Les nouveaux filous de la data

Les nouveaux filous de la data Editeurs et annonceurs sont parfois aux prises avec des acteurs technologiques pas toujours bien intentionnés. Conseils.

On l’entend à chaque conférence sur l’e-publicité : la data est le nerf de la guerre. La data, c’est cet eldorado sur lequel tous les acteurs du monde publicitaire (éditeurs, annonceurs, agences…) veulent capitaliser pour se construire un pécule indispensable pour rivaliser avec les Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) et autres géants du Web. Une ruée vers l’or noir au cours de laquelle tous les coups sont souvent permis, au premier rang desquels une tactique qui a fait ses preuves : siphonner la data de ses clients.

Certains prestataires technologiques ont érigé ce "data leakage" (traduisible par fuite des données) au rang d’art, profitant du manque de maturité des éditeurs et des annonceurs sur les sites desquels ils posent leur script pour détourner les informations de navigation des clients et lecteurs. "Le data leakage est une vraie menace aujourd’hui si l’on considère que le patrimoine de l’entreprise même est impacté directement par la maîtrise et l’analyse de ces données", confirme Pierre Calmard, directeur général d’iProspect France.

Des sites annonceurs truffés de tags

Nombre de sites médias et annonceurs sont ainsi truffés de tags en provenance d’acteurs aux algorithmes parfois opaques… Et de citer l’exemple d’un spécialiste du big data qui n’hésite pas "à utiliser les données de ses clients pour nourrir le ciblage de certains de leurs concurrents". À l’agence conseil média de jouer, dans cette perspective, le rôle de véritable garde-fou. "Nous devons aiguiller nos clients vers les acteurs les plus vertueux", rappelle Pierre Calmard. Une profession de foi qui passe par un audit plus rigoureux des partenaires technologiques du client.

Bien sûr, le programmatique, c’est souvent la promesse de revenus additionnels. Mais l’automatisation de la commercialisation des inventaires suscite de nombreuses crispations du côté des marques médias les plus premiums, qui rechignent à communiquer trop d’informations aux enchérisseurs programmatiques.

Les URL masquées comme mouvement défensif

"Ainsi beaucoup préfèrent encore passer par des places de marché privées comme La Place Media ou Audience Square et leurs URL masquées, afin de protéger une information de valeur telle que "le placement ID", le nom du site, l’emplacement de la bannière", illustre Frédéric Lefebvre, directeur du programmatique chez CCM Benchmark (éditeur du JDN). Chaque trading-desk qui enchérit sur une bannière accède en effet à toute une série d’informations qui lui permettent de "matcher" l’internaute ciblé avec sa propre base de données. Un droit de regard que certains s’achètent à moindres frais. "Certains spécialistes de la data se félicitent d’enchérir sur toutes les offres, mais de quelques centimes, juste pour capter ces informations-là", explique Frédéric Lefebvre. Et difficile de se prémunir de cette pratique sans pénaliser le reste des acheteurs qui ont besoin de ces informations pour savoir si l’emplacement les intéresse ou pas. À ce jour, seul le SSP de Google s’y attelle, en réduisant le nombre de requêtes serveurs qu’il envoie aux enchérisseurs qui ne gagnent jamais.

Le "publisher trading-desk"

L'option plébiscitée par de plus en plus d’éditeurs : lancer son propre "publisher trading-desk". Le concept, popularisé par Google et Amazon, bientôt lancé chez Facebook, revient à dire aux annonceurs et agences : "si tu veux exploiter ma data, c’est dans mon écosystème et selon mes règles", résume Frédéric Lefebvre. Soit peu ou prou le message adressé par Webedia au marché via son investissement dans le français Tradelab, qui a maintenant pour mission de commercialiser la data d’Allociné, Jeuxvideo.com et cie en dehors de la galaxie des sites de Webedia. "C’est d’abord une manière de protéger notre data en acquérant un droit de regard sur la société qui en fera le commerce", explique Cédric Siré, DG et cofondateur de Webedia, qui a pleinement conscience de la valeur de ce nouvel or noir.   

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