La Silicon Valley paralysée par le shutdown américain

La Silicon Valley paralysée par le shutdown américain Les services gouvernementaux obligés de fermer, le financement et la régulation de l'industrie technologique en prennent un coup.

Tandis que Barack Obama tente de trouver un compromis budgétaire avec les élus du Congrès, avant que les Etats-Unis ne se trouvent en défaut de paiement, le pays entre dans sa troisième semaine de shutdown. L'économie est paralysée, et les agences fédérales se voient obligées de réduire -voire de stopper- leur activité, renvoyant chez eux près d'un million de fonctionnaires. Si les start-up de la Silicon Valley, financées en grande partie par des fonds d'investissement, et non pas via le système bancaire, sont plus épargnées que les entreprises classiques, elles se retrouvent confrontées au ralentissement des agences de régulation.

Le déroulement des IPO pourrait notamment en pâtir. Celle de Twitter, prévue à l'automne, par exemple. Certes, le réseau social a pu présenter la version finale de son prospectus (lire l'article : "Comment Twitter veut devenir un géant du Web", du 04/10/13), revu par la Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier de Wall Street. La SEC a en effet annoncé, dès le 27 septembre, qu'elle resterait ouverte et opérerait normalement en puisant dans ses fonds disponibles. Mais si le shutdown devait se maintenir, elle serait contrainte de ne plus faire venir que 252 employés, sur un total de 4 149, pour continuer de surveiller le marché et traquer les délits d'initié. Les procédures d'IPO devraient s'en trouver ralenties et certaines demandes pourraient même être refusées. Au-delà de ce ralentissement, la perturbation du marché pourrait avoir un impact important sur le prix d'introduction de Twitter. "Si cela arrive, Twitter devra soit lever moins de capital, soit subir une dilution plus grande que prévue, écrit Glenn Solomon, Partner de GGV Capital, dans un post sur TechCrunch. Ceci dit, les performances des sociétés qui sont entrées en bourse ces trois dernières années ne semblent pas hautement liées à leur prix d'introduction."

Plus de nouveaux modèles de téléphone

Du côté de la Federal Communications Commission (FCC), seuls 2% des employés continuent de travailler, soit... 38 employés. L'ensemble des activités de protection des consommateurs et de l'application des règles de concurrence ont été fermées. Conséquence : les sociétés ne peuvent plus obtenir de brevets pour de nouveaux devices, et la FCC n'approuve plus aucun changement de licences dans le domaine de la TV, de la radio et des technologies sans-fil. En d'autres termes, aucun nouveau modèle de téléphone ne pourra être approuvé jusqu'à la fin du shutdown.

Le National Institute of Standards and Technology, qui promeut l'innovation et la compétitivité industrielle grâce à des standards et au développement de technologies, est également fermé. Si le Patent and Trademark Office, en charge de délivrer des brevets, est encore en état de marche et fonctionne sur ses réserves, son porte-parole a annoncé que si la situation ne se règle pas d'ici le 24 octobre, il lui faudra réduire ses effectifs. Le programme de surveillance de la NSA, par contre, actuellement sous le feu de la critique (Lire l'article : "La NSA aspire les carnets d'adresses de Gmail, Yahoo, Hotmail et Facebook", du 15/10/13), ne sera pas affecté.

Demandes d'autorisations d'export gelées

Dans un post sur le Washington Post, Timothy B. Lee rapporte les difficultés auxquelles se heurtent certains entrepreneurs depuis le shutdown, à l'image de celles rencontrées par la CEO de Net Power and Light, Tara Lemmey. La start-up, à l'origine d'une application iOS de chat vidéo, a besoin de l'accord des autorités de régulation fédérales avant d'exporter son produit à l'étranger. L'autorisation doit être réclamée auprès de la direction de la sécurité et de l'industrie du Département du Commerce. Une simple formalité, en temps normal. Les services de l'Etat en shutdown, la CEO se voit pourtant dans l'impossibilité de proposer son produit hors des Etats-Unis. "Toute demande de licence à l'exportation en cours, de classement des marchandises, de procédures de cryptage et de conseils ne sera pas prise en compte par le BIS jusqu'à ce que le shutdown soit fini", précise le site web de l'agence.

Données publiques introuvables

Sans oublier que toutes les sociétés qui s'appuient sur des données publiques ne peuvent plus y accéder -la plupart des plateformes ont été fermées-, que l'attribution de passeports et de visas se trouve ralenti, que les subventions étatiques à l'innovation sont bloquées...

Le dernier blocage budgétaire d'une telle ampleur, sous le premier mandat de Bill Clinton, avait provoqué une fermeture des services publics pendant 28 jours, au total : du 14 au 19 novembre 1995 et du 16 décembre au 6 janvier 1996. Les experts américains estiment aujourd'hui qu'il a coûté aux États-Unis plus de deux milliards de dollars (prix actuels) soit 0,01% de PIB.