Revivez les débuts de Yahoo, Paypal, Craigslist et Apple Paypal : Max Levchin, fondateur (2/2)

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Max Levchin © ESF éditeur

J. Livingston : Quand vous êtes-vous dit pour la première fois : " Ça y est, ça marche " ?

M. Levchin : Bob et moi avons développé un pack logiciel qu'on a appelé IGOR. Plusieurs de nos programmes avaient des noms russes, il fallait qu'ils commencent par I et qu'ils fassent quatre lettres. C'était un critère que j'avais inventé. Il y avait IGOR, INGA, IVAN et au moins deux autres que j'oublie. Donc, on avait ce pack - aujourd'hui, nous avons déposé un brevet dessus -qui était très impressionnant. Il se basait sur tout un tas d'intuitions et de choses qu'on avait plus ou moins devinées et il se trouve qu'on avait vu juste. Nous avions une équipe d'enquêteurs, vingt ou trente personnes employées à essayer de démêler les plus grosses escroqueries pour voir s'il était possible de récupérer une partie de l'argent, ou bien de mettre le FBI aux trousses des escrocs.

Cela ne nous réussissait pas vraiment de lancer des agents de recouvrement après les escrocs, donc nos employés essayaient surtout de découvrir où l'argent était parti et de voir si nous pouvions remettre la main dessus avant qu'il ait quitté notre système. C'était assez difficile parce que les outils dont nous disposions à ce moment-là permettaient seulement de visualiser un petit nombre de comptes à la fois. Dans le cas d'une escroquerie bien montée, répartie sur des milliers voire des centaines de milliers de comptes à la fois, on n'avait aucune possibilité de comprendre ce qui se passait.

Une fois tous ces outils prêts à l'emploi, il y a eu un grand moment d'émotion. [...] Donc clairement, on se débrouillait de mieux en mieux. [...] En conjuguant nos efforts, nous avons réussi à résoudre le problème en un an à peu près.

Le système de paiement d'eBay marchait mal

J. Livingston : Qu'est-ce qui vous a le plus surpris ?

M. Levchin : Tout était surprenant. Je n'ai cessé d'apprendre des choses dont je ne soupçonnais même pas l'existence. Le plus grand choc, c'est que la société soit devenue aussi importante. Je n'avais jamais pensé qu'elle pouvait grossir à ce point. Je crois même que j'ai dit à Peter : "Si jamais on se retrouve à vingt-cinq employés, je démissionnerai sans doute, parce que je préfère les petites boîtes". Quand on en a reparlé, j'avais déjà raté le coche, on avait soixante-quinze employés. Il m'a dit : "Tu devrais rester jusqu'à ce qu'on soit cent, on verra ce qui se passera à ce moment-là". Le temps qu'on en reparle, la société comptait mille salariés.

J. Livingston : Est-ce que les choses ont radicalement changé quand PayPal a été racheté ?

M. Levchin : Souvent, dans le cas d'un rachat, on prévoit des synergies à partir de calculs nébuleux : en combinant mes actifs et les vôtres, on doit pouvoir se débarrasser de tant de personnes, de tant de matériel. C'est un discours très pénible à entendre, mais c'est exactement pour cette raison que des sociétés sont rachetées ! Si les gens d'eBay nous ont rachetés, c'est que, pendant un certain temps, ils avaient leur propre système de paiement, qui marchait mal. Ils avaient un département de soixante-cinq personnes qui travaillaient sur leur système appelé Billpoint. Ils s'en tiraient très mal. Bien qu'eBay ait racheté Billpoint et en ait fait leur solution de paiement officielle, on les surpassait en tout point. Ils ont fini par subir ce qui leur pendait au nez quand eBay nous a rachetés et leur a annoncé qu'on allait les licencier. C'est douloureux, je n'aurais pas du tout voulu être à leur place. Apprendre qu'on va être licenciés et remplacés par ceux contre qui on s'est battus pendant si longtemps, que la maison mère a capitulé et les a rachetés eux...