Jean-Luc Chétrit (Union des annonceurs) "Facebook doit se faire auditer par le CESP sans attendre"

Le tout nouveau directeur général de l'association qui défend les intérêts des annonceurs dévoile sa feuille de route et revient sur les dernières actualités du marché.

JDN. Vous êtes passé de la présidence d'un lobby d'agences, l'Udecam, à la direction d'un lobby d'annonceurs, l'UDA. Qu'est-ce  que cela change ?             

Jean-Luc Chétrit est le tout nouveau directeur général de l'UDA. © S. de P. UDA

Jean-Luc Chétrit. Déjà, je ne me considère pas comme un lobbyiste. Et je tiens à rappeler qu'au cours de ma précédente expérience, j'avais une double casquette, j'étais patron de l'Udecam et de Carat France. Il s'agissait alors de réunir mes concurrents et néanmoins camarades autour de projets qui permettaient de faire avancer la profession, en lançant des programmes de formation ou en pilotant chaque année les Rencontres de l'Udecam. Mon travail à l'UDA s'inscrit finalement dans le prolongement de celui que j'ai mené pour le compte de l'Udecam. Ma mission sera celle de mes prédécesseurs, à savoir fédérer les annonceurs et leur proposer une lecture fine du marché.

De quoi sera faite votre feuille de route ?

Il serait présomptueux d'arrêter une feuille de route moins de trois semaines après mon arrivée. Mais je peux quand même vous donner les thèmes qui me seront chers. D'abord, encourager la liberté de communiquer. C'est une mission fondamentale de l'UDA, qu'il s'agisse de permettre à certains secteurs d'enfin pouvoir communiquer en TV ou de permettre au marché de diffuser des publicités mieux ciblées en TV, tout en étant respectueux de la vie privée des téléspectateurs.

La responsabilité est un autre sujet clé. Il faut mettre en places des actions concrètes. Nous allons à ce titre faire évoluer la  charte UDA pour une communication responsable en y incluant des éléments sur la relation entre les annonceurs et les agences.

Enfin, je veux contribuer à ce que les annonceurs disposent de solutions plus efficaces et créatrices de valeur. On pousse par exemple en faveur du label Digital Ad Trust du Syndicat des régies Internet (SRI). Nous suivons aussi de près les problématiques qui touchent à la transparence, pour que les annonceurs puissent avoir confiance dans le secteur. Cette transparence concerne le coût de l'achat média mais aussi le contexte de diffusion.

"Nous travaillons avec la WFA pour que l'Europe n'impose pas de contrainte excessive sur l'opt-in"

Avez-vous vocation à rééquilibrer le rapport de force au sein d'un marché largement dominé par Facebook et Google ?

C'est clairement un enjeu d'avoir un marché transparent équilibré, sans position dominante qui peut à terme contraindre les annonceurs. Nous allons être très vigilants. Par exemple, nous allons être fermes et demander à ce que Facebook se fasse auditer par le CESP sans attendre pour vérifier la qualité de la méthodologie de ses outils de mesure de la performance. De la même manière que l'ont fait tous les éditeurs qui opèrent en France. Il n'y a pas de raison que Facebook fasse exception. C'est aussi le rôle de l'UDA que de s'assurer que tous les acteurs se soumettent aux mêmes exigences. Pour le moment, ils sont audités par le Media Rate Council, l'équivalent du CESP aux Etats-Unis et nous ont demandé d'attendre les résultats de cet audit.

Le Parlement européen pourrait être encore plus dur que la Commission européenne concernant la réforme de la directive eprivacy et pourrait demander un blocage par défaut des cookies. Ça vous inquiète ?

Nous travaillons de concert avec la World Federation of Advertisers (WFA) pour que les prochaines directives européennes puissent être optimisées et que l'on n'impose pas de contrainte excessive sur l'opt-in. Ce qui par ricochet favoriserait Google et Facebook. Il faut sensibiliser l'Europe sur l'importance de ces sujets pour l'équilibre de la concurrence.

Que vous inspire le projet de fusion entre Vivendi et Havas ?

La première chose c'est de s'assurer de la neutralité du conseil que prodiguent les agences aux annonceurs. C'est la base d'une relation pérenne et ça s'applique à tous les groupes de communication, pas un ne peut y échapper. Nous allons donc aller voir Havas et Vivendi pour nous en assurer. On sera attentifs à leurs arguments. Et si on observe une hausse des investissements publicitaires dans les propriétés médias d'un groupe, nous agirons. Mais attendons déjà de voir les mesures proposées par Vivendi pour rassurer le marché.