Luc Tran-Thang (Mindlytix) "Notre ciblage en temps réel s'ouvrira aux applications à la fin du mois"

Le cofondateur de cette plateforme capable de toucher les internautes au bon moment explique les limites du modèle de ciblage actuel et comment il estime y remédier.

JDN. Mindlytix s'est lancé il y a un an avec la promesse de toucher "le bon individu au bon moment". C'est un discours que l'on entend dans toutes les bouches depuis quelques années.  Où est la révolution ?

Luc Tran-Thang, cofondateur et PDG de Mindlytix © S. de P. Mindlytix

Luc Tran-Thang (Mindlytix). Si cette promesse est effectivement devenue un lieu commun dans les discours, la réalité est tout autre. Les agences médias ont beaucoup de mal à optimiser le timing des prises de parole de leurs clients. D'autant qu'elles ont rarement les outils qui leur permettent de retrouver en média les typologies et segments marketing très granulaires des annonceurs. Une agence ne peut pas aujourd'hui cibler 200 segments clients aussi précis que, par exemple : les femmes de moins de 35 ans qui aiment les voitures. On vend le média digital comme étant le média de la précision mais ce n'est pas toujours vrai.

Comment Mindlytix, qui s'est donc spécialisé dans la connaissance et le ciblage consommateur en temps réel, change-t-il cela ?

Nous avons mis au point une solution de profiling en temps réel des utilisateurs, capable d'analyser près de 3 milliards de points de contacts et flux de données chaque jour via les DSP, ad-exchanges et sites annonceurs sur lesquels nous posons un tag. Mindlytix qualifie ce que nous appelons des moments de vie, à savoir des périodes de 5 à 10 minutes durant lesquelles l'état d'esprit d'un individu, c'est-à-dire ses priorités fonctionnelles et émotionnelles, restent inchangées.

"Nous analysons  près de 3 milliards de points de contacts et flux de données chaque jour"

Tout cela est rendu possible par la conjonction de plusieurs techniques : du deep learning pour comprendre le chemin emprunté par l'internaute, de l'intelligence artificielle pour être capable d'analyser près de 200 000 requêtes par seconde et des compétences en sciences sociales pour savoir comment un événement particulier se "traduit" dans la tête de quelqu'un…. J'aime reprendre cette formule du fondateur de Netflix qui explique qu'il est plus pertinent de regarder ce que les gens font plutôt que d'écouter ce qu'ils disent quand on veut leur proposer ce qu'ils veulent.

Concrètement, comment fonctionne l'algorithme ?

Nous résumons chaque point de contact en un profil sémantique. Aujourd'hui, on se cantonne aux pages Web mais on s'ouvrira aux applications d'ici la fin du mois. Lorsque l'on voit arriver l'impression, on est capable de convertir des signaux faibles ayant eu lieu au cours des 5 à 10 dernières minutes en des traits saillants. Une personne qui a consulté un site d'immobilier, un site sur la taxe foncière et un site de conseils de déménagements est, par exemple, en train de réfléchir à acheter une maison. On regarde ensuite si le profil établi intéresse le DSP utilisé par notre client qui enchérira si c'est le cas. On a remarqué une hausse de 50% de l'intensité de fréquentation du site de nos annonceurs lors des premières campagnes.

Pourquoi se cantonner uniquement aux 5 à 10 dernières minutes ?

Tout simplement parce que l'esprit du consommateur est très changeant. Je peux avoir été dans des dispositions totalement différentes 15 minutes avant. Il y a un temps pour tout et une même publicité ne va pas être pertinente selon les moments de diffusion.  Certes, un parent va être potentiellement intéressé par des publicités pour les couches, mais il sera encore plus intéressé par d'autres contenus publicitaires à certains moments bien précis.

Quel est l'objectif de Mindlytix ?

L'objectif est d'améliorer la considération de la marque, en identifiant les utilisateurs les plus susceptibles d'être intéressés par l'offre et de faire en sorte que lorsqu'ils basculeront dans le processus d'achat, ils y penseront naturellement. Pour arriver à cette prise de conscience, les annonceurs en sont souvent réduits à faire du "carpet bombing". C'est-à-dire diffuser une publicité en masse en se disant que l'on optimise ses chances de tomber au moment opportun. Mais c'est une technique contre-productive à la longue car les gens en ont vite assez de ce matraquage publicitaire.

"Le coût de notre solution oscille entre 5 et 10 000 euros par mois"

Comment commercialisez-vous votre offre ?

Nous mettons notre technologie à disposition de nos clients qui l'opèrent eux-mêmes. Ils peuvent opter pour un modèle d'abonnement de type SaaS. La plateforme fait alors remonter des insights sur une volumétrie de "moments" et permet, si besoin, de passer de l'insight à son activation média. Certains de nos clients utilisent notre moteur pour établir des scores d'engagement par rapport à un produit et adapter leur prise de parole en achat média dans ce qui s'apparente à du display CRM. D'autres analyseront rétroactivement les "moments" qui ont coïncidé avec le plus fort taux d'engagement et adapterons leur activation média en conséquence. Ils peuvent sinon payer au CPM. Dans tous les cas, le coût oscille entre 5 et 10 000 euros par mois selon la complexité et la typologie de la data que la plateforme doit exploiter. Nous comptons une dizaine de clients dans l'Hexagone.

Vous évoquiez le lancement de votre offre mobile. Cela parait plus compliqué d'obtenir de telles données sur cet univers…

Au vu de la pauvreté des données mobiles auxquelles ont accès les acheteurs médias, toute innovation me semble la bienvenue. Réconcilier les identifiants Web fixe et mobile est effectivement une tâche très difficile mais ce n'est pas un enjeu pour nous. Vous passez rarement du mobile au Web fixe de manière instantanée, les plages sont plutôt clairement identifiées. Les 5-10 dernières minutes que nous analysons sont souvent cantonnées au même canal. Pas besoin donc de faire du cross-device.

Ancien vice-président et directeur monde de la publicité sur les médias numériques du groupe Orange, Luc Tran-Thang a rejoint le monde de l'agence et Starcom France, courant 2012, pour en devenir le président. Il faisait alors partie du comité exécutif de Vivaki France. Il est désormais co-fondateur et PDG de Mindlytix.