Comment je suis devenue millionnaire grâce au net... sans rien y comprendre Du FAI Internet Plus au moteur de recherche francophone Lokace

[JDN] L'aventure d'Orianne Garcia, Alexandre Roos (son conjoint) et Christophe Schaming dans l'Internet débute en 1995. Ils fondent alors Internet Plus, un des premiers FAI grands publics.

"Très vite, avec Alex et Christophe, nous réalisons que nous avons placé un peu haut nos ambitions. Trop petits, nous ne parviendrons jamais à prendre une place significative sur le marché de la fourniture d'accès, face à des poids lourds comme France Télécom et quelques autres, qui finiront bien par nous écraser un jour ou l'autre. Pour grandir sur ce créneau, il faut d'importants moyens qui nous paraissent inaccessibles. Et il faut surtout proposer et assurer un support client de qualité pour pallier les incessants soucis de kits de connexion défectueux, de boîte mail encombrée, de modem qui n'accroche encore et toujours pas la porteuse... service client bien évidemment disponible 24 heures sur 24, comme Internet... Autant dire que c'est impossible pour nous, hors de portée matériellement, et pas très rigolo à faire pour tout avouer.

Comme les ordinateurs, je suis multitâches. C'est-à-dire que je m'occupe de graver des disquettes pour les kits de connexion, de construire l'argumentaire marketing et d'affiner la politique de prix, de commander du papier à en-tête et des cartes de visite, de me coltiner les relations avec Transpac, de me trimballer jusqu'aux Ulis chez US-Robotics pour négocier gratuitement le remplacement de modems endommagés, de gérer nos deux employés dédiés, de répondre au support client après 18 heures, de faire du lobbying à l'Afpi, tout ça pour quoi ? Une poignée d'abonnés, certes sympathiques mais malheureusement trop peu nombreux et trop peu rentables.

Il nous faut donc trouver autre chose, ou bien tout arrêter. En novembre 1995, j'écris solennellement à ma mère pour lui annoncer que nous avons mis au point un outil révolutionnaire : Lokace. Après avoir essuyé les plâtres avec ce que nous considérions comme la base de l'internet, à savoir la fourniture d'accès, nous avons la sagesse de nous pencher sur les usages du web. L'infrastructure, ce n'est pas pour nous, on a certainement mieux à faire dans les services. C'est ainsi que nous nous rendons assez rapidement compte que nous n'utilisons que des outils de recherche américains, comme Yahoo! ou AltaVista, et pour cause : il n'en existe pas en français ! Mais oui, c'est évident, c'est ce genre de service qu'il faut proposer ! On maintient l'activité d'Internet Plus à un niveau acceptable économiquement et on se lance alors, en parallèle, dans le développement. Il s'agit du tout premier moteur de recherche de sites francophones. Rien à voir avec Yahoo! et sa base de données enrichie à la main, notre outil, lui, est au-to-ma-ti-que.

Lokace ? Notre extraordinaire petite société est constituée schématiquement de deux programmes. Le premier, appelé le robot ou "crawler", arpente le web en permanence en suivant les liens hypertextes des pages. L'image d'un petit robot nageant le crawl dans l'immensité de l'internet est assez amusante. Dans un second temps, notre "crawler" indexe toutes les pages trouvées dans une grosse base de données. Un autre programme, le répondeur, comme son nom l'indique, répond aux requêtes des internautes, même les plus farfelues, en allant piocher dans la grosse base de données. L'enjeu est qu'il soit le plus pertinent possible.

Le succès est immédiat... au Québec ! En France, l'emballement met un peu plus de temps à se produire. Mais nous obtenons le soutien d'estime du secrétariat d'Etat à la Francophonie, c'est déjà ça."