Adam Singolda (Taboola.) "Nous allons bientôt nous lancer dans des opérations de croissance externe"

Concurrence, arrivée du programmatique et acquisitions à venir... Le fondateur du service de recommandation de contenus dévoile ses derniers projets.

JDN. Quel est aujourd'hui le coeur de métier de Taboola ?

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Adam Singolda, fondateur de Taboola.  © S. de P. Taboola

Adam Singolda. Notre ambition est de donner accès aux internautes à de l'information qu'ils sont susceptibles d'apprécier mais qu'ils auraient eu du mal à découvrir sans notre aide. Notre technologie est centrée autour d'un moteur de recommandation de contenus qui s'adapte aux préférences des internautes pour leur proposer du contenu personnalisé. Ces contenus sont généralement diffusés dans un widget diffusé en bas de page de nos clients éditeurs.

Nous nous appuyons pour ce faire sur les nombreux signaux contextuels et comportementaux que nous récoltons lors de la navigation des internautes. Des informations du type : comment ils sont arrivés sur la page, quels sont les trending topics sur Twitter au moment où ils y arrivent, etc. Les contenus mis en avant peuvent appartenir au site, avec l'objectif de booster l'engagement de son audience, ou à d'autres acteurs, marques et éditeurs, qui nous paient au clic. Ce montant est ensuite reversé à l'éditeur diffuseur, après commission.

Nous nous considérons comme une plateforme de distribution de contenus qui fonctionnerait à l'inverse d'un moteur de recherche. La marque vient nous voir, nous explique le contenu qu'elle veut mettre en avant et nous lui promettons de toucher les gens intéressés. Nous faisons partie d'une génération qui est assaillie de contenus de toute part et a parfois du mal à faire le tri dans ce maelstrom de messages. D'où l'importance d'adapter l'accès à ces informations à chacun.

Cette belle promesse se heurte pourtant à une réalité qui veut que les contenus poussés par Taboola sont plutôt racoleurs et représentent souvent le "pire" du Web...

Je tiens avant tout à rappeler que nous recommandons du contenu à près de 550 millions d'internautes chaque mois et ce plus de 6 milliards de fois par jour. Nous nous efforçons de développer des outils qui apportent toujours plus de valeur aux éditeurs et internautes. Cela commence par le fait de toujours donner le choix à l'internaute. Vous pouvez ainsi manifester votre désapprobation vis-à-vis d'un contenu en particulier et serez sûr que vous ne le verrez plus jamais. 

Des photos d'une célébrité avant son opération ou un article pour gagner 1 000 euros en moins de 10 minutes seront bien évidemment des contenus qui feront cliquer... Mais l'image qui en résulte pour l'éditeur partenaire n'est-elle pas plus préjudiciable que les quelques euros gagnés dans l'opération ?

Nous ne voyons vraiment pas les choses comme ça. Si vous me donnez le type de contenus qui m'intéresse en tant que lecteur, je serai satisfait et je reviendrai sur votre site. C'est, à la fin de la journée, la logique qui prime selon nous. Et nous nous assurons, pour ce faire, de ce que vous ne voyiez pas du contenu qui ne vous intéresse pas. C'est le nouveau paradigme de la personnalisation du contenu ! Et puis je tiens à vous rappeler au passage que nous indexons plus d'un million d'articles sur les célébrités et l'argent certes, mais aussi sur la météo, le divertissement...

L'e-commerce et la publicité se sont mis à la personnalisation du contenu. C'est beaucoup moins vrai pour les sites d'informations. Vous croyez vraiment à une expérience utilisateur unique au sein du site média ?

Bien sûr. Nous avons d'ailleurs lancé il y a moins d'un mois un outil, Taboola Newsroom, que nous proposons gratuitement aux éditeurs pour qu'ils personnalisent leur homepage en temps réel, voient quels sont les titres qui marchent le mieux, les sujets qu'il faut remonter. Un site comme Refinery29 a réussi à augmenter ses taux de clics de 50% grâce à cet outil. Et ce n'est que le début. 


En France la concurrence fait aujourd'hui rage autour de la recommandation de contenus entre Ligatus, Outbrain et bien sûr Taboola. Qu'est ce qui vous différencie de vos concurrents ?

Je pense que ce climat concurrentiel est bénéfique au marché et à Taboola car il nous pousse tous à être les meilleurs possibles. Le coeur de la réussite de Taboola repose sur les efforts que nous portons en matière de R&D pour améliorer notre produit au quotidien. La moitié de la société est composée d'ingénieurs dédiés à cette volonté d'améliorer engagement et monétisation. J'ajouterais que notre positionnement originel sur la vidéo nous permettra d'appréhender au mieux cette vague qui s'apprête à déferler dans le monde des médias online et qui sera stratégique pour chacun de nos clients. Enfin, il ne faut pas occulter la dimension éditoriale de notre service qui offre aux éditeurs nombre d'outils gratuits leur permettant de gérer au mieux l'engagement, le taux de rebond et les taux de clics de leurs différentes productions. 


A ce sujet, des rumeurs insistantes font état de la volonté de Facebook de lancer une plateforme programmatique qui lui permettra de distribuer contenu éditorial, native ads et publicités produits indifféremment. En clair ce vers quoi Taboola tend, la data en plus. Ca vous inquiète ?

Plus que la data socio-demo de Facebook, c'est la data contextuelle qui primera dans notre métier

Comme je vous l'ai dit, toute nouvelle concurrence ne peut que me réjouir car elle valide la pertinence de notre positionnement. D'autant que je pense que les atouts que je vous ai cités plus tôt feront de nous l'une places fortes du marché. Ceci étant dit, je pense que la data la plus pertinente ne sera pas la donnée socio-démographique dont Facebook dispose en abondance. Il s'agit plus de comprendre dans quel contexte l'internaute consulte votre contenu et avec quelles motivations. C'est précisément là où je nous estime les meilleurs.


Ce climat ultra-concurrentiel pèse-t-il sur votre rentabilité ? On serait tenté de croire que la guerre des prix que se mènent les uns et les autres pèse sur les marges...

Je suis content que vous me posiez la question. Sachez que le quatrième trimestre 2014 a été notre 6e trimestre consécutif dans le vert. Rendez-vous compte, nous réalisons près d'1 million de dollars de chiffre d'affaires par salarié. Nous sommes une entreprise technologique très saine financièrement. Avant ce dernier tour de table, nous n'avions levé que 40 millions de dollars et n'en avions utilisé que la moitié, en l'espace de 7 ans. 


L'acquisition de Perfect Market doit également vous permettre de prendre le virage du programmatique...

Nous avons effectivement rebaptisé Perfect Market en Taboola Ex pour permettre aux e-commerçants de mettre en avant leurs produits via de l'achat RTB au sein de notre plateforme. Je ne peux pas vous dire grand chose de plus pour le moment mais vous en saurez bientôt beaucoup plus au sujet de notre offre à destination des e-commerçants.


Et le mobile ?

Nous générons déjà plus de 100 millions de dollars de chiffre d'affaires sur mobile. Pas loin de 50% de notre chiffre d'affaires total, donc. Et je pense que nous nous dirigeons inéluctablement vers un monde mobile - Web où une grande partie de notre revenu proviendra du mobile. Tout simplement parce que le trafic de nos clients viendra essentiellement de ce canal. 


Vous avez levé près de 117 millions de dollars au début de l'année. Dans quelle optique ?

L'international et l'investissement dans la technologie avant toute chose. Attendez-vous à entendre beaucoup d'annonces relatives à des ouvertures de bureaux et recrutement d'ingénieurs dans les mois à venir. Je veux vraiment redoubler d'efforts là-dessus. Autre ambition : alimenter notre croissance externe, en mettant la main sur des produits innovants et des personnalités passionnantes. Nous n'avons pour l'instant pas de cible particulière mais je ne doute pas que le temps passé à l'avenir avec des startuppers et chefs d'entreprises nous permettra d'identifier des stratégies. 

Adam Singolda a créé la technologie de recommandation de contenus de Taboola courant 2007 après avoir passé près de 7 années au sein de la NSA israélienne, au service de laquelle il mettait ses compétences mathématiques et analytiques.