"Pour réussir un site, il faut intégrer l'ergonomie dès le départ"

A l'occasion de la remise des trophées de l'ergonomie, Laure Sauvage fait le point sur les tendances de 2009 en matière de conception de site. 3D, widgets, Web 2 : ce qui est utile et ce qui ne l'est pas.

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Laure Sauvage, Responsable du pôle ergonomie de Benchmark Group © JDN

Quels sont les points d'ergonomie sur lesquels les sites se sont fortement améliorés en 2009 ?

Laure Sauvage. La notion de simplicité est de plus en plus prise en compte. Les sites ont compris que cela ne sert à rien de mettre des tonnes d'éléments et de liens sur leur page d'accueil. La home du site corporate de Danone en est un très bon exemple: allégée, simplifiée, elle en est presque trop "light". J'ai l'impression que les équipes internes arrivent à s'organiser pour ne pas tous figurer en même temps sur la home, et arrivent à animer le site chacun à son tour.  

Autre tendance de fond, les fiches produits adoptent enfin une bonne structure. L'information produits est mieux hiérarchisée et organisée. La bonne recette c'est de montrer d'abord l'essentiel : une photo de qualité, des zooms efficaces, une vraie zone d'ajout au panier. Ca suffit pour le haut de page, n'en mettez pas plus. Regardez les fiches produits de Promod par exemple, de véritables modèles. Les informations et détails techniques se placent en dessous. Il y a encore quelque temps, on voulait tout tasser en haut de l'écran mais on se rend enfin compte que cela va à l'encontre de l'efficacité. 

Et qu'est ce qui ne s'est pas amélioré en 2009 ? 

Tout simplement les sites qui n'ont pas suivi les tendances dont je viens de parler, et ils sont nombreux ! Si vous avez un site fouillis dont la navigation est construite à partir de profils marketing et non de profils d'utilisateurs, vous faites partie de cette catégorie. Mais vous pouvez vous améliorer ! 

Alors comment améliorer l'ergonomie de son site ? 

Tout d'abord, les éditeurs ont compris à quoi servait l'ergonomie et que c'est un élément important à prendre en compte. La problématique a changé. Il ne s'agit plus seulement de réaliser le bilan d'un site pour confirmer après coup qu'il est mal conçu. Désormais, l'ergonomie est intégrée en amont, dès le début, pour réaliser un site réussi. On se focalise ainsi autant sur l'ergonomie que sur le graphisme et les contenus. Vuitton, par exemple, a été précurseur sur cette façon de faire.


Le raisonnement ergonomique doit primer sur une segmentation marketing des visiteurs. Les profils marketing (les femmes de 35 à 45 ans, les jeunes filles de 15 à 25 ans...) utilisés pour les business plans ne sont pas adaptés lorsqu'il s'agit de concevoir la structure d'un site. Ce qu'il faut faire, c'est déterminer la façon dont l'internaute navigue sur le site, en prenant bien en compte ses objectifs, le pourquoi de sa visite. L'objectif est de créer un site avec différents modes de navigation, adaptés à chaque profil d'utilisateur.


Ensuite, dès que le développement commence, il faut travailler sur le zoning [les différentes zones d'attention composant la page, NDLR] des pages, s'assurer qu'il est bien pensé et compris. Par exemple, il ne faut pas considérer comme un acquis le fait de placer un produit ou une promo en page d'accueil. Cela dépend des besoins des internautes. Peut-être ne cherchent-ils pas un produit spécifique ou une promo en venant sur le site mais un conseil, une aide au choix ?
Enfin, il faut créer la navigation et la tester sur des maquettes. 

Est-ce-que finalement tout le monde ne crée pas les mêmes sites pour respecter les mêmes règles d'ergonomie ? Peut-on concevoir un site ergonomique et original ? 

En un mot : oui. Bien sûr, il y a des règles de base ergonomiques sur lesquelles il faut s'appuyer pour que le site soit utilisable. Un menu de navigation, une zone de recherche, par exemple.
Mais on peut créer une expérience utilisateur différente en travaillant sur des outils de navigation innovants, en plus des outils de base, pas en les remplaçant. La page d'accueil de Spartoo le démontre. Le site propose une barre de navigation par produit, très classique, facile à comprendre. Le moteur de recherche est bien présent. Mais le site se distingue avec une troisième entrée, par style: casual, sport, chic, fantaisie... 

L'un des buzz words de l'année 2009 pour le e-commerce a été la 3D. Les levées de fonds de prestataires technologiques et les annonces de marchands se sont succédées. Alors bonne ou mauvaise idée ? 

Je pense que la technologie n'est pas assez aboutie pour être mise en avant. C'est encore expérimental. Parfois le plug-in ne se charge pas ou demande de nombreuses autorisations, cela demande un profil particulier. Et, au final, c'est aussi parfois décevant, on s'attendait à mieux. Il faudra donc que la 3D soit vraiment plus aboutie pour s'adresser au grand public. Dans ce cas, le côté ludique pourra être un vrai plus. 

Les widgets ont fait "pschiit ". Est-ce mérité ? 

L'idée de l'outil est intéressante mais la façon dont elle est mise en oeuvre pas du tout ! Une question de base en ergonomie c'est: l'outil est-il utilisable, c'est à dire l'utilisateur va-t-il réussir à l'utiliser, et est-il utile, c'est-à-dire sert-il à quelque chose ? Pour les widgets, certains ne sont pas utilisables et le plupart ne sont pas utiles, ils ne servent à rien. D'où le peu d'intérêt réel qu'ils suscitent.


Je pense que ce genre d'outil peut être intéressant lorsqu'il y a du temps réel. Par exemple le widget de Vente privée permet de se tenir au courant des ventes. Comme il y en a de nouvelles chaque jour, c'est utile. N'oubliez pas que l'internaute n'est pas téméraire, il ne va pas installer un logiciel lourd et complexe s'il n'en perçoit pas clairement la valeur ajoutée. 

Le Web 2 est arrivé à maturité, quels usages pour les marques ? 

Lorsque l'on parle de Web 2, j'entends essentiellement les technologies qui soutiennent le Web 2, l'Ajax essentiellement. Il y a des choses extrêmement intéressantes. J'en vais en citer trois.

L'auto complétion, fonctionne très bien pour les zones de formulaires. L'internaute tape quelques lettres et le site affiche les propositions les plus pertinentes. C'est très utile car cela évite de générer des listes de résultats de recherche très compliquées et parce que cela force à faire un choix des éléments que l'on va mettre dans l'auto complétion, donc à hiérarchiser.


La validation à la volée permet, au fur et à mesure, qu'un utilisateur remplit un questionnaire de lui indiquer si les éléments qu'il a saisis sont corrects. C'est devenu indispensable tant les formulaires sont une véritable plaie pour les internautes. La page d'inscription sur le webmail de Yahoo est un très bon exemple. On peut même se permettre un peu d'humour lorsque la saisie n'est pas correcte.
Enfin le drag and drop est pour l'instant essentiellement utilisé dans les agrégateurs mais ce n'est pas le meilleur usage que l'on peut en faire. Les sites marchands peuvent vraiment en tirer profit car c'est une action, cliquer, déplacer et lâcher, que les utilisateurs ont l'habitude de faire sur leur ordinateur. 

Benchmark Group remet le 15 octobre des trophées de l'ergonomie. Quel en est l'esprit ?

Nous avons envie de parler d'ergonomie et de montrer que certains sites font vraiment bien les choses. Souvent, lorsque l'on parle d'ergonomie, c'est pour montrer des sites qui font tout de travers. Bien sûr cela existe mais il y a aussi ceux qui font un excellent travail ergonomique, qui innovent dans le respect de l'utilisateur, et au final ça paie. Le but de ces Trophées, c'est simplement cela : mettre en avant des sites qui améliorent l'expérience des internautes. Cela ne peut que profiter à l'ensemble des acteurs du Web.