Avec les hearables, l'avenir des wearables passe par les oreilles

Avec les hearables, l'avenir des wearables passe par les oreilles Des entreprises comme Sony, Bragi ou i.am +, la start-up du chanteur Will.i.am, développent des oreillettes dopées à l'IA. Un marché qui pèse déjà 2,5 milliards de dollars aux Etats-Unis.

Théodore déambule dans les rues de Los Angeles. Il a vissé sur ses oreilles une paire d'écouteurs pour discuter avec... un logiciel qui a la voix sexy de l'actrice Scarlett Johansson et dont il tombe follement amoureux. Cette histoire n'est pour le moment que le pitch du film de science-fiction Her. Mais les entreprises de la tech travaillent à en faire bientôt une réalité, en développant des "hearables". Ces wearables auditifs sont capable de communiquer avec leur utilisateur grâce à une intelligence artificielle dotée de fonctions de reconnaissance vocale.

En décembre 2016, Sony a lancé sa mono-oreillette Xperia Ear sur le marché. Elle permet de recevoir et de passer des appels ou des SMS, d'écouter la météo, le cours de la Bourse, d'obtenir en temps réel des indications sur le trajet à emprunter pendant une balade… L'objet connecté est équipé d'un micro qui capte les commandes vocales passées par son propriétaire avant de les transmettre en Bluetooth ou en NFC à l'application smartphone dédiée. Cette dernière, qui embarque le programme d'intelligence artificielle de Sony Voice Agent, traite les informations et pilote l'appareil. Xperia Ear est également dotée de fonctions cinétiques, qui permettent par exemple à son détenteur de prendre un appel en bougeant la tête de gauche à droite.

La mono-oreillette de Sony Xperia Ear est capable de guider en direct son utilisateur lorsqu'il est dans les transports. © Sony

"Cet appareil fait partie de la gamme Xperia, une famille de produits centrée sur les smartphones et l'IoT", souligne Olivier Terme, directeur marketing Sony France. Mais Xperia Ear et tous les hearables dopés à l'IA ne sont pas des objets connectés comme les autres. "Contrairement aux bracelets communicants, ils ne captent pas 100% de l'attention de leur utilisateur, qui peut s'en servir tout en ayant une autre activité. Il peut être dans les transports, au travail…", souligne Nikolaj Hviid, PDG de Bragi, une start-up qui s'est lancée sur ce segment de marché. Leur utilisation pourrait donc être beaucoup plus intensive que celle des wearables classiques.

Grâce à leur interface vocale, les écouteurs intelligents permettent par ailleurs de diffuser une quantité d'information nettement plus importante que les petits écrans des bracelets et autres montres connectées. Ils pourraient donc devenir une véritable alternative au smartphone dans la recherche et la diffusion de contenu, si le produit décolle.

"Ce segment d'activité est encore très jeune, nous allons probablement faire évoluer l'appareil en fonction des retours de nos premiers clients", reconnaît Olivier Terme, qui ne communique pour le moment pas sur les objectifs de vente de Sony. "Les hearables ont un fort potentiel, c'est pour cela que notre groupe s'est lancé très tôt sur le marché. Nous voulons prendre de l'avance sur nos concurrents et nous positionner comme un acteur de référence sur ce produit", complète-t-il.

La start-up Bragi a écoulé 100 000 hearables depuis février 2016 et espère conquérir plus d'un million d'utilisateurs d'ici deux ans

"Le secteur des hearables pèse aujourd'hui 2,5 milliards de dollars aux Etats-Unis et devrait croître rapidement. D'ici 2020, il pourrait générer dans ce pays plus de 15 milliards de dollars de chiffre d'affaires", estime Nikolaj Hviid. Sa start-up, créée en 2013 et basée à Munich en Allemagne, a lancé sa paire d'oreillettes intelligentes Dash en février 2016 et en a depuis écoulé 100 000. L'entreprise espère avoir conquis plus d'un million d'utilisateurs d'ici deux ans.

Ces écouteurs sagaces signés Bragi sont de véritables concentrés de technologie équipés chacun de 27 capteurs (détecteurs de mouvements, de température, de pulsations cardiaques…). Comme des trackers d'activité classiques, ils sont capables de réaliser des mesures pour les sportifs qui font du vélo, par exemple. "Nos oreillettes embarquent également un OS que nous avons développé tout spécialement. Il nous permet de mettre à jour tous les écouteurs que nous avons déjà vendus à distance lorsque de nouvelles fonctionnalités sont disponibles" explique le patron. Aujourd'hui, les hearables de Bragi sont dotés de quelques fonctions cinétiques (prendre un appel en bougeant la tête de gauche à droite par exemple) que l'entreprise veut développer davantage dans les mois à venir.

De haut en bas, la vedette de télé-réalité américaine Kendall Jenner, la star de la chanson Will.i.am et la mannequin Naomi Campbell font la promotion des hearables de i.am+. © i.am+

Pour atteindre ses objectifs, Bragi mise sur l'évolution des habitudes des consommateurs, qui ne sont pas forcément encore à l'aise avec l'idée de bouger la tête, apparemment sans raison, pendant qu'ils marchent dans la rue. "Les pratiques peuvent évoluer très vite. Cela fait seulement cinq ans que les écouteurs Bluetooth classiques, qui permettent de passer un coup de fil sans tenir son téléphone à côté de son oreille, sont sur le marché grand public. Aujourd'hui, dans les grandes villes américaines, plus personne n'est surpris de croiser un passant qui a l'air de parler tout seul", soutient Tomer Molovinsky, directeur marketing produit chez i.am+. Cette jeune pousse californienne créée en 2012 par le rappeur des Black Eyed Peas Will.i.am commercialise depuis quatre mois une paire de hearables baptisée Buttons.

Pour faire évoluer les mœurs le plus vite possible et rendre ses objets connectés désirables pour le grand public, l'entreprise a misé sur le design. "Les Buttons ont été pensés comme des bijoux d'oreilles, qui peuvent également être portés autour du cou, fixés sur une chaîne de collier grâce à un aimant. Les consommateurs qui achètent aujourd'hui des hearables sont essentiellement des hommes. Nous voulons convertir les femmes à cette nouvelle catégorie de produit. Pour l'instant cela fonctionne : 60% de nos clients appartiennent à la gent féminine", se félicite Tomer Molovinsky.

Espérant faire un maximum de bruit, Will-i-am a orchestré une campagne de communication avec en guest star la vedette de télé-réalité américaine Kendall Jenner, la mannequin Naomi Campbell et… lui-même. Pourquoi s'en priver ?