Le numérique, un défi à résoudre à l'échelle européenne

Le numérique, un défi à résoudre à l'échelle européenne Marché numérique unique, stratégie en matière de données... Le commissaire européen au numérique a partagé ses convictions lors de l'Université du numérique du Medef.

"Les Etats-Unis ont une stratégie, un marché de 330 millions de personnes, une langue, un standard, une règle de protection des données et aujourd'hui ils prédominent dans l'économie numérique", constatait ce matin le commissaire européen à l'économie numérique Günther Oettinger, en ouverture de l'Université du numérique du Medef, dont le JDN est partenaire. Les GAFA n'existaient pas il y a quinze ans, mais avec Microsoft, leur valorisation cumulée dépasse maintenant celle des 70 plus grands entreprises françaises et allemandes. L'homme politique allemand déplore notamment le peu de valeur qui reste à l'Europe dans la chaîne de création de richesse du mobile, qui demain sera au centre de l'économie numérique et des échanges d'information : "Auparavant l'Europe avait Nokia, qui représentait plus de 50% du marché. Aujourd'hui l'iPhone est conçu en Californie, fabriqué dans les pays à bas salaires et exporté chez nous."

"Un marché numérique unique profitera aux start-up comme aux grands groupes"

De ce constat amer, le commissaire européen tire une vraie détermination : "L'Europe doit participer davantage, créer plus d'emplois dans l'économie numérique, afin que la prochaine vague voie la création de plateformes Web européennes. Pour cela, il faut plus de compétences digitales, plus de règles et plus de souveraineté dans l'économie numérique. C'est un défi pour tous, qu'il faut résoudre à l'échelle européenne."

Premier credo de Günther Oettinger : la nécessité d'un marché numérique européen unique qui s'oppose à l'actuelle fragmentation des règles en vigueur. "Bien entendu, les géants du numérique préfèrent toujours s'implanter dans les pays où la protection des données est la plus faible, à Dublin par exemple. Si nous avons un marché numérique européen unique, tout acteur qui veut utiliser les données en Europe devra obéir à ces règles européennes." Bien sûr, il insiste également sur l'intérêt pour les entreprises du numérique à pouvoir toucher plus facilement l'ensemble des consommateurs européens, notamment pour financer leurs coûts de développement. "Cela profitera aux start-up comme aux grands groupes", affirme-t-il. Le commissaire se penche également sur la question des droits d'auteur : "Nous travaillons à la création d'un droit d'auteur européen pour protéger les créateurs, ainsi qu'à des outils efficaces pour l'imposer".

Vers une stratégie européenne en matière de données

Mais le principal cheval de bataille de Günther Oettinger réside dans les données. "Celui qui a les données a le pouvoir, or les données échangées ont considérablement augmenté ces dernières années" L'exemple du secteur l'automobile est frappant, qui consacre maintenant plus de la moitié de ses investissements en R&D à la voiture intelligente, plutôt qu'aux émissions de CO2 ou à la mécanique. "Et cela ne concerne pas que l'industrie, mais toute l'économie : la bourse, le commerce, l'énergie, l'artisanat, l'assurance, les banques..." Le commissaire estime en outre qu'il va falloir sensibiliser citoyens et entreprises à la sécurité des données de la même façon qu'à la sécurité routière, et sans doute mettre en place une institution européenne dédiée, pour engendrer la confiance nécessaire au développement par les entreprises européennes de services dans le cloud.

"L'Europe va avoir un gros problème en termes de compétences"

Avec cette explosion de données, se présentent d'ailleurs de nouvelles questions. Si vous utilisez votre smartphone au volant en roulant alors qu'il neige, votre FAI sait que vous êtes un conducteur qui prend des risques, explique Günther Oettinger. "Il nous faut développer une stratégie en matière de données, de big data et de cloud. Imaginez ce qu'on pourrait faire en collectant toutes les données recueillies en Europe par les capteurs des pare-brises des nouveaux véhicules de Renault et Peugeot ! On produirait des recommandations pour conduire mieux et on trouverait des idées à exploiter pour créer de nouveaux modèles économiques."

Bientôt un important déficit de compétences

Cependant, pour que les entreprises et les administrations puissent mettre en place toutes ces initiatives, il faut des compétences. "Il va falloir 160 000 spécialistes informatiques supplémentaires, année après année. Actuellement, il n'y a pas assez de place dans les universités pour les former. Donc nous allons avoir un gros problème en termes de compétences", prévoit Günther Oettinger, qui insiste également sur l'urgence de généraliser la formation continue au numérique.

Mettant l'accent sur le rôle crucial des entreprises dans la réussite de cette transformation numérique, le commissaire européen conclut sur l'importance des partenariats publics-privés. "Nous avons besoin de vos entreprises, de vos compétences, de vos investissements, tout autant que de règles intelligentes au niveau européen, pour que la numérisation devienne un atout plutôt qu'un risque."