Benoist Grossmann (Idinvest Partners) "Raboter le capital risque français, c'est casser tout un écosystème"

Affichant un taux de retour sur investissement de 25 %, Idinvest Partner est l'un des plus gros fonds d'investissement français. En charge des investissements IT, Benoist Grossman décrypte l'écosystème des start-up.

JdN. Quel montant gère Idinvest Partners et sous quelle forme ? Quelle rentabilité affichez-vous ?

Benoist Grossmann. Idinvest est une ancienne captive d'Allianz et gère au total 3 milliards d'euros dont 2,2 en fonds buy-out, autrement dit en fonds de fonds. 800 millions d'euros sont destinés au capital risque, nous permettant d'investir 70 millions d'euros par an dont 20 % dans le domaine de la santé, 20 % dans le domaine du développement durable et le reste dans les technologies de l'information où Internet représente la moitié des opérations. Dans notre activité de capital-risque, Idinvest gère des produits fiscaux qui sont principalement des FCPI, mais très peu de FCPR. Leur durée d'investissement est de deux ans et leur durée de vie de dix.

Aujourd'hui nous affichons un taux de retour sur investissement de 25 % sur notre portefeuille IT. Il est d'environ 15 % dans le domaine de la santé. Nous sommes assez éclectiques et nous pouvons rentrer tant en amorçage, souvent seuls, ou encore dans des tours suivants, en co-investissement.

Comment se compose votre portefeuille e-business ? Quels secteurs vous semblent les plus porteurs ?

Nous détenons 25 % du spécialiste du reciblage publicitaire Criteo et nous avons aussi investi dans Deezer, Ifeelgoods, Sarenza, Winamax, Webedia (Purepeople, ndlr) et Viadeo. Récemment nous avons injecté 2,2 millions d'euros pour détenir 25 % d'Ezakus, une start-up spécialisée dans le social profiling. Nous croyons beaucoup à l'écosystème Facebook, raison qui nous a poussés à investir dans les spécialistes de social gaming Kobojo et Pretty Simple. Je trouve que Facebook a la capacité de créer de nouveaux marchés jusque là inexistants. Nous nous penchons également sur les nouveaux formats publicitaires ainsi que sur les applications mobiles géolocalisées.

Comment choisissez-vous vos start-up ?

Nous agissons comme des chasseurs de tête à la différence que nous avons un gros carnet de chèque. On investit donc dans l'entrepreneur d'abord car il n'y a pas de bons et mauvais projets mais j'estime qu'il existe de bons et de mauvais entrepreneurs. On est là pour les soutenir tant au sens financier que psychologique. Il y a rien de pire pour un entrepreneur que son actionnaire lui dise que sa société ne va pas. Il y vit jour et nuit et est forcément au courant de la situation. Notre métier, c'est de le rassurer, de le mettre en relation avec des personnes capable de l'aider.

La chasse aux niches fiscale s'est intensifiée en 2011, comment réagissez-vous ?

On s'est fait raboté l'an dernier et cela risque d'être la même chose l'an prochain. Il y a des chances que l'avantage fiscal des FCPI qui est aujourd'hui de 22 % passe l'an prochain à 20 %. C'est pourtant une niche fiscale qui ramène de l'argent, qui crée de la valeur. Mais l'Etat juge que cela ne permet pas de générer des impôts sur les revenus supplémentaires... Je reste persuadé que c'est l'innovation qui crée de l'emploi. Bien que fortement critiqué par le passé, l'environnement fiscal français des FCPI ou des FIP fait que nous avons une industrie du capital risque qui marche. En Allemagne, il y a par exemple très peu de fonds d'investissement. Ici nous avons mis 10 ans à bâtir un écosystème et il a donné naissance à une trentaine de fonds. Casser cette dynamique, c'est casser ce qu'on a mis 10 ans à créer.

Quels reproches faites-vous à l'Etat ? La France est-elle si terrible avec les start-up ?

Ce que je trouve insupportable, c'est de changer les règles du jeu en cours de route. On devait commercialiser les FCPI en avril et le 15 Bercy nous dit que l'ISF allait être réformée, que la déclaration est repoussé au mois de septembre. Par ailleurs nous avions avant deux ans et demi pour investir dans un FCPI puis cette durée est ensuite passée à 16 mois etc. J'estime que bien qu'il soit nécessaire d'apporter parfois certaines réformes, les règles doivent avoir une durée de vie à long terme.

Les grands groupes ne créent pas d'emploi. Il faut donc favoriser les petites sociétés et encourager les aides à l'innovation. Entre le statut Jeunes entreprises innovantes, le Crédit d'impôt recherche, le capital risque ou encore les garanties de dette Oséo, notre pays reste quand même propice aux start-up. J'aime aussi dire que le premier financeur d'une jeune pousse est Pôle Emploi. On peut toucher ses Assedics pendant un an pour créer sa société. Je trouve cela formidable.

Titulaire d'un doctorat en physique de l'Université Pierre et Marie Curie, Benoist Grossman a travaillé pour la NASA entre 1984 et 1990. Il reprend ses études en 1993 et sort diplômé de l'IEP de Paris un an plus tard. En 1988, il intègre en tant qu'associé le fonds d'investissement de Vivendi, Viventures Partners, qu'il quitte en 2002 pour devenir Managing Director chez Idinvest Partners.