Freddy Mini (CEO de Netvibes) "Notre objectif est que Netvibes prévoie ce qui va se dire sur la Toile"

Freddy Mini, CEO de Netvibes, dresse un bilan de la stratégie BtoB du service et de sa croissance à l'international.

Quel est aujourd'hui le business model de Netvibes ?

Nous sommes sur un modèle Freemium et BtoB. En 2008, devant la perspective de ne plus avoir d'argent dans les caisses, nous avions deux solutions. Soit nous réalisions une deuxième levée de fonds, ce que nous ne souhaitions pas. Soit nous commencions à monétiser le service. Cela signifiait passer d'un beau concept à un beau business. C'est ce que nous avons fait en développant notre offre de Dashboard Intelligence à destination des entreprises. Nous commercialisons cette version premium pour business à 15 000 euros pour la mise en place de l'extranet, plus 1 500 euros par dashboard, ainsi qu'une version pour entreprise dont le prix dépend de la configuration choisie.

Qu'est ce que cette version premium a de plus et comment les entreprises l'utilisent-elles ?

Les dashboards payants offrent beaucoup plus de possibilités, notamment grâce à cette notion de dashboard intelligence. En effet, la version premium comporte une partie analyse de contenu qui n'est pas présente dans la version gratuite. Une entreprise va ainsi pouvoir savoir si ce qui se dit sur un sujet est négatif ou positif, notamment sur sa marque. Nous offrons ainsi aux entreprises, qui ont rarement le temps de tout lire, une analyse rapide du Web.

Autre fonctionnalité, nous avons également intégré un outil de Smarttagging qui fait du dashboard un outil de partage collectif au sein d'une organisation. Cet outil va ainsi permettre par exemple à un collaborateur de tagger une source comme "opportunité"  et d'attirer ainsi l'attention de ses collègues sur ce contenu. Les versions premium offrent également un système très sophistiqué d'alertes qui mettent vos dashboards en pilote automatique pour vous aider à prendre rapidement les bonnes décisions au bon moment. Enfin, les versions premium sont personnalisables par nos soins selon les demandes de nos clients.

Quelle est votre méthode pour savoir si ce qui se dit est positif ou négatif ?

En fait, nous utilisons la même méthode que le moteur anti-spam de votre boite e-mail. Pour faire simple, nous nous servons des sites comportant des "ratings" [avis d'utilisateur, ndlr], comme Expedia, Amazon ou encore Allociné, afin de nous aider à détecter si des commentaires sont positifs ou négatifs. Notre système va ainsi apprendre d'une très grosse quantité de ces phrases et du rating associé à chacune d'elles. Nous utilisons également le contexte de la phrase pour nous aider. Par exemple si nous savons que deux mots qui apparaissent ensemble dans une même phrase forment une connotation négative, alors notre algorithme nous informera que le contenu est négatif.

Qui sont vos clients et dans quels pays réalisez-vous la plus grosse part de votre chiffre d'affaires ?

Nos clients sont des entreprises de toutes tailles, ainsi que des agences de communication/ RP, qui peuvent utiliser nos dashboards afin de faire des reportings à leurs entreprises clientes. En France, je peux vous citer Orange, PagesJaunes ou encore Emakina et Welcom. Aux Etats-Unis, nous comptons parmi nos clients L'Oreal, le ministère de l'Energie ou encore Digitas et Universal McCann.

Notre premier pays en termes de revenus est les Etats-Unis, suivi de la France et du Royaume-Uni. En termes d'opportunités, nous suivons de près l'Allemagne et le Canada. Nous avons également des clients dans d'autres pays comme l'Australie, le Brésil, la Russie, le Mexique, etc. Nous comptons aujourd'hui 200 clients et la société est rentable depuis le dernier trimestre 2009.

Pourquoi avoir conservé une offre gratuite suite à l'apparition de l'offre B to B ?

Simplement parce que notre modèle est un modèle freemium. Autrement dit, nous utilisons notre version gratuite pour façonner notre image et gagner de nouveaux clients, en espérant que ces derniers passeront un jour à la version premium, plus évoluée. A ce propos, je vous signale qu'à aucun moment nous n'avons trahi nos utilisateurs en diffusant de la publicité ou en commercialisant des données clients, même lorsque nous n'étions pas rentables.

L'audience de Netvibes en France comme aux Etats-Unis est en diminution entre 2010 et 2011, selon Mediametrie//NetRatings et Compete.com. Comment l'expliquez-vous ?

C'est faux. Je peux vous assurer que mon trafic est resté constant entre ces deux périodes. La seule explication que je vois à vos données serait que nous utilisons différents noms de domaines pour nos connexions clients. Peut-être n'ont-ils pas été pris en compte dans ce calcul. Et pour être honnête, il fut un temps où il était important de dire que vous aviez un gros trafic sur votre site. Mais aujourd'hui ce n'est plus le cas et cela ne change rien à mon chiffre d'affaires.

Quel est l'avenir de Netvibes ?

Nous avons plein de projets et d'idées pour développer le service. Tout d'abord nous allons continuer à améliorer nos dashboards, afin d'offrir plus de confort et plus de mobilité à nos utilisateurs. Ensuite et surtout nous allons continuer à développer l'intelligence de nos dashboards. Nous sommes actuellement sur un niveau d'intelligence 1 où nous analysons ce qui se dit. Nous souhaitons passer au niveau d'intelligence supérieur, en permettant à nos clients de comprendre pourquoi un phénomène est arrivé. Enfin, nous voudrions également développer une technologie d'un troisième niveau d'intelligence, qui permettrait de prévoir ce qui va se dire sur la Toile.

Avec le nombre de données que vous agrégez chaque jour, pourquoi ne pas les utiliser pour vous diversifier ?

Nous nous sommes effectivement posé la question. Nous pourrions utiliser ces données pour réaliser des études de marché, par exemple, mais en faisant cela nous deviendrons alors un éditeur de contenus, ce que nous ne souhaitons pas. Nous désirons rester un agrégateur et un fournisseur de technologie. Nous avons pris l'habitude de publier un dashboard public tous les mois, orienté sur un sujet donné et qui est en consultation publique sur notre site, mais nous n'irons pas plus loin.

En tant que Français expatrié aux USA, pensez-vous que le prochain Facebook peut venir de France et quels conseils donneriez-vous aux futurs entrepreneurs ?

Je pense que les entrepreneurs français sont de vrais créatifs et possèdent d'énormes capacités. Néanmoins, le conseil que je leur donnerais serait de ne pas se définir comme une entreprise française mais dès le départ comme une entreprise globale. Même pour les Américains, qui ont pourtant une taille de marché suffisante, je pense que c'est un danger. Concrètement, je conseillerais aux web-entrepreneurs français de développer dès le départ leur produit en anglais et, s'ils en ont les moyens, d'ouvrir des bureaux à l'international afin d'être au plus près de leurs clients. Il ne faut pas avoir honte d'être Français, au contraire, mais il ne faut pas se limiter au marché hexagonal.

Cofondateur de Musicme (2005/2006), Freddy Mini a été président de Ziff-Davis France (1999/2000). Il a par ailleurs été vice-président et directeur général de Cnet Europe Networks entre 2000 et 2003. Il est CEO de Netvibes depuis juillet 2006.