Tristan Colombet (Prizee.com) "Après un passage à vide, Prizee est redevenu rentable"

L'éditeur de jeux primés lance deux nouveaux produits sur Facebook. Son fondateur et PDG fait le point sur son activité, sa stratégie et ses projets.

JDN. Prizee vient de lancer ses deux premiers jeux Facebook, "Inkazee" et "Enovaa". Pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de profiter du réseau social ?

Tristan Colombet. En fait, nous avions déjà lancé en 2010 un premier jeu jouable sur Facebook qui s'appelait Prizee Jackpot. Mais la principale difficulté est que Facebook a jusqu'à très récemment eu une position extrêmement bloquante envers tous les jeux permettant de remporter des cadeaux. Ce n'est qu'au cours de l'année 2011 que Facebook a assoupli ses règles permettant aux internautes de dépenser de l'argent et de gagner des cadeaux dans une même application.

Comment s'est passée cette première expérience ?

Lorsque nous avons lancé Prizee Jackpot, nous avons bénéficié d'une forte viralité avec plus d'un million d'inscriptions en l'espace de 15 jours, tout cela sans budget marketing. Mais l'application a été fermée par Facebook. Nous avons essayé d'entrer en contact avec eux, ce qui est très difficile. Au fil du temps, elle a été ré-ouverte et refermée trois fois de suite et nous avons dû affadir beaucoup la mécanique de jeu. Entre temps, les joueurs se sont naturellement lassés.

Avez-vous dû ajuster votre modèle économique pour prendre place sur Facebook ?

La principale modification que nous avons apportée à la version Facebook concerne les moyens de paiement, qui se limitent aux Facebook Credits, le seul système autorisé. Sur notre site, le joueur a accès à toute la palette des moyens de paiement. Mais quelle que soit la version du jeu, vous avez toujours la même palette de cadeaux, du petit accessoire jusqu'au voyage. Le fonctionnement est le même pour les deux jeux que nous lançons actuellement.

Au cours des dernières années, Prizee a perdu en visibilité alors que votre entreprise était encore il y a trois ans considérée comme un bon exemple de réussite du Web à la française...

Nous avons connu une baisse d'activité à partir de 2007, due à de grosses erreurs stratégiques. A partir de 2006, nous avons cherché à nous diversifier sur la licence Prizee. Nous nous sommes lancés sur des projets qui n'étaient pas du tout dans notre cœur de métier comme l'édition de livres pour enfants ou la restauration. A cette époque, nous avions également commencé à travailler sur ce qui devait être une V2 de Prizee.com, qui a pris beaucoup de retard.

Pourquoi ?

Au fil des mois, ce projet est devenu très ambitieux au point de devenir une expérience proche du dessin animé interactif, ce qui était éloigné des attentes initiales des joueurs. Nous avons monopolisé toutes nos ressources techniques et de développement sur ce nouveau produit et tous nos nouveaux jeux n'étaient compatibles qu'avec cette nouvelle plate-forme qui ne sortait pas. Quand le produit est enfin sorti en 2009, ça a été un échec commercial. En attendant, l'ancien site a été laissé un peu à l'abandon, ce qui a entraîné une diminution du nombre de joueurs entre 2007 et 2009.

Prizee a perdu près d'un million d'euros en 2009, loin du bénéfice de 2,3 millions enregistré en 2006. Financièrement parlant, comment va Prizee aujourd'hui ?

En 2009, nous avons entièrement restructuré la société et refait le site Prizee.com, que nous avons terminé début 2010. Après un passage à vide, nous sommes aujourd'hui redevenus rentables. Je ne peux pas communiquer de chiffres mais nous avons retrouvé nos plus hauts niveaux de rentabilité. En termes de chiffres d'affaires, nous devrions dépasser en 2012 les plus hauts niveaux que nous avons connus. Prizee rassemble plus de 600 000 joueurs uniques par jour, dont plus de la moitié sur Prizee.com.

Quelle est votre stratégie aujourd'hui ?

D'abord, rester complètement concentrés sur notre cœur de métier : créer des jeux primés, monétisés en BtoC. Par ailleurs notre développement porte sur celui de la taille de notre réseau de sites. Nous étions encore mono-produit il y a deux ans avec un seul site, Prizee.com. Aujourd'hui, nous en avons déjà quatre : Prizee Gold positionné plus haut de gamme, Prizee Jackpot, Inkazee et Enovaa. Nous espérons encore doubler ce nombre au cours des prochains mois.

Les acteurs du jeu sociaux tirent aujourd'hui une grande partie de leurs revenus de la publicité. Pourquoi pas vous ?

Notre savoir-faire historique, c'est la monétisation des jeux par le modèle freemium (les jeux sont gratuits mais les joueurs peuvent acheter des options payantes pour avancer dans le jeu, ndlr). Aujourd'hui, 95 % de nos revenus viennent du micro-paiement et 5 % de la publicité. Le gros de nos équipes est constitué de techniciens et créatifs alors que dans d'autres entreprises du secteur, les commerciaux constituent la majorité des effectifs. Nous nous sommes déjà essayés au modèle publicitaire par le passé, mais c'est un autre métier. Nous ne sommes pas staffés pour cela.

Une entreprise comme Zynga vient pourtant de s'introduire en bourse...

Le succès de Zynga est indéniable. Cette entreprise a su prendre une position sur le réseau en utilisant habilement des techniques sociales et en tirant parti de la force de son réseau pour promouvoir ses autres produits. Il reste cette dépendance vis-à-vis de Facebook qu'elle est la première à reconnaître et dont elle a du mal à se débarrasser. Il s'agit d'un problème critique que nous voulons éviter à tout prix.

Comment abordez-vous cette problématique ?

Tous les développements que nous faisons ne sont jamais tributaires d'une seule plate-forme. C'est justement ce que nous avons cherché à mettre en place tout au long de l'année 2011. Nous avons développé une brique technologique nous permettant de créer un jeu en y intégrant toutes les mécaniques nécessaires, mais qui est techniquement complètement isolé des plates-formes sur lesquelles il tournera. Notre ambition est de pouvoir intégrer demain le mobile et les tablettes via le HTML 5. La question de la plate-forme doit être complètement transparente pour le développeur, ne pas lui occasionner de travail supplémentaire.

Prizee est présent uniquement en France. Votre activité n'est-elle pas exportable ?

Actuellement, plus de 95 % de notre chiffre d'affaires est réalisé en France et en Belgique, mais nous cherchons en effet à exporter notre modèle. Depuis très peu de temps nous livrons tous nos cadeaux à l'étranger, ce qui nous rend accessibles de fait dans tous les pays francophones. Nous allons désormais traduire nos produits dans un grand nombre de langues et opèrerons une sélection en fonction des pays les plus intéressants en termes d'activité.

Envisagez-vous des acquisitions, notamment à l'étranger ?

Nous sommes tout à fait ouverts à une croissance externe. Nous avons étudié diverses pistes dans ce sens mais pour l'instant aucune n'a abouti. Nous avons un certain nombre de démarches en cours qui doivent nous permettre de passer un cap supplémentaire en termes de croissance. Je ne peux pas en dire plus pour le moment.

 

Tristan Colombet est le fondateur de Prizee. Agé de 30 ans, il est titulaire d'un DUT en génie informatique obtenu à l'Université d'Auvergne. Il a fondé Prizee en 2000, qu'il dirige toujours aujourd'hui.