Bonnes feuilles : cybercriminalité et contrefaçon Le poids des groupes de pression

"3- L'importance des lobbies

Une convergence sur une approche juridique, économique et sécuritaire

L'importance des lobbies, et en particulier des puissantes associations UNIFAB, Comité Colbert en France ou MPAA aux États-Unis, est en effet centrale dans le dispositif anticontrefaçon en relation avec internet. Si aucun travail universitaire ou journalistique n'existe dans le cas français, au terme de l'analyse menée dans cet ouvrage, plusieurs remarques peuvent être faites.

En France, la proximité entre le monde politique et ces lobbies se fait avant tout par une convergence de vue autour de l'univers juridique. Cette juridiciation croissante profite donc bien évidemment au milieu des juristes et en particulier aux avocats impliqués. Cela n'aide pas à la clarté du débat qui tend à s'orienter vers une juridiciation de plus en plus complexe mais en grande partie déconnectée des défis réels, économiques et technologiques.

La contrefaçon sur internet s'apparente avant tout à un enjeu capitalistique et on peut aussi se demander dans quelle mesure le déplacement du débat sur un plan plus politique ne vise pas à mobiliser les décideurs dans une orientation prédéfinie par les lobbies en question. La rareté des sources d'information et le déficit d'expertise mobilisée, combinés à un manque de compétences de nombreux politiques sur ces sujets complexes, peuvent amener à soupçonner des arrière-pensées plus globalement commerciales que la simple lutte anti-contrefaçon. Le débat entre Google ou eBay et LVMH ou L'Oréal, par exemple, s'apparente tout autant à une lutte pour la maîtrise exclusive d'un réseau de distribution qu'à l'importance de la contrefaçon stricto sensu dont les nombreuses ambiguïtés ont été démontrées. La mobilisation des politiques viserait donc en grande partie à faire perdurer des rentes capitalistiques plutôt qu'à rationnellement lutter contre un phénomène dont l'évaluation tout comme l'impact restent aléatoires. Les décideurs politiques reprennent par ailleurs généralement tels quels et sans questionnement les arguments (pertes d'emplois, dangerosité des produits, etc.) des lobbies impliqués (235)."

(235) Dominique Chapuis, " La France s'apprête à durcir son arsenal anti-contrefaçon ", Les Echos, 18 septembre 2009.