Programmatique : bientôt un algorithme d'achat par annonceur ?

Programmatique : bientôt un algorithme d'achat par annonceur ? A chaque annonceur, des problématiques et des objectifs différents. D'où la nécessité de customiser pour chacun l'algorithme d'achat média directement au sein du DSP.

Envoyer le bon message à la bonne personne au bon moment. C'est cette "simple" promesse qui devrait permettre au programmatique de représenter près de 70% des achats display à l'horizon 2020 en France. Parce qu'il permet d'industrialiser à moindre frais un ciblage média très fin, le mode d'achat ne s'attire que des louanges… ou presque.

Certaines voix s'élèvent en effet pour exhorter les principales technologies d'achat du marché à pousser plus loin leur offre commerciale. Une offre qui, si elle a le mérite de satisfaire le plus grand nombre, est jugée parfois trop basique. "Les exigences de nos annonceurs les plus matures se heurtent au modèle "one size fits all" des principales plateformes d'achat. On aimerait pouvoir aller plus loin dans le sur-mesure", pointe Yohann Dupasquier, cofondateur du spécialiste de l'achat programmatique, Tradelab.

Dans le viseur de notre acheteur, l'algorithme d'enchère proposé par les DSP tiers souvent pas (ou peu) customisable. Auto-apprenant, un algorithme se nourrit des événements provoqués par la diffusion d'une impression pour améliorer sa stratégie d'enchère et privilégier la cible et le contexte de diffusion qui performent le mieux. "C'est ce qui explique qu'un annonceur qui génère une cinquantaine de demande d'essais par jour et un retailer qui vend des milliers de vêtements par jour ne peuvent pas travailler à partir du même algorithme d'achat s'ils veulent être pointus", illustre Yohann Dupasquier.

L'arbre de décision pour toucher des micro-cibles

Dans le premier cas, l'événement est plus rare… et a donc plus de valeur au moment d'aiguiller l'algorithme dans la bonne direction. Pour Tradelab, il est donc indispensable de "réfléchir à des modèles d'achat dédiés aux problématiques spécifiques d'un annonceur". Seul un DSP s'attire à ce point les faveurs du français. Il s'agit d'Appnexus et de son offre Appnexus Programmable Bidder. "L'outil nous permet de définir pour chaque annonceur un arbre de décision qui valorise les impressions en y ajoutant une dimension combinatoire." En bon français : paramétrer un prix d'enchère en fonction d'une série de conditions.

Une baisse de 50% du CPA chez Club Med

"Cela nous a permis de surenchérir sur les utilisateurs situés dans certaines régions, cadres supérieurs et appétents voyage et de sous-enchérir sur le reste", détaille Nathanaëlle Tran, acquisition manager chez Club Med – FBS qui a testé l'algorithme de bidding personnalisé de Tradelab. Les coûts d'acquisition baissent car l'annonceur paie le juste prix pour des micro-niches qui performent. "Sur les premières campagnes test, cela nous a permis de réduire de 20% l'enveloppe dépensée dans le cadre d'une campagne de bidding classique", se félicite Yohann Dupasquier. Club Med a de son côté observé une baisse de 50% du CPA par rapport aux stratégies précédemment employées.

Autre vertu : l'algorithme ajuste les présuppositions au fil de la campagne… et peut donc permettre d'identifier de nouvelles poches d'audience à exploiter. "Les audiences les plus réceptives aux messages de l'annonceur ne sont pas toutes dans le cadre pressenti", confirme Nathanaëlle Tran. Pour ajuster constamment le tir, les réunions entre trading desk et annonceurs se font plus régulièrement, afin d'absorber les enseignements apportés par la machine.

L'expérience laisse Frédéric Lefebvre, cofondateur de Zebestof (filiale de CCM Benchmark, éditeur du "JDN") et concurrent de Tradelab un brin sceptique. "Nous avons testé une offre similaire chez Mediamath et avons rapidement fait marche arrière. L'outil est trop limité", juge-t-il. Et de poursuivre : "Adapter sa stratégie d'enchères aux besoin de son client est évidemment nécessaire. Mais il s'agit ici de créer des règles d'achat sans les nourrir avec du machine learning."

Comprendre que l'on n'est pas vraiment dans le temps réel, contrairement à un algorithme qui se recalcule lui-même toutes les millisecondes. Pour le patron de Zebestof, il est donc ici plus juste de parler de BYOR (Bring your own rules) que de BYOA (Bring your own algorithm). "La logique du BYOA me paraît compliquée à mettre en place lorsqu'on passe par un DSP tiers. Ça implique des allers-retours entre le DSP et la techno du trading desk qui me semblent rédhibitoires en termes de latence." Raison pour laquelle Zebestof pilote son offre depuis sa propre technologie de DSP.