Comment les Google Glass vont bouleverser les usages

Comment les Google Glass vont bouleverser les usages Si leur fonction vidéo a déjà fait l'objet d'innombrables démonstrations, les lunettes connectées pourraient se révéler utiles dans de nombreux autres domaines...

Selon Business Insider Intelligence, le marché des Google Glass pèsera 11 milliards de dollars en 2018 et 21 millions de paires seront alors vendues annuellement. Rapidement, les Google Glass deviendront un produit mainstream. Soit. Mais pour quelle utilisation ? Peu d'applications ont d'ores et déjà été dévoilées. Envoyer des SMS et passer des appels sera possible en se connectant via bluetooth sur son smartphone. Pour regarder la météo, chercher un restaurant, partager des photos ou effectuer une simple recherche, la connexion wifi suffira. Lors de la dernière Google I/O, Evernote, Twitter, Tumblr, Path et Facebook ont  annoncé avoir conçu leur application pour les lunettes, et certains médias comme CNN, Elle et The New York Times permettront d'afficher leur flux d'actualité. Des développeurs travaillent actuellement sur d'autres applications. Mais il n'est pas sûr que les fonctions soient révolutionnaires en elles-mêmes. La grande nouveauté devrait reposer sur les usages.

"L'intérêt principal, c'est d'avoir un afficheur mains-libres", explique Kayvan Miza, CEO et cofondateur de Optinvent. La société rennaise travaille sur ses lunettes connectées Ora depuis 2008 et sortira son premier prototype dans les semaines à venir, avant de rendre disponible sa version "explorer" pour les développeurs, comme l'a fait Google. "Au départ, nous avions imaginé avant tout un usage vidéo. Finalement, la disposition informative a pris le dessus : les lunettes permettront également de chercher, partager et créer des données."

 

Le Congrès américain craint pour la protection de la vie privée

La vidéo reste pourtant incontestablement l'aspect le plus mis en avant par Google : lors de la Google I/O 2012, le géant américain dévoilait une vidéo filmée pendant un saut en parachute avec les Glass. Les lunettes sont équipées d'un capteur photo de 5 mégapixels pour des enregistrements vidéo en 720p. "Enregistrez et partagez ce que vous vivez. En live. Les mains libres." La promesse de Google retient toutes les attentions... Et inquiète.

Huit membres du Congrès américain ont demandé au géant du web d'éclaircir ses prises de position concernant la protection de la vie privée des utilisateurs. Avec les Google Glass, tout peut être filmé et enregistré. D'autant qu'un développeur a déjà prouvé que l'on pouvait facilement jailbreaker les lunettes (Lire l'article : "Les Google Glass déjà déverrouillées", du 30/04/13). Dès lors, pourquoi ne pas supprimer le signal lumineux qui indique que l'on est en train de filmer ? Un autre développeur s'est même amusé à créer un programme qui permet de prendre des photos en toute discrétion, grâce à un simple clin d'œil. La Winky app supprime la traditionnelle commande vocale, " OK Glass. Take a picture ".

 

Vers une interdiction des Google Glass au volant ?

D'autres usages destinés à séduire le grand public sont mis en avant. Le GPS pour les piétons, par exemple. "Il est plus pratique de se faire guider par un écran devant les yeux plutôt que de regarder son smartphone", souligne Kayvan Mirza. D'autant que les lunettes Ora présentent deux modes de visualisation : "Le premier est un tableau de bord, sur le même principe que Google Glass, mais situé sous les yeux et non au-dessus. Le deuxième, un écran plus grand qui s'affiche droit devant et se superpose à la vue de l'utilisateur sur le monde extérieur. Il offre de grandes possibilités de réalité augmentée", se réjouit le CEO. Concernant l'utilisation des Glass en voiture, les avis sont partagés. "Nous pensons que cela permettrait de diminuer les risques d'accident, en évitant au conducteur de détourner les yeux de la route pour regarder le petit écran d'un GPS classique", assure Kayvan Mirza. D'autres, au contraire, craignent que cela ne distraie les conducteurs. Si, pour l'instant, le vide juridique est total, il pourrait ne pas le rester bien longtemps. Le 26 mars dernier, un représentant de la Virginie-Occidentale a proposé une loi destinée à interdire les Glass au volant.

Selon le profil de l'utilisateur, les utilisations se déclinent à foison. Les grands sportifs peuvent s'en servir pour afficher leurs statistiques, calculer leur vitesse, enregistrer leur performances... Les musées pourront donner des informations aux visiteurs, les enfants accéder à des contenus éducatifs et interactifs avec leur environnement, les musiciens afficher des partitions pendant qu'ils jouent... Le français Digitas, qui a sorti un prototype de "Connected glasses", met en scène dans une vidéo une consommatrice se servant des lunettes pour s'orienter dans un supermarché, repérer les promotions, scanner ses articles et obtenir des informations supplémentaires sur les produits. Les services après-vente pourraient aussi se servir des Google Glass pour voir, en temps réel, les problèmes rencontrés par les clients. Les manuels d'instruction, transférés sur Glass, donneraient des indications pour monter un meuble ou paramétrer un appareil.

 

Aéronautique, militaire et médecine

Dans le domaine de la médecine, Google espère opérer une petite révolution. Une application encore en développement, MedRef, offre la possibilité aux médecins de créer un fichier pour chaque patient avec une photo, qui lui permettra de l'identifier par la suite par reconnaissance faciale. Il peut ensuite y joindre des commentaires dictés vocalement. D'autres applications offriront par exemple la possibilité de visionner des procédures médicales.

Tout un pan des usages des Google Glass pourrait aussi concerner les professionnels et le monde de l'entreprise. "Dans la maintenance, la logistique, l'aéronautique, la bionique et le militaire, je pense que ce type de produits va s'imposer", assure Kayvan Mirza. D'ailleurs, un autre fabriquant, le français Laster Technologies, qui s'apprête à commercialiser des lunettes au système optique plus complexe que celui des Glass, travaille déjà en collaboration avec EADS, Dassault ou encore Thalès. 

Dans le BTP, pourquoi ne pas afficher grâce aux Glass les plans d'un bâtiment et de ses câbles lors de travaux ? En munir les militaires pour qu'ils identifient rapidement les dangers potentiels et accèdent facilement aux données tactiques ? La reconnaissance faciale pourrait aussi permettre aux entrepreneurs d'identifier les invités d'une conférence, par exemple. Mais, dans les entreprises, au-delà des avantages possibles (sécurité, formation...), se pose la question de la liberté des employés : les Google Glass pourraient aussi devenir un outil de surveillance. Il reste plus qu'à convaincre les législateurs –et les consommateurs- que ces lunettes d'un nouveau genre ne mettront pas en danger la vie privée.