Exclusif : après 6 mois d'enquête, l'Autorité de la concurrence s'attaque de nouveau à Google

Exclusif : après 6 mois d'enquête, l'Autorité de la concurrence s'attaque de nouveau à Google Le gendarme français de la concurrence a notifié courant octobre le géant américain de ses griefs. En cause, des pratiques publicitaires qui pourraient lui valoir une nouvelle amende salée.

Accusé par le Texas et neuf autres Etats américains de s'être adonné à une série de manipulations pour exclure la concurrence dans le secteur de la publicité, Google fait face à des charges similaires en France où il est, selon nos informations, dans le viseur de l'Autorité de la concurrence. Cette dernière a, à l'issue d'une enquête menée entre juin 2019 et janvier 2020, identifié plusieurs pratiques permettant au géant de la publicité de profiter de son hégémonie pour nuire à la concurrence. Méthodes qu'elle a répertoriées dans un document envoyé à Google en octobre dernier, lors de l'étape dite de la notification des griefs. Cette étape a ouvert la procédure d'instruction devant l'Autorité, qui estime donc que les pratiques anticoncurrentielles sont suffisamment établies.

Le document éreinte le géant de la publicité qui est accusé, selon nos informations, de profiter de sa position dominante pour favoriser ses propres outils et évacuer la concurrence. Google est depuis longtemps pointé du doigt par l'adtech pour sa présence des deux côtés de la chaîne de valeur (il est à la fois acheteur et vendeur dans les enchères publicitaires). Son stack technologique, Google Ad Manager, est aujourd'hui adopté par plus de 95% des grands médias français alors que DV360, son outil d'achat, est lui utilisé par plus de la moitié des annonceurs en France.

Les plaignants : Newscorp et Rossel

Google avait deux mois pour répondre aux griefs formulés. Cette réponse doit alimenter un nouveau rapport de l'Autorité qui sera, lui aussi, soumis aux parties prenantes, à savoir Google et les plaignants. Car l'Autorité a agi à la suite d'une plainte déposée par le groupe australien Newscorp (éditeur de titres comme Dow Jones & Company, HarperCollins, News International, New York Post). Le groupe média fondé par Rupert Murdoch a initié des plaintes similaires dans de nombreux marchés : aux Etats-Unis, en Australie et dans quelques pays d'Europe. 

Une audience devant le collège de l'Autorité de la concurrence prévue dans les prochains mois

Quelle suite l'Autorité de la concurrence donnera-t-elle à la procédure ? Il va falloir attendre l'audience devant le collège de l'Autorité, prévue d'ici la fin de l'année, pour être fixé. Google, qui ne fait pas de commentaires à ce stade, peut toutefois s'attendre à une nouvelle sanction, à l'image de celle que l'Autorité avait prononcée à son encontre en décembre 2019, le condamnant à verser 150 millions d'euros pour abus de position dominante. L'action menée par l'état du Texas pourrait toutefois donner lieu à de nouveaux développements. Elle a, en effet, mis en lumière une possible entente illégale entre Google et Facebook. Le second se serait engagé courant 2018 à ne pas rentrer en compétition avec le premier, via la mécanique du header bidding, en échange d'un traitement de faveur de la part de la régie publicitaire de Google. Un accord "important stratégiquement" à en croire un email de la numéro 2 de Facebook, Sheryl Sandberg, qui permettait de maintenir le "statu quo", révèle le Wall Street Journal après s'être procuré les détails de la plainte.

Si Google et Facebook ont tous deux fermement démenti les accusations du procureur général Paxton, l'Autorité de la concurrence pourrait voir cela d'un autre œil. "Elle pourrait décider de poursuivre Google pour obstruction, estimant qu'il n'a pas répondu de manière correcte et exhaustive à ses questions pendant ses six mois d'enquête, les détails de cet accord ne lui ayant pas été remontés", prévient notre avocat. 

Le gendarme de la concurrence, qui n'a pas pour habitude de commenter les procédures en cours, évoque toutefois à demi-mot le cas Google dans ses vœux 2021. "Plusieurs enquêtes contentieuses, initiées notamment à la suite de l'avis de 2018 sur la publicité en ligne, devraient aboutir en 2021. C'est le cas pour deux affaires, l'une concernant les services d'intermédiation dans le secteur de la publicité en ligne." Verdict dans les mois qui viennent.