Peter Field (Consultant indépendant) "La récession est un fantastique moment pour investir en publicité"

Consultant en marketing et auteur d'une étude sur les investissements publicitaires en temps de crise, le britannique Peter Field explique pourquoi les annonceurs ne doivent pas couper leurs budgets.

 

Vous êtes l'auteur de plusieurs études notamment "Advertising in a downturn" pour le compte de l'Institute of Practitioners in Advertising (IPA), organisme professionnel regroupant les agences média et marketing au Royaume-Uni. Pourquoi est-il important pour les annonceurs d'investir en temps de crise ?  

Peter Field. L'étude en question date d'il y a plus d'un an, mais elle révèle des principes généraux valables en toute situation de crise, comme celle que nous vivons actuellement. De manière générale, il est impératif pour les annonceurs de maintenir leurs budgets de communication afin de conserver leur part de voix. De plus, la récession est un fantastique moment pour investir et se construire une part de marché pour moins cher qu'il n'en aurait été le cas en dehors de cette période.

Vos études portent sur le Royaume-Uni. Peut-on aisément faire le parallèle avec la France par exemple ?

Oui. La réflexion est très similaire pour les économies développées. Reste que le Royaume-Uni a pour spécificité de favoriser des stratégies ROistes combinant à la fois les médias traditionnels et les nouveaux médias tels qu'Internet.

"Si une entreprise réduit de moitié ses investissements en communication durant un an, il lui faudra trois ans pour recouvrir un niveau de ventes normal"

Dans quelle mesure est-il dangereux pour un annonceur de couper ses budgets de communication ?

Couper un budget revient indéniablement à faire des économies à très court terme. L'entreprise dépense moins et naturellement améliore son profit.

Seulement, elle ne verra la conséquence de ce choix que six à douze mois plus tard, lorsque sa part de marché aura baissé. Les fabricants de produits d'usage courant, de grande consommation, ou encore les annonceurs traditionnellement très dynamiques en matière de communication, s'en rendront compte plus rapidement que les autres.

Bien sûr on peut réduire les budgets, mais pas plus que ses concurrents, car c'est là que réside le danger. Il faut donc surveiller son secteur et ne pas laisser la concurrence prendre l'avantage en ce moment.

Concrètement, si une entreprise réduit de moitié ses investissements en communication durant un an alors que ses concurrents ne le font pas, il lui faudra trois ans pour recouvrir un niveau de ventes normal.

Quelle sanction de la part des marchés financiers encourent les annonceurs qui coupent leurs budgets ?

Il faut distinguer deux profils dans le monde financier. Il y a d'une part ceux qui font partie de l'entreprise et, d'autre part, ceux qui analysent le marché. Les premiers comprennent mal qu'une entreprise maintienne ses budgets de communication en période de vache maigre. Pour eux la priorité consiste à maintenir les profits. Pour les analystes du marché, la donne est différente. Ils sont très attentifs aux décisions des entreprises qui témoignent de leur santé et de leur compétitivitée. Et l'avis des analystes pèse sur les cours de Bourse des entreprises. Par exemple, au printemps 2008, un analyste a émis une note d'avertissement à l'encontre d'Unilever qui venait d'effectuer une coupe dans son budget marketing, de quoi inquiéter les investisseurs.

Est-il trop tard pour les annonceurs qui ont déjà réduit leurs budgets ? Que recommandez-vous dans ces cas-là ?

Il n'est jamais trop tard. Il faut tout d'abord ne pas laisser le problème s'étendre. Ensuite il faut essayer de restaurer la part de marché, la part de voix et l'intérêt des consommateurs pour la marque.

Du reste, les prix ont baissé avec la crise et il est même possible de faire des économies en communiquant maintenant.

"Les prix ont baissé avec la crise et il est possible de faire des économies en communiquant maintenant"

En situation de crise, les entreprises sont pourtant obligées de réduire leurs coûts afin de rester à flot. Alors quels budgets couper sans risques à plus ou moins long terme, si ce ne sont pas ceux de la communication ?

Il faut sans doute réduire les coûts de production et de logistique. Mais il est tout aussi important de continuer à capter l'attention des consommateurs en temps de crise et donc de poursuivre les lancements de nouveaux produits et la communication qui l'accompagne. En sortie de crise, la marque jouira alors d'une bonne notoriété et pourra s'appuyer sur une belle gamme de produits ou services.