Pierre-Yves Hadengue (Leroy Merlin) "La voix sera la prochaine évolution technologique d'Enki"

Enki, la box domotique de Leroy Merlin servant à piloter les objets connectés de la maison, est au cœur de la stratégie IoT de l'enseigne de distribution. Son chief IoT officer détaille les prochaines étapes.

Pierre-Yves Hadengue, chief IoT officer chez Leroy Merlin. © Leroy Merlin

JDN. Vous venez de fêter les deux ans de votre box Enki. Qu'est-ce qui vous a poussé à vous intéresser aux objets connectés ?

Pierre-Yves Hadengue. Nous nous sommes intéressés à l'IoT il y a trois ans, dans le cadre de notre démarche interne "Vision d'entreprise", où nous analysons les tendances du marché. Il est apparu que les objets connectés représentaient un élément stratégique pour enrichir la relation client. D'autre part, cette technologie cache un enjeu économique : les produits non connectés sont voués à être abandonnés dans les années à venir. C'est pour cela que nous rendons communicants 50 à 70% de notre catalogue. L'IoT représente ainsi un relais de croissance et la direction m'a chargé d'élaborer une tactique dans ce secteur.

Quelle stratégie avez-vous élaboré ?

Nous avons voulu créer avec Enki la télécommande universelle pour les objets connectés de la maison. Il nous fallait une solution agnostique pour nous adresser au plus grand nombre. Nous avons choisi de nous concentrer sur le software, laissant le soin à nos partenaires de concevoir les objets connectés, NodOn par exemple fabrique nos produits en marque blanche. Notre stratégie est de proposer une solution offrant des cas d'usage utiles, avec des produits interopérables et à un prix abordable pour permettre une démocratisation de la maison connectée. Des experts de l'habitat et de l'habitant étudient les tendances. L'équipe d'Enki est composée de 55 personnes, alors que nous n'étions que sept il y a deux ans et demi, quand nous avons commencé le projet. Aujourd'hui, Enki fait le lien entre 200 produits de 17 marques, tels que Philips Hue, Legrand ou Netatmo.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans l'élaboration d'Enki ?

La plus grande complexité a été de comprendre le mode de fonctionnement de nos partenaires et de maîtriser leur technologie. C'est pour cette raison que nous avons mis en place une charte détaillant des processus à suivre dans le cadre de notre programme Work with Enki. Nous avons travaillé sur différents protocoles pour assurer l'interopérabilité, Enki en intègre cinq : le Wifi, le bluetooth, EnOcean, la fréquence 433 MHz et le Zigbee, adopté par de plus en plus d'industriels. A nos débuts, des techniciens de grands groupes nous avaient dit que l'on aurait que 1% de chance d'y arriver, cela nous a motivé et nous sommes fiers du résultat. Le deuxième sujet important a été de définir les moteurs de règles pour permettre aux utilisateurs de programmer leurs scénarii. Enki permet de régler autant de conditions que l'on veut, ce qui offre des possibilités plus large que IFTTT, focalisé sur les produits Wifi, qui ne représentent que 40 à 50% des objets connectés de la maison. Cela nous permet aujourd'hui d'avoir une stratégie commune avec Boulanger et Auchan, avec qui nous avons noué un partenariat en 2018.

"Nous projetons de développer les produits en lien avec le smart grid"

Quels sont les prochains chantiers à venir ?

La voix sera la prochaine évolution technologique d'Enki. Google Home sera disponible dans la box dans quelques semaines et Alexa à la rentrée. Nous sommes toujours en train de travailler avec Google et Amazon car nous voulons que les données restent dans la box. Si l'on n'intègre pas la voix, nous passerons à côté de beaucoup de choses. Par ailleurs, nous intégrerons un module radio RTS de Somfy à la rentrée. Nous allons aussi enrichir les possibilités de scénario. Dernière priorité 2019 : ajouter le réseau LoRa dans les fonctionnalités de secours, pour assurer une autonomie à Enki en cas de panne. A l'heure actuelle, Enki est commercialisée en France. Nous ne nous interdisons pas à l'avenir d'étendre le marché, en particulier à des pays tels que l'Espagne, l'Italie et la Russie.

Quelles perspectives vous offre l'IoT ?

L'IoT nous permet de rester en contact avec nos clients et de construire une relation plus conversationnelle. Nous organisons désormais des tables-rondes pour échanger avec les habitants sur leurs habitudes et nous sommes actifs sur les forums. Nous ne communiquons pas sur le nombre de box Enki commercialisées jusqu'à présent mais nous sommes très satisfaits des résultats. Nous affichons une progression de 30% sur le marché. Et les opportunités sont encore nombreuses : il y a plus de 28 millions de foyers en France et seuls 1 million d'entre eux sont connectés (selon une étude Xerfi, 1,77 million de logements disposaient d'un automatisme connecté en 2018, ndlr). Avec l'IoT, nous pouvons par ailleurs affiner la qualité de nos produits car nous avons désormais des informations sur leur fonctionnement et la manière dont ils sont utilisés. Nous projetons par exemple de développer les produits en lien avec le smart grid car le chauffage représente le premier marché parmi les quelque 800 objets connectés que nous commercialisons. Et les demandes sont nombreuses. Par exemple, une personne qui loue son appartement sur Airbnb peut avoir besoin de connaître les consommations de son habitat à une période donnée.

Est-ce que l'IoT vous permet également de vous adresser à de nouveaux marchés ?

Nous comptons nous développer sur le marché B2B, dans les secteurs de l'immobilier et de la mobilité. Nous réfléchissons avec Décathlon sur cette question. Car la maison connectée ne concerne pas que l'intérieur de l'habitat, mais aussi les moyens d'y parvenir. Le paiement à l'usage grâce à la connectivité fait aussi partie de nos pistes de réflexion. L'objectif est de développer de nouveaux services associés à Enki.

Pierre-Yves Hadengue est chief IoT officer chez Leroy Merlin depuis septembre 2015. Il a été nommé responsable du projet Enki pour définir les évolutions de ce produit placé au centre de la stratégie IoT du groupe.