre de clients historiques de GE, comme la compagnie aérienne Airasia ou le fabricant de pneumatiques italien Pirelli. Nous avons également plus d'une dizaine de nouveaux clients. Chaque jour, General Electric traite 50 millions de données collectées sur 10 millions de capteurs industriels, installés sur des actifs d'une valeur totale de plus de mille milliards de dollars.

Commercialisez-vous des applications déjà en rayon ou faites-vous du sur-mesure avec chacun de vos clients ?

Nous réalisons un tiers de notre volume d'affaires avec des applications spécifiques à un business, que nous développons avec notre clientèle, un tiers sont des solutions génériques, qui peuvent être utilisées dans tous les business. Le dernier tiers de notre activité est lié à notre plateforme IoT Predix, qui permet à nos clients de développer eux même leurs propres solutions – ils en sont propriétaires à 100% - avec des outils faciles à utiliser. Au lieu de leur vendre du poisson, nous leur apprenons à pêcher.

Il est essentiel pour certains industriels de garder la maîtrise de leurs données et de les traiter avec des outils qui leur sont propres, car c'est là que résidera à l'avenir leur cœur de valeur. Ils ne peuvent pas se permettre de confier à une entreprise extérieure le traitement de data issues de leur core business.