Open data : le Sénat dénonce la mauvaise volonté de l'administration

Open data : le Sénat dénonce la mauvaise volonté de l'administration Une mission sénatoriale déplore le peu d'entrain de l'administration à communiquer ses données et documents aux citoyens. Une réticence qui constitue l'un des principaux freins à l'essor de l'open data en France.

"Souvent trop peu diligentes, frileuses, voire de mauvaise volonté"... Les administrations sont pointées du doigt pour leur réticence à pratiquer l'ouverture de leurs données dans un rapport rendu public jeudi 12 juin par une mission commune d'information du Sénat. La mission sur l'accès aux documents administratifs et aux données publiques esquisse 24 propositions pour améliorer l'accès des citoyens aux données publiques.

Issu de 14 semaines d'auditions, ce rapport (validé à l'unanimité par les membres de la mission) souligne l'un des principaux freins de l'accès aux données produites par les administrations : le peu d'enthousiasme des administrations elles-mêmes à partager leurs données. "La communication des documents est encore loin d'être considérée par l'administration comme une priorité" déplore le rapport. "Des avancées incontestables ont été faites, mais elles sont encore en-deçà des attentes de la société civile" en plein essor de l'open data explique la rapporteure de la mission, Corinne Bouchoux (Ecologiste, Maine-et-Loire).

"Inertie persistante"

Les sénateurs notent sans ambages "une inertie persistante d'un certain nombre de services et [...] une incontestable frilosité, qui se traduit par une interprétation extensive de la portée des secrets et intérêts protégés par la loi, quand ce ne sont pas des refus opiniâtres dénués de tout fondement juridique et souvent imputables à des considérations extérieures à la loi de 1978 [dite loi Cada, instituant le droit pour tout citoyen à accéder à des documents produits par l'administration, ndlr]."

Au travers de leurs propositions, les sénateurs cherchent notamment à consacrer un "droit effectif" à l'accès aux documents publics. Leur proposition phare vise par exemple à doter la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) d'un pouvoir de saisine en référé d'un juge administratif dans les cas de situations récurrentes de blocage. La Cada dont le rôle est de faciliter l'accès des citoyens aux productions des administrations ne dispose actuellement que d'un pouvoir consultatif et ne peut forcer une administration à accéder à la demande d'un particulier.

La publication par la Cada d'une liste de "mauvais élèves" de la communication des données figure également parmi les recommandations du rapport. Une mesure qui selon Corinne Bouchoux serait plus efficace que des dispositions plus contraignantes. "L'important est que la communication des documents au public devienne la règle et la non-communication la toute petite exception", indique-t-elle.

Vers une liste publique de "mauvais élèves" ?

Essentiellement pour des raisons politiques ou par peur de voir les données être réutilisées contre elles-mêmes, les administrations ont recours à différents stratagèmes pour éviter d'ouvrir leurs données. Outre des délais de réponse souvent longs – parfois plusieurs années – "certains ministères n'hésitent pas à livrer leurs données dans des formats fermés comme le PDF dans le but affirmé d'en limiter la réutilisation", confie un spécialiste du secteur. L'absence de réponse ou le refus net restent également utilisés, en toute violation de la loi Cada.

Le blocage exercé par le ministère de l'Intérieur concernant la réserve parlementaire en constitue l'un des exemples les plus flagrants. Cette cagnotte d'environ 150 millions d'euros inscrite au budget du ministère de l'Intérieur et répartie arbitrairement et en toute opacité entre les sénateurs et les députés échappait jusqu'en 2013 à toute publication. Au terme de deux années de procédure judiciaire, Hervé Lebreton, un professeur de mathématiques a finalement réussi à obtenir un fichier PDF. Sans l'aide de l'association Regards Citoyens, ce document de 1 000 pages aurait été quasi-impossible à retranscrire dans un format ouvert...

Reste à savoir quelles suites seront données à ces propositions. Corinne Bouchoux s'avoue peu encline à l'inflation législative et écarte une traduction des recommandations de la mission en proposition de loi. La transposition de la directive européenne de 2013 concernant l'ouverture des données publiques qui doit intervenir d'ici mi-2015 pourrait en revanche être l'occasion d'intégrer ces propositions. Cette transposition en droit français devrait elle-même être incluse dans le projet de loi numérique que prépare le gouvernement.