Le blockchain advertising, remède miracle aux maux de la pub online ?

Le blockchain advertising, remède miracle aux maux de la pub online ? La technologie pourrait permettre au marché de sortir de la crise de confiance en apportant de la transparence aux annonceurs et des recettes supplémentaires aux éditeurs.

Souvent associée aux monnaies cryptées, bitcoin en tête, la blockchain commence à susciter l'intérêt d'un marché de la publicité confronté à la fraude et au manque de transparence. Un acteur comme MetaX a par exemple profité de l'arrivée d'Ethereum, une technologie qui étend l'utilisation de la blockchain à d'autres usages que celui de l'échange de monnaies cryptées, pour lancer "adChain". L'objectif de cette plateforme encore en beta est de fournir une "vue globale de toute la data associée à une impression pub" et de savoir qui a accès à quelle donnée.

"Toutes les transactions effectuées au sein d'une blockchain sont visibles"

Une manière de répondre à la crise de confiance qui touche les annonceurs et les éditeurs. La faute à un marché du programmatique des plus opaques qui voit se multiplier les intermédiaires plus ou moins bien intentionnés. "Au sein d'une blockchain qui assure la transparence et la traçabilité des échanges chacun  voit l'intégralité des transactions qui s'y déroulent", explique Benoit Lafontaine, CTO au sein du cabinet Octo Technology et spécialiste de la blockchain. Fini les entourloupes promet MetaX, l'annonceur voit exactement ce pour quoi il paie.

Metax s'assure également que la création publicitaire online achetée a bien été vue, par qui, à quel moment, à quel prix et pour combien de clics générés…. Une prouesse rendue possible par l'intégration par MetaX d'un tracker dans le fichier xml de ladite création. "De quoi mettre à mal une industrie de la fraude publicitaire qui pèse plus de 7 milliards de dollars dans le monde", commente Pascal Coggia, associé au sein du spécialiste du conseil en big data, Artefact. Les bots sont automatiquement identifiés et les transactions qu'ils génèrent non facturées.

Le graal pour les annonceurs ? Pas forcément à en croire Benoit Lafontaine. Car pour lui le système se heurte à un problème de confidentialité. "Je doute qu'un annonceur X ait envie que l'annonceur Y, concurrent et également membre de cette blockchain, voit à quel prix il paie ses impressions", illustre-t-il.

D'autres acteurs risquent de freiner des quatre fers. A commencer par tous les intermédiaires qui opèrent entre l'annonceur et l'éditeur : trading desk, DSP, SSP, apporteur de data… Des acteurs dont les marges seraient rendues publiques… voire même supprimées comme ça pourrait être le cas pour les technologies de SSP et DSP rendues inutiles par la technologie d'Ethereum.

"Le blockchain advertising permet de supprimer beaucoup d'intermédiaires entre l'annonceur et l'éditeur"

"L'une des promesses du blockchain advertising, c'est la suppression de beaucoup d'intermédiaires entre l'annonceur et l'éditeur", confirme Pascal Coggia. Pour l'éditeur en revanche, c'est forcément positif puisqu'aujourd'hui sur un euro dépensé par l'annonceur il ne perçoit que 34 centimes. Le reste allant aux intermédiaires. "Un acteur comme Google qui peut toucher plusieurs commissions sur une même transaction  via son ad-exchange, son DSP et son SSP, serait directement impacté."

C'est le pari assumé du cofondateur de Mozilla et Firefox, Brendan Eich, qui lance BAT, une plateforme de diffusion de publicités via la blockchain. "L'arrivée de BAT va permettre aux éditeurs, annonceurs et utilisateurs de se connecter de manière plus efficace et transparente au sein d'une place de marché décentralisée qui réduit la fraude, la violation de la vie privée et les mauvaises publicités, tout en augmentant le revenu des éditeurs", annonce-t-il. Les éditeurs ont perdu 66% de leur chiffre d'affaires au cours des 12 derniers mois et le duo Google-Facebook, qui capte 99% de la croissance du marché, ne fait qu'exacerber cette crise, estime Brendan Eich.

Ce dernier a en outre lancé un token (nom donné à ce qui fait l'objet d'une transaction sur la blockchain), baptisé Basic Attention Token, qui sera intégré au navigateur Web qu'il a également créé, Brave. L'utilisateur qui accepte de visionner des publicités depuis le navigateur touche 15% du prix payé par les annonceurs. Le reste est réparti équitablement entre la plateforme et l'éditeur.

Pour Pascal Coggia cette initiative est une petite révolution. "Avec Brave, on sort du cookie qui fait la loi sur le marché programmatique pour un identifiant qui n'est plus lié à une page Web mais à un device grâce aux informations fournies par le navigateur". Elle pourrait selon lui inspirer d'autres acteurs eux aussi désireux de "reprendre la main sur l'écran sur lequel sont consommés les médias". "Je pense notamment à un fabricant de smartphone comme Xiaomi, par exemple." Les opérateurs télécoms, dont les réseaux sont utilisés par des géants du web qui ne paient pas en conséquence et trustent le marché de la pub online, pourraient eux aussi se laisser tenter. Mais ce marché n'en est qu'à ses prémices "Les gros chamboulements devraient arriver vers 2025, le temps que les acteurs gagnent en maturité", prédit Pascal Coggia.