Alexis Marcombe (Carrefour Media) "Nous sommes capables de retoucher 5 de nos 14 millions d'encartés sur le Web"
Le patron de la régie du géant de l'agro-alimentaire détaille la composition de son offre commerciale, ses choix technos et ses ambitions pour les années à venir.
JDN. Vous avez quitté la régie d'un groupe de presse, Le Figaro, pour prendre la tête de celle d'un distributeur, le groupe Carrefour. Qu'est ce qui change ?
Alexis Marcombe. Pas mal de choses à commencer par ce que je vends. Mon principal critère de performance n'est plus la visibilité publicitaire, comme c'était le cas au sein de la régie media.Figaro, mais l'impact sur les ventes générées chez nous. En résumé, il ne s'agit plus de promettre à l'annonceur 80% de visibilité sur une campagne média mais un ROI de X euros de chiffre d'affaires généré. Autant vous dire que c'est beaucoup plus facile à vendre vu que l'impact des campagnes que nous gérons est directement visible sur le business.
L'autre différence, c'est que l'on ne raisonne plus en cookies Web mais en données people-based. La force de Carrefour, c'est de disposer de la plus grosse base de fidélité en France, avec 14 millions d'encartés qui contribuent à 70% de notre chiffre d'affaires. Cette puissance, combinée à la fréquence d'achat de nos clients, nous permet d'être aussi exhaustif que granulaire dans notre ciblage. Nous pouvons mettre sur pied des segments d'audience aussi fin que "les clients qui achètent du Coca Zéro en canette 33 centilitres" par exemple. De même que nous pouvons aider une marque à identifier ses clients qui sont susceptibles de la quitter parce qu'ils achètent, de manière épisodique, un produit concurrent.
Comment s'articule aujourd'hui l'offre de Carrefour Media ?
Elle est structurée autour de trois piliers : la mise en place d'études pour apporter des insights aux marques, la segmentation de leurs données et leur activation en média. Nous permettons aujourd'hui aux marques de toucher des clients ou des intentionnistes sur tous les canaux, offline ou online. En fonction de leurs besoins et de la typologie de la cible, nous allons activer les leviers les plus pertinents parmi le catalogue, le coupon, le SMS, l'email, le display sur notre site ou sur d'autres comme Facebook… Pour maîtriser la pression marketing exercée sur tous ces canaux, nous nous appuyons sur un ID omnicanal. L'une de mes missions est donc d'associer à chaque encarté un ID Carrefour, une ID Google, une ID Facebook. De façon à pouvoir les toucher au sein de tout l'écosystème Web. A date, nous avons réussi à le faire pour cinq millions de ces encartés. Ce qui nous positionne loin devant le second plus gros acteur en France de notre marché… qui en a cinq fois moins.
Comment gérez-vous l'onboarding de vos données clients ?
Nous dépensons chaque année plusieurs millions d'euros pour être en capacité de maintenir cette base de données à jour, via des partenariats avec des spécialistes comme Liveramp, mais aussi des développements pour améliorer le taux d'encartés. Pour être encore plus performants dans cet onboarding, nous allons initier des partenariats annexes avec des gros acteurs du digital dans les semaines à venir. Nous touchons 20 millions de clients tous les mois en magasin et en ligne. Cela génère donc une volumétrie phénoménale dans le processing des données. On parle tout de même de 13 milliards de tickets de caisse par an dans plus de 5 000 points de vente.
Investissez-vous dans de la technologie ?
Nous avons réalisé plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019
Nous privilégions pour l'instant les partenariats technologiques aux développements internes. Nous préférons agréger des briques complémentaires plutôt que d'investir dessus, le temps de démontrer la viabilité du modèle. Mais pourquoi pas le faire dans un second temps. Nous avons choisi Xandr pour le display, Storetail de Criteo pour le search sponsorisé, Tableau pour les insights… Nous avons ouvert un siège chez Xandr et Facebook où quatre traders opèrent les achats médias des marques qui nous font confiance. Ces dernières peuvent évidemment le faire elles-mêmes, sous réserve d'utiliser notre siège DSP, pour que l'utilisation de notre donnée se fasse au sein d'un environnement dont nous avons la maîtrise. Pas d'achat en search chez Google en revanche. Les volumes de requêtes sont très faibles dans l'agro-alimentaire. Nous avons en revanche beaucoup de demandes sur l'activation des données au sein de Facebook et des sites médias labellisés DAT. Les marques avec lesquelles nous travaillons font attention à leur brand safety.
Que représente aujourd'hui cette activité média pour un géant de la distribution comme Carrefour ?
Nous avons réalisé plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019 et espérons tripler ce chiffre d'ici cinq ans. Nous achetons déjà jusqu'à un million d'euros de média certains mois, tous canaux digitaux confondus. L'ambition c'est de faire de Carrefour Media le champion du marketing dans l'alimentaire et les FMCG. La granularité de la donnée que nous proposons n'a pas d'équivalent. Pas même chez Amazon… Notre département réunit une cinquantaine de collaborateurs et devrait en accueillir prochainement une dizaine de plus, essentiellement des profils digitaux.