Stéphane Van Gelder (Indom) "L'Icann aurait dû avaliser la création de l'extension .xxx"

L'organisme en charge des noms de domaines pourrait finalement autoriser l'ouverture d'une extension .xxx pour les sites pornographiques. Le directeur général d'Indom revient sur cette affaire qui dure depuis plusieurs années.

JDN. Réunie en sommet à Nairobi la semaine dernière, l'Icann a de nouveau ouvert la voie à une extension .xxx pour les sites pornographiques, qu'elle avait pourtant bloquée en 2007. Pourquoi ? 

Stéphane Van Gelder. En fait, l'Icann avait, dès 2005, validé le principe de cette extension proposée par le registrar ICM Registry en 2003. Mais le gouvernement américain s'y est opposé en faisant jouer son droit de veto, ce qui a poussé l'Icann à revenir sur sa décision. ICM, qui a engagé des frais pour faire fonctionner cette extension, avait contesté cette décision devant le panel d'arbitrage indépendant de l'Icann (Independant Review Panel, ndlr). En février dernier, l'IRP a estimé que l'Icann n'avait pas agi normalement en refusant cette extension et que son comportement n'avait été ni juste, ni indépendant, ni objectif.

A Nairobi, le Conseil d'administration de l'Icann a tout simplement été amené à revoir sa décision de bloquer le .xxx. Une consultation publique va être ouverte sur le sujet. La décision définitive pourrait être entérinée en juin lors du prochain sommet de l'Icann à Bruxelles. Son conseil d'administration aurait fait preuve de clarté en avalisant, dès vendredi dernier, la création de ce domaine. D'une certaine manière, il a préféré botter en touche et repousser sa décision de quelques mois. En attendant, le potentiel commercial du .xxx, estimé par ICM à 150 millions de dollars, diminue avec l'arrivée prochaine de nouvelles extensions génériques.

L'extension suscite le débat. Ses partisans y voient un moyen d'encadrer la pornographie sur Internet. Ses opposants craignent au contraire un cautionnement injustifié de ce type de contenus...

Deux problématiques doivent être distinguées concernant cette extension. La première porte sur la décision de l'Icann prise après le veto américain. Il s'agit incontestablement d'une mauvaise décision qui doit aujourd'hui être inversée. Il n'est pas normal de demander aux registrars de faire preuve de créativité en matière de nouvelles extensions et en même temps de revenir ainsi sur ses propres décisions. La seconde problématique concerne le bien-fondé de cette extension. Cette question ne se pose plus : elle aurait due être tranchée avant même que l'Icann n'avalise pour la première fois la mise en œuvre du domaine. Je pense que la meilleure solution aujourd'hui serait d'autoriser ICM à ouvrir cette extension pour voir ce qu'il en advient. 

Les Etats-Unis peuvent-ils à nouveau bloquer la validation de cette extension ? 

C'est difficile à dire. Le veto américain de 2007 reste un fait rarissime qui ne pourrait plus avoir lieu aujourd'hui. Les Etats-Unis ont en effet signé un nouveau contrat avec l'Icann en octobre 2009, à travers lequel ils abandonnent une partie de leur contrôle. Les USA gardent, certes, beaucoup de pouvoir sur l'Icann mais doivent désormais l'exercer de manière beaucoup plus subtile. Ils ont fait un premier pas vers l'internalisation de l'Icann en 2009, ce n'est pas pour tout remettre en question quelques mois plus tard. Cependant, le gouvernement américain dispose de moyens de pression sur l'Icann. Il garde notamment le contrôle de la fonction Iana (Internet Assigned Numbers Authority, qui contrôle la "racine" d'Internet, ndlr), dont la gestion est confiée par contrat à l'Icann. Or ce contrat expire en 2011 et les Etats-Unis pourraient tout à fait menacer l'Icann d'en confier la gestion à un autre organisme. L'Icann pourra donc difficilement ignorer une volonté forte du gouvernement américain.