L'IoT comme outil de surveillance des fissures

L'IoT comme outil de surveillance des fissures La technologie, utilisée dans la surveillance des ouvrages d'art, permet d'éviter dans le BTP les risques d'affaissement liés au développement de fissures.

Une douzaine de capteurs de fissures électroniques et une quarantaine de jauges mécaniques de l'entreprise française Feelbat équipent la faille du piton Maïdo à La Réunion depuis début avril 2022 pour en surveiller les fissures. De même, une série de capteurs de fissure, de tassement et des inclinomètres de la société française Socotec Monitoring, développeur et intégrateur de capteurs, vont instrumenter en juin prochain l'église de la Madeleine, à Paris, dans le même objectif. Dans le BTP, l'IoT affirme sa valeur dans la surveillance des fissures, notamment pour prévoir tout risque d'affaissement des bâtiments.

Cette surveillance des fissures est en enjeu "depuis longtemps, mais l'utilisation de l'IoT pour cet usage de diagnostic est nouvelle", constate Yassine Chafiq, directeur général adjoint chez Socotec Monitoring. La raison ? "L'instrumentation était déjà existante avec des procédés filaires pour faire transiter beaucoup de données. Les constructeurs de ces appareils ne les avaient encore jamais développés en IoT, car les capteurs sans fil sont plus contraints (par la taille des données, ndlr) avec cette technologie dans la transmission d'information", explique-t-il. De nouvelles offres sont néanmoins en train d'émerger. "L'IoT devenait indispensable car la surveillance de certains ouvrages d'art par des boîtiers câblés et reliés à un PC pour les paramétrer était ingérable", assure Jean-Christophe Habot, fondateur de Feelbat. Ce dernier a développé lui-même ses trois gammes de capteurs plug and play Delta en Sigfox il y a moins de deux ans. Résultat : il a réussi à séduire une centaine de clients en moins de six mois, à partir de son lancement en décembre 2021, et se spécialise dans le conseil.

20 000 capteurs IoT pour le Grand Paris

Des capteurs sont installés à intervalle régulier le long des 45 km de voies ferrées du chantier du Grand Paris. © Socotec

L'un des chantiers phares du secteur concerne le Grand Paris, un projet de longue haleine représentant pour Socotec Monitoring 45 kilomètres de voies ferrées et 13 tunnels à ausculter, par quelque 20 000 capteurs IoT installés. "Nous l'instrumentons depuis 2017 en ayant commencé par la ligne 15 puis la ligne 16. Les travaux évoluent progressivement avec des phases temporaires, d'où le besoin d'IoT sans fil. Il faut veiller à ce que le creusement du tunnel ne cause aucun risque d'affaissement ou d'inclinaison des bâtiments autour de son axe", explique Yassine Chafiq.

Ces capteurs de fissure, généralement normés IP66 pour résister à l'humidité, se caractérisent par leur grande précision. "Ils intègrent des technologies robustes. Notre jauge mécanique par exemple étudie les fissures sur trois axes, les parois sont suivies en temps réel sur l'application en fonction de leurs déplacements et de leur température (un des paramètres causant une fissure, ndlr)", indique Jean-Christophe Habot. Pour leur part, les ordres de grandeur en termes de précision pour la corde vibrante de Socotec Monitoring est du micromètre par mètre, et sur le capteur d'inclinaison LoRa de 0,005 degré de précision.

"Souvent, les clients économisent ces frais en prévention et font appellent à nous une fois que la fissure est déjà là"

L'enjeu pour ces acteurs est de démocratiser davantage le coût des capteurs pour les rendre accessibles lors de tous travaux. A titre d'exemple, Socotec Monitoring, qui vise les grands ouvrages d'art, commercialise ses capteurs pour 700 euros environ, un prix variable et sur-mesure selon les capacités et les projets. Feelbat, qui cible quant à lui principalement les petites collectivités, a fait le choix de les commercialiser à 299 euros pour son capteur électronique et 399 euros pour son capteur d'inclinaison afin d'être sûr que ses clients en installent suffisamment sur un chantier. "Il vaut mieux en poser davantage pour surveiller des travaux. Souvent, les clients économisent ces frais de surveillance en prévention et font appellent à nous une fois que la fissure est déjà là", constate avec regret Jean-Christophe Habot.

Pour Socotec Monitoring, qui développe actuellement un module d'acquisition en LoRa du capteur de contrainte à corde vibrante pour les infrastructures, les perspectives de marché sont énormes avec le développement de tunnels, de plateformes éoliennes offshores et des constructions pour les Jeux olympiques de 2024. Un avis partagé par Feelback, qui vise pour sa part les bâtiments et des petits ouvrages d'art peu surveillés. "La technologie ne se limite pas aux grosses infrastructures, il faut aussi surveiller les habitations, dès que l'on fait des travaux chez soi pour limiter les risques chez ses voisins", rappelle Jean-Christophe Habot, citant en exemple les balcons d'immeuble qui se sont effondrés à Bordeaux et Marseille. Aux Pays-Bas, il s'agit d'une obligation législative d'instrumenter ses travaux, par exemple le creusement d'une piscine. La technologie appliquée à la surveillance de fissure, jusqu'ici axée sur le BtoB, pourrait à terme devenir une solution BtoC avec des instruments indiqués dans le cadre de sa smart home.