Emmanuel Vacher (Lagardère Active) "Le mobile nous permet de recruter des visiteurs plus fidèles"

Avec plus de 4 millions de visiteurs uniques, Lagardère Active est le premier groupe média sur l'Internet mobile. Son directeur général adjoint détaille sa vision des mobiles et des tablettes.

JDN. Que représente aujourd'hui l'activité de Lagardère Active sur mobile ?

Emmanuel Vacher. Lagardère Active a rassemblé 4,2 millions de visiteurs uniques sur l'Internet mobile au premier trimestre 2011, selon Mediamétrie//Netratings, ce qui fait de nous le premier groupe média sur le mobile en France. Notre audience a progressé de plus de 25% par rapport au quatrième trimestre 2010. Nous disposons de près d'une vingtaine d'applications. Les plus populaires sont "Public" (339 000 visiteurs uniques en mars selon l'OJD, ndlr), Télé7 (476 000 VU), Sports.fr (232 000 VU), Europe1 (125 000 VU) et Elle (120 000 VU).

Comment expliquez-vous cette position sur le marché ?

Avant 2007, nous n'étions pas très avancés sur le mobile, même si nous disposions de quelques sites Wap. Mais le lancement de l'iPhone nous a permis de rebattre les cartes. Nous nous sommes lancés sur l'iPhone en décembre 2008 avec l'application du magazine "Première". Nous avons été pendant longtemps la seule marque média sur ce secteur, ce qui nous a donné une certaine avance. Notre application Sports.fr doit également sa place au fait qu'elle a été lancée assez tôt. Nous essayons d'exploiter au mieux cette avance.

Par ailleurs, je pense que la notoriété d'une marque pèse beaucoup plus dans un store d'applications que sur le Web fixe. Certaines de nos marques, comme Public ou Télé7 ont bien tiré leur épingle du jeu mobile par rapport au Web, où elles constituent des chaînes du portail Première.fr. En cela, le mobile est un produit plus proche du print que du Web.

"L'iPhone représente environ les deux tiers de notre audience"

Comment cette activité est-elle gérée en interne ?

Nous avons créé une équipe d'une dizaine de personnes, dont environ la moitié de développeurs, dédiée au mobile. Nous avons notamment développés en interne des composants transverses à nos applications, comme des outils statistiques ou de gestion d'alertes en push, afin de régler des problématiques communes à toutes nos marques. Nous faisons également appel à des prestataires externes. Nous ne produisons pas de contenus exclusifs mais optimisons nos contenus pour le mobile.

Que représente l'iPhone dans votre audience mobile ?

Environ les deux tiers, ce qui n'est pas exceptionnel par rapport à d'autres éditeurs. Nous constatons clairement la poussée d'autres plates-formes, comme Android, dont le démarrage a été long mais qui se dégage fortement aujourd'hui ou Bada de Samsung, dont la présence est également significative. Pour la première fois en mars, nous avons enregistré moins de téléchargements d'applications iPhone que sur l'ensemble des autres OS réunis.

Vos applications sont-elles toutes disponibles sur les autres OS ?

Non. Nous essayons de développer pour chaque plate-forme les marques qui sont les plus en adéquation avec ses utilisateurs. Sur Android par exemple, que nous percevons comme étant davantage utilisé par une cible plus jeune et plus "geek" que sur iPhone, nous avons lancé nos applications Public, Sports.fr, Virgin Radio et RFM. Nous avons également décliné notre application Elle sur BlackBerry, Ovi et dans une version plus communautaire, sur Windows Phone 7. Nous essayons d'avoir au moins une application "sonde" sur chaque plate-forme pour mieux comprendre comment les aborder.

"Nous lancerons l'application Télé7 sur iPad mi-mai"

Par rapport au Web, que vous apporte le mobile ?

Le mobile permet notamment de recruter des visiteurs plus fidèles que sur le Web, où un site est en compétition permanente avec les autres. Lorsqu'une personne achète un smartphone, elle a tendance à télécharger beaucoup d'applications qu'elle n'utilisera probablement pas, ce qui la pousse à un moment où à un autre à faire le ménage et entraîne pour les éditeurs un taux d'attrition assez fort. Mais si votre application demeure après ce ménage, vous êtes à peu près sûr de gagner un utilisateur fidèle. Il n'est pas rare de constater que des utilisateurs possédant sur leur téléphone une application depuis plus d'un an l'utilisent tous les mois. En moyenne les utilisateurs de notre application Public réalisent par exemple 10 visites par mois, ce que nous n'avons pas sur le Web fixe.

Et l'iPad ? Vos applications mobiles ont-elles toutes vocation à voir le jour sur cette tablette et inversement ?

Nous avons inauguré notre présence sur iPad avec l'application Paris Match. Nous avons ensuite lancé des applications Elle à table, Journal du Dimanche et Gulli. Sur ce point, la taille de l'écran est déterminante pour le choix des applications. Après l'avoir lancé sur iPhone, nous préparons le lancement de l'application Télé7 sur iPad pour la mi-mai car nous estimons que ce service à sa place sur un écran comme celui de l'iPad. En revanche il y a peu de chances qu'une marque comme Paris Match telle qu'elle existe aujourd'hui sur iPad voit le jour sur mobile. Il serait notamment difficile d'y proposer la même expérience de lecture et de donner autant de place à la photo.

Que représentent vos investissements d'acquisition de trafic sur mobile ?

Depuis décembre 2008, nous n'avons réalisé quasiment aucun investissement en achat de trafic sur mobile, à l'exception de quelques tests. Notre acquisition est à la fois naturelle et basée sur l'autopromotion.

"20% de nos revenus sur mobile sont issus de services payants"

Comment commercialisez-vous l'inventaire mobile du groupe ?

Toutes nos applications sont commercialisées en interne, mais nous continuons à externaliser la monétisation de nos sites Wap. Notre objectif est de développer les offres multicanal sur nos marques, ce que nous faisons déjà par exemple avec Public. Une campagne sur quatre que nous diffusons est déjà au moins bi-média. Le mobile multiplie les occasions de visites et les tablettes multiplient les durées des visites. Publicitairement nous pensons que ces deux écrans peuvent avoir un certain impact publicitaire.

Que représentent les revenus tirés du mobile pour Lagardère Active ?

Ils sont encore marginaux comparés à l'ensemble des revenus du groupe, un peu moins par rapport à l'ensemble de nos revenus tirés du numérique. Cela étant dit, ils progressent rapidement étant donné que cette activité est encore récente. Nous avons fait plus de 100 % de croissance de notre activité mobile entre 2009 et 2010 et nous pensons que cette activité sera rentable au cours du quatrième trimestre de cette année. Nous avons encore une marge de progression non négligeable cette année.

La publicité n'est pas votre unique source de revenus sur le mobile...

Nous avons développé des services payants sous forme d'achats intégrés pour plusieurs de nos applications afin de disposer d'un modèle mixte, plus solide que la seule publicité. Nous avons notamment lancé un service de coaching pour Psychologies ou un service de tarot pour Elle Astro et Be. C'est assez délicat à mettre en place car il faut que le service proposé soit en réelle adéquation avec la marque qui le propose. Nous sommes actuellement dans une logique de test et ces services payants représentent aujourd'hui environ 20 % de nos revenus sur le mobile. Nous pouvons faire plus.

Où se situe l'équilibre idéal dans ce modèle mixte ?

Dans la presse, la publicité représente environ 50 % des revenus. Sur Internet, elle représente quasiment 100 %. Sur le mobile, notre objectif est de trouver un meilleur équilibre. Je pense par ailleurs qu'il est plus facile de tirer des revenus de services payants sur tablettes que sur mobile. La possibilité de proposer des abonnements récurrents, que ce soit à des services ou à des titres pourra peut-être aussi redonner un peu d'espoir concernant l'avenir d'un modèle payant.

Emmanuel Vacher est directeur général adjoint du Numérique de Lagardère Active. Il pilote, pour l'ensemble des marques du groupe, le développement des revenus issus des nouvelles plateformes (Mobiles, tablettes...) ainsi que business B2B principalement concentré sur Newsweb dont il est le président du directoire depuis décembre 2008. Agé de 43 ans, diplômé de l'ESC Tours, Emmanuel Vacher a débuté sa carrière en 1992 dans le Groupe Alcatel ou il a été successivement ingénieur commercial puis chef de marché. Il entre chez France Telecom en 1995 ou il œuvre au développement international de l'activité mobile. Nommé directeur du business développement d'Orange France en 2000, il en devient le directeur du marketing multimédia en 2005 avant de rejoindre en 2007 la direction numérique de Lagardère Active comme directeur marketing et commercialisation.