Médias, comment inciter les internautes à accepter vos cookies pub

Médias, comment inciter les internautes à accepter vos cookies pub Les nouvelles règles imposées par la Cnil faciliteront le refus par l'internaute. Les éditeurs peuvent néanmoins limiter la casse grâce à quelques bonnes pratiques.

Inciter… sans tromper. Voilà le challenge qui se présente à la plupart des groupes médias français financés par la publicité à partir du 31 mars, date d'entrée en vigueur des nouvelles lignes directrices de la Cnil en matière de récolte du consentement aux traqueurs. Une ligne de crête sur laquelle il va leur falloir avancer pour éviter que le pourcentage d'internautes qui refusent les cookies n'explose, sans pour autant sortir du cadre édicté par la Cnil. A savoir obtenir un consentement qui est formulé de manière libre, spécifique, éclairée et univoque. La Commission est très claire sur ce point, pas question que les responsables de traitement (les médias dans ce cas précis) recourent à des "pratiques de design potentiellement trompeuses laissant penser aux utilisateurs que leur consentement est obligatoire ou qui mettent visuellement plus en valeur un choix plutôt qu'un autre." Pas la peine donc d'envisager une option "accepter" encadrée d'un panneau vert alors que l'option "refuser" est, elle, assortie d'un rouge qui, dans l'inconscient collectif, signifie "stop". Ou encore d'accoler à la formule "accepter" une taille de police supérieure à celle du "refuser". Les deux options doivent être mises en évidence de manière identique, rappelle la Cnil. 

Ceci étant rappelé, les médias disposent tout de même d'une marge de manœuvre sur le sujet. Le JDN a fait le tour de la question avec des experts de la gestion du consentement.

Contextualiser sa demande

Nombreux sont les médias qui présentent à l'internaute qui arrive sur leur site pour la première fois, un pavé de texte légal inintelligible. Jusqu'à aujourd'hui, c'était sans conséquence... Mais lorsque la Cnil leur imposera de mettre le bouton refuser au premier niveau, la sanction sera immédiate. "Les gens vont, pour la plupart, cliquer sur l'option refuser car ils ne comprendront pas ce qu'on leur demande", prévient Romain Gauthier, fondateur de la solution de gestion du consentement, Didomi. Il est donc nécessaire de contextualiser votre demande. "Il est important d'intégrer en haut du texte, une accroche ou un titre, qui permet à l'utilisateur de comprendre pourquoi on lui demande d'effectuer une action."

Une formule aussi simple que "Gérer vos choix en matière de cookies" améliore le taux de consentement de 5 à 10 points

Une formule aussi simple que "Gérer vos choix en matière de cookies" permet d'améliorer le taux de consentement de 5 à 10 points à en croire les premiers tests réalisés par Didomi. "Les internautes ne lisent pas tout mais ils regardent au moins le titre", rappelle Romain Gauthier. N'hésitez pas à expliquer ensuite de quoi il s'agit. C'est peut-être une évidence pour vous mais ça ne l'est sans doute pas pour certains internautes, qui ne savent même pas ce qu'est un cookie.

Reprendre les codes de son média

Voici encore une erreur que la plupart des médias font : se contenter d'une interface de CMP aussi austère qu'impersonnelle. "Il est important que l'utilisateur se sente déjà sur votre site lorsque vous lui pousser cette interface", prévient Romain Gautier. Le risque c'est de faire fuir les lecteurs. Nombreux sont ceux qui, dans une logique de snacking de contenus, cliquent sur plusieurs liens en même temps, ouvrant des fenêtres qu'ils ne consultent que plus tard. "Lorsqu'ils le font et qu'ils voient cette interface, ils ne se rappellent pas toujours ce qu'ils voulaient regarder et, dans le doute, peuvent fermer la fenêtre aussi tôt", observe Sébastien Gantou, DPO pour certains médias français. Les taux de rebond en pâtissent en conséquence.

"On n'a toujours que du texte, rien ne dit pourtant qu'il est interdit de mettre une image"

A vous de travailler l'UX de votre interface dans ce sens. Cela commence par reprendre les codes visuels de votre site. "La couleur des boutons accepter et refuser peut-être liée à votre charte graphique", illustre Sébastien Gantou. Il est aussi bon de s'inspirer du ton de votre média au moment de choisir les termes du texte. Un média qui touche un public de jeunes ne s'exprimera pas de la même façon qu'un média qui s'adresse à un public plus mature." Autre option : inclure des visuels qui rappellent la thématique du site. "On n'a toujours que du texte, rien ne dit pourtant qu'il est interdit de mettre une image", pointe Sébastien Gantou. Tous ces éléments de réassurance doivent faire comprendre à l'internaute qu'il est à deux doigts d'accéder au contenu qu'il recherchait.

Faire preuve de pédagogie

Sébastien Gantou enjoint les médias à sortir du langage stéréotypé qu'ils sont encore nombreux à adopter, pour jouer carte sur table. "Qui croit franchement un média qui lui dit que sa vie privée est sa priorité comme l'affirment la plupart ?" Le DPO conseille plutôt de rappeler à l'internaute l'importance de la publicité dans le financement du média. S'il y est attaché, il n'aura aucun mal à cliquer sur accepter. "C'est tout de même problématique qu'une majorité d'internautes n'ait pas conscience de cette réalité économique", estime Sébastien Gantou. Faire preuve de pédagogie, c'est aussi se donner les moyens de justifier une offre différenciée selon ce que l'internaute donne en retour, qu'il s'agisse d'argent dans le cadre d'un abonnement payant ou de quelques données personnelles.

"Qui croit franchement un média qui lui dit que sa vie privée est sa priorité comme l'affirment la plupart ?"

Les éditeurs sont aussi nombreux à réfléchir à la possibilité de différencier l'offre qu'ils adressent aux utilisateurs qui acceptent les cookies et ceux qui les refusent. C'est l'option adoptée par Le Monde, qui fait le pari de dégrader l'expérience de navigation en cas de refus, en proposant sur une bonne partie de la page un bandeau rappelant l'importance de la publicité ciblée dans son modèle économique et la possibilité de s'abonner. Le quotidien du soir aurait échangé avec la Cnil sur la légalité d'un tel dispositif, sans obtenir de validation officielle.

Tester l'option avec "continuer sans accepter"

C'est de l'avis de beaucoup un beau cadeau fait par la Cnil au marché publicitaire. Dans ses recommandations, la commission ouvre la porte à une interface de récolte du consentement qui permet de proposer l'option "tout accepter" et "paramétrer" côte à côte, ainsi qu'une option "continuer sans accepter" en haut. Au moins six médias français testent ou ont testé cette interface sur tout ou partie de leur audience, écrivait Mind Media le 9 mars dans un baromètre réalisé avec l'alliance Gravity. Il s'agit du Figaro, d'Europe 1, du JDD, de Santemagazine, de L'Alsace et du Parisien. Selon les premiers test, les performances du dispositif sont supérieures à la moyenne. Aux sites précédemment cités, il faut ajouter la dizaine de sites édités par CCM Benchmark, dont le Journal du Net.

"L'un de nos éditeurs obtient un taux d'acceptation de 80% avec cette interface"

"L'un de nos éditeurs obtient un taux d'acceptation de 80%", dévoile Romain Gauthier. Loin de la chute du taux de consentement attendu autour des 50%. L'échantillon statistique assez faible incite toutefois à la prudence. D'autant que, comme le rappelle Sébastien Gantou, les utilisateurs peuvent vite changer de comportement. "Les gens qui cliquent sur continuer sans accepter vont sans doute se rendre compte qu'on leur propose l'interface plus souvent, avec le risque qu'ils soient plus nombreux à terme à cliquer sur paramétrer pour refuser, par lassitude." Cela peut donc marcher un temps… mais rien ne vaut la transparence. "Il est important de donner confiance", plaide Romain Gauthier.

Retarder l'apparition de l'interface de récolte du consentement

Ce n'est pas vraiment une surprise, mais on est toujours plus enclin à dire oui à un média que l'on apprécie. Le problème, c'est que la plupart des médias demandent à l'internaute de formuler son choix lors de sa première visite, alors qu'il n'avait pas forcément pris la mesure de ce qu'ils ont à lui offrir. C'est d'autant plus dommageable que s'il dit non, ils n'ont pas de seconde chance. Alors pourquoi pas ne pas attendre qu'il consulte quelques pages, le temps de se faire un avis ? C'est évidemment accepter de monétiser un peu moins bien ces quelques pages (le trafic sans consentement se vend moins bien en open auction) mais c'est investir sur l'avenir. Un éditeur qui a une faible récurrence de visites ne pourra sans doute pas avoir le luxe d'attendre. Un autre, qui a un public engagé, aura peut-être intérêt à le faire. "C'est une question d'arbitrage, dans tous les cas, c'est intéressant de procéder à des AB testings", estime Romain Gauthier.