Dividende numérique : vers l'attribution de "fréquences en or" aux télécoms

La commission parlementaire du dividende numérique a remis son rapport. Elle préconise l'attribution de 72 MHz de fréquences aux télécoms afin d'offrir à toute la population un Internet haut débit mobile.

Après sept mois de travaux, plus de 50 auditions et la lecture d'une cinquantaine de contributions, la commission du dividende numérique a rendu son rapport au Premier ministre le 23 juillet. Chargée de se prononcer sur le schéma national de réutilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion analogique de la télévision, via le passage au tout numérique d'ici au 30 novembre 2011, la commission fait au Premier ministre 7 recommandations, dont une demandant l'attribution de fréquences de la bande UHF aux services de communications électroniques.

Pour les télécoms, ces fréquences de la bande UHF (470-862 MHz) sont des fréquences dites "en or" (lire l'article : Dividende numérique : mythe ou réalité ? du 24/01/2007). Leurs caractéristiques techniques permettent en effet à la fois une bonne portée et des débits élevés. Ces fréquences UHF faciliteraient le déploiement de réseaux de téléphonie mobile haut débit dans les zones à faible densité de population, à un coût plus faible que les fréquences actuelles de la 3G, ainsi que la pénétration de ces services dans les bâtiments. Aujourd'hui, les réseaux 3G des opérateurs ne couvrent que 30 % de la population française.

Or les premiers éléments dont disposait la commission au début de ses travaux laissaient peu d'espoir quant à la possibilité d'une optimisation de la bande UHF suffisante pour permettre de concilier les besoins en fréquences des services audiovisuels et ceux des communications électroniques (lire l'article Dividende numérique : la répartition des fréquences encore en question, du 03/04/2008), ce qui a contribué à donner un tour polémique au débat entre les différentes parties en présence.

Finalement, suite à la lecture de nouvelles études, la commission estime qu'il est non seulement possible, mais "indispensable" d'attribuer des fréquences du dividende numérique aux acteurs télécoms. Le rapport rendu au Premier ministre préconise d'attribuer l'intégralité de la sous-bande 790-862 MHz, soit neuf canaux, aux services de communications électroniques, afin de "combler la fracture numérique et d'offrir à tous l'Internet à très haut débit sans fil en usage mobile ou fixe".

"Les membres de la commission ont cherché à dépasser l'opposition simpliste entre télécoms et audiovisuel", a expliqué Bruno Retailleau, sénateur de Vendée et président de la commission du dividende numérique, lors de la conférence de presse de présentation du rapport.

"La préconisation de la commission d'attribuer l'intégralité de la sous-bande 790-862 MHz est inspirée par une triple ambition, a souligné lors de cette conférence Christian Paul, député de la Nièvre et président délégué de la commission : économique pour donner à la France les meilleurs atouts de croissance grâce à la construction d'un environnement numérique avancé ; sociale, pour accompagner la progression de la demande de mobilité ; et d'aménagement numérique du territoire afin de garantir un accès à tous au très haut débit en mobilité ou en usage fixe."

Toutefois, l'attribution de ces fréquences aux services de communications électroniques devraient être assortie de six contraintes : une obligation de couverture du territoire au moins équivalente à celle du GSM (99 % de la population) à tout opérateur attributaire de ces fréquences ; un mode de gestion qui permette à tout abonné de se connecter à se réseau, quel que soit son opérateur (la mise en place future d'accord d'itinérance donc) ; l'offre réelle de haut débit mobile (10 Mbits/s en moyenne) ; l'attribution des fréquences à au moins deux opérateurs afin qu'une concurrence "stimulante" existe ; une contribution équitable des opérateurs, selon "des modalités à déterminer", au financement des opérations qui permettent la libération des fréquences de la sous-bande ; et la promotion du principe de "Net neutralité" afin que l'accès à tous les contenus de l'Internet soit assuré de manière non discriminatoire.

Pour Paul Champseur, président du collège de l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), qui assistait à la conférence du 23 juillet, les recommandations de la commission sont "très satisfaisantes" puisqu'elles permettraient des offres concurrentes de services haut débit mobiles dans les zones peu denses.

"Si elles sont suivies, ces propositions devraient permettre de créer un environnement numérique avancé et performant en France", a conclu Bruno Retailleau lors de la conférence. La décision du Premier ministre, François Fillon, quant au schéma de réutilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion analogique, est attendue pour la fin de l'été, d'ici fin septembre 2008.

 Les recommandations de la commission du dividende numérique :

1/ Répondre favorablement aux besoins en fréquences estimés par les acteurs de l'audiovisuel avec pour objectif d'accompagner le développement de la télévision haute définition, l'extension de la couverture à 95 % de la population, le lancement de la télévision mobile personnelle et la numérisation des chaînes locales. Plus précisément, à l'horizon 2012, la constitution de 11 multiplex TNT couvrant 95 % de la population, et 2 multiplex TMP avec une couverture de 80% de la population.

2/ Inscrire dans le cahier des charges des futurs appels à candidature pour la haute définition un pourcentage significatif de production de contenus en haute définition native.

3/ Réaffecter les fréquences libérées de la bande III-VHF pour le lancement de la radio numérique.

4/ L'attribution de l'intégralité de la sous-bande 790- 862 MHz aux communications électroniques.

5/ Une prise de décision conjointe et cohérente par le Premier ministre, dès septembre 2008, sur les deux schémas prévus par la loi du 5 mars 2007 (le schéma d'arrêt de la diffusion analogique et de basculement vers le numérique, et le schéma national de réutilisation des fréquences libérées).

6/ Donner à l'Agence nationale des fréquences (ANFR) le mandat de négocier formellement avec les pays limitrophes les possibilités de densification du spectre aux frontières.

7/ Lancer une initiative française en faveur d'une harmonisation de l'usage de la sous-bande 790- 862 MHz par l'Union européenne.